LA JEUNESSE A OUVERT CES DEUX DERNIERS MOIS UN NOUVEAU CHAPITRE POLITIQUE DU PAYS…

LA JEUNESSE A OUVERT CES DEUX DERNIERS MOIS UN NOUVEAU CHAPITRE POLITIQUE DU PAYS
D’UN ETE CHAUD, ELLE POURRAIT BIEN FAIRE UNE RENTREE TORRIDE
Ne nous y trompons pas, la jeunesse a ouvert depuis la dissolution macroniste un nouveau chapitre politique du pays.
Macron qui ne l’avait pas vu venir s’y est cassé les dents. Son régime, surtout s’il voulait persévérer dans le déni, en est déjà plus fragile que jamais malgré ses rodomontades, en ouvrant une période de crise propice à la politisation des mouvements sociaux. Mais surtout, submergeant les péripéties politiciennes des sommets, cette mobilisation des jeunes pourrait bien être le signal d’une inversion des tendances de la période, celui de l’arrêt de toute l’évolution réactionnaire de ces dernières années.
Avant d’y regarder de plus près, observons qu’au même moment, la jeunesse bangladaise que beaucoup là-bas pensaient être une génération perdue pour la politique et l’engagement, est en train de s’engager sur le chemin d’un nouveau 1968. Sa mobilisation a balayé en un instant des décennies d’habitudes politiques, qui signifiaient pour les générations passées des défilés, des protestations, des rassemblements, des grèves, des blocus tout cela sans lendemain et sans guère d’effet. La créativité sans limite du mouvement étudiant sortant de ces habitudes a généré une sorte de pouvoir hypnotique, qui a attiré à lui toutes les catégories de la population en les revivifiant toutes. On voit leurs propres enseignants qui hier se plaignaient de leurs étudiants, se déclarer aujourd’hui prêts à mourir pour eux ; on voit aussi des journalistes qui avaient renoncé à leur déontologie, retrouver le courage de se battre dans la rue avec eux pour une presse honnête ; ce sont encore des avocats qui avaient accepté une justice corrompue qui descendent dans la rue avec les étudiants pour une vraie Justice égale pour tous et enfin et surtout des jeunes ouvriers du textile, entraînés par la détermination de la jeunesse qui manquait aux directions syndicales, qui meurent à leurs côtés dans les affrontements contre la police. Après deux ans de mobilisations sociales ininterrompues mais sans issue, les étudiants ont mis le feu comme l’avaient déjà fait les étudiants sri-lankais au printemps 2022 lorsqu’ils avaient pris le pouvoir quelques jours – et dont tout le monde a gardé en tête les images des jeunes se baignant dans la piscine présidentielle – mais malheureusement pas prêts à un tel succès, n’avaient pas su quoi faire de ce pouvoir et l’avaient à l’époque laissé échapper des mains.
