«La Russie est envahie, et Poutine est caché dans son bunker» : face à l