Sans bien sûr aller jusque-là, nous avons connu ce printemps/été, cette même tendance électrisante – qui s’annonce certainement mondiale – de l’effet « hypnotique » de la créativité de la jeunesse qui s’est retrouvé jusque dans l’originalité de la cérémonie d’ouverture des JO qui n’est un prolongement dans le domaine artistique du mouvement non conformise de la jeunesse de ce printemps/été. Mais on ne peut pas le comprendre ni même le voir si on ne suit pas les évènements dans leurs liens et la dynamique de leur déroulement et qu’on y voit au contraire qu’une addition de faits aussi décousus que l’empilage d’assiettes, vécus comme de l’imprévu qui surprend et qu’on subit : il y a une série de luttes importantes inhabituelles et victorieuses profitant des JO pour obtenir des primes ou plus ; il y a la dissolution déconcertante de l’Assemblée nationale ; il y a la création rapide et paradoxale du NFP ; il y a une mobilisation imprévue de gauche pour les législatives ; il y a l’entrain saisissant de la jeunesse prenant en main l’organisation de la campagne ; il y a l’engagement inhabituel de la CGT en politique ; il y a le désistement étonnant entre gauche, centre et droite, remettant sur pied le Front républicain pourtant détruit par Macron, pour faire barrage au RN auquel il mettait le pied à l’étrier quelques semaines auparavant ; il y a la victoire surprenante du NFP arrivé en tête contre toutes les prévisions des médias et des sondages ; il y a le refus ahurissant de Macron de nommer un 1er ministre NFP ; il y a le vote anormal et illégal des députés/ministres au perchoir de l’Assemblée ; il y a la cérémonie d’ouverture stupéfiante des JO ; il y a la campagne inédite de 1er ministre de Lucie Castets malgré les congés d’été et les JO…
Il y a pourtant une logique sous-jacente à ces faits. On vit la fin d’une période d’impasse où on était poussé à voter Macron pour faire barrage au RN. La mobilisation de la jeunesse a permis de battre en même temps Macron et le RN. C’est une rupture. Et ce n’est pas une nouvelle période qui s’ouvre comme hier autour du succès électoral par en haut de la gauche maintenant ou dans les prochaines présidentielles mais autour d’une prise en main par en bas de son sort par la jeunesse. On a du mal à mesurer les conséquences de ce tournant. On ne l’intègre pas facilement dans son esprit parce qu’on ne suit pas suffisamment ce qui se passe en bas, les luttes et leurs évolutions en ayant conscience que l’histoire se fait toujours par en bas – aussi bien en France qu’ailleurs, la planète formant de plus en plus un village. Faute de ce regard, on est condamné à toujours subir les manières de voir d’en haut et à toujours courir après les évènements sans vraiment les comprendre. Car ce faisant, l’empilage d’assiettes aboutit à dessiner un univers mental : on finit par justifier son incompréhension en projetant son pessimisme généré par les manières de voir d’en haut sur les faits d’en bas pour se justifier soi-même tout comme le renard de la fable de La Fontaine qui trouvait que les raisins n’étaient pas assez mûrs parce qu’il n’arrivait pas à s’en emparer.
Bien sûr, la mobilisation de la jeunesse en France ne s’est pas faite sur ses propres revendications comme au Bangladesh et de ce fait a été moins visible et a moins marqué les esprits. Cependant, c’est bien cette mobilisation inédite de la campagne des législatives qui a permis d’atomiser les manœuvres politiciennes de Macron et d’empêcher que l’extrême-droite accède au gouvernement. Et cette œuvre de la jeunesse a été marquée, comme au Bangladesh, par sa fraîcheur et sa créativité sortant des sentiers battus. De plus, comme encore au Bangladesh, elle prolongeait une mobilisation originale de la classe ouvrière qui en essayant en France d’utiliser dans ces JO le climat politique anti-Macron, a obtenu par ses mobilisations un niveau de satisfaction des revendications pour certains pas vu depuis les années 1970. Ce ne sont pas des conflits syndicaux pour les salaires comme les autres. C’est le commencement de la sortie du prolétariat du cadre économique qui lui est traditionnellement imparti pour entrer dans la sphère politique qui lui est interdite. Mais là aussi, cette évolution est passée sous les radars de la plupart des organisations et de bien des militants, tout comme les mêmes ou bien d’autres ont oublié que c’est dans ce sillage de cette subversion que le cœur de la mobilisation électorale victorieuse a non seulement battu au rythme de la rue mais aussi à celui d’une jeunesse qui s’emparait de la politique par ses propres méthodes. Et cela, une fois fait, on ne le lâche pas.
Bien sûr, dans la campagne électorale, il y a eu les appels à la mobilisation de la direction de la CGT et c’est tant mieux. Il y a eu aussi les appels de toute la société civile, des artistes aux avocats, des intellectuels aux architectes, des historiens aux sportifs, etc… et ça été heureux. Mais c’était essentiellement animé par la peur -justifiée – de l’arrivée au pouvoir du RN. Avec la jeunesse il y a eu autre chose. C’est d’abord la mobilisation effective de la jeunesse et son inventivité qui ont permis que ces appels se concrétisent et soient victorieux, des convois de la liberté pour renforcer la campagne dans les circonscriptions décisives à l’inscription organisée collectivement sur les listes électorales. Mais par-delà la peur, la jeunesse a aussi apporté en positif l’espoir et la volonté d’un autre monde. Ça s’est vu au fait que toutes ses mobilisations ont été festives et joyeuses. Comme mai 68 a été une fête. Les mobilisations de la jeunesse font vivre un autre monde en même temps qu’elles se battent pour ; deux rassemblements festifs contre le RN avec 60 000 jeunes place de la République à Paris à l’appel des médias alternatifs ; le rassemblement festif antifasciste au festival d’Avignon où mobilisation, art et imagination étaient au pouvoir ; et encore plus cet hymne à la vie, à une échelle encore plus large dans les gay prides contre le fascisme jamais aussi politiques, jamais aussi nombreuses même dans de petites villes et jamais avec une telle participation. Ces prides ont été une répétition populaire de la Cérémonie d’ouverture des JO avec la même expression du gout du vivre ensemble en liberté, en fête, en danses et musique, sans exploitation, préjugés et oppressions, en respect de la nature et en rejet viscéral de la société moyenâgeuse que Macron et le RN veulent pour nous.
Dans ce prolongement, au-delà des intérêts économiques et des volontés policières d’en haut, ces JO ne sont pas une « distraction » où comme des enfants on oublierait tout. Ils sont au contraire une continuation de la fête populaire initiée début juin contre le monde sinistre de Macron, jusque dans le suspense de savoir si les danseurs de la cérémonie d’ouverture seraient en grève ou pas, jusque dans la bagarre de revanche des joueurs noir de l’équipe de France de foot contre celle raciste d’Argentine, jusque dans la joie à fêter les sportifs palestiniens ou dans l’indignation aux côtés de la boxeuse algérienne calomniée, jusqu’encore dans le mouvent de grèves gagnantes pendant les JO en Polynésie française… Ces jeux sont devenus plus politiques que jamais avant les affrontements qui viennent et on n’y oublie rien, ni la victoire du NFP, ni le danger RN, ni les manœuvres de Macron, ni la Kanaky, la Palestine ou le Sahara occidental. Ce moment est tout sauf une trêve, seulement une respiration avant de reprendre la lutte, en sachant que cette fois, la jeunesse qui vient de bousculer les habitudes, est là, prête à remettre ça dès que l’occasion se présentera et cela ne manquera pas.
Au printemps 1967, les gaullistes n’avaient gagné les législatives en plein mouvement social qu’à un seul poste de député donnant le sentiment à beaucoup d’avoir volé les élections. Faute de majorité sûre, ils ont alors gouverné par décrets par-dessus le Parlement. Tout devenait politique. Dans cette ambiance, le mouvement étudiant s’est soudain mobilisé à l’automne/hiver 1967 autour de l’équivalent du ParcourSup actuel, alors qu’il était mis en route depuis déjà 3 ans. Le gouvernement a alors utilisé la répression contre les étudiants. On connait la suite.
Belloubet est partie comme s’il ne s’était rien passé pour mettre en route le « choc des savoirs » à la rentrée. Le Maire, ministre démissionnaire, a déjà prévu un budget pour l’année à venir prévoyant d’énormes coupes sombres pour les services publics… C’est explosif !
Macron, en mettant fin au train-train parlementaire par son coup de force et ses tricheries dérisoires pour que rien ne change reflète à sa manière sa crainte de l’ébranlement souterrain en cours. L’Achéron s’est mis en mouvement, comme disait Rosa Luxembourg, et ce ne sont pas les avortons qui mènent leurs petits jeux politiciens au sommet qui l’empêcheront de remuer les fondements de la terre.
Jacques Chastaing 4 août 2024
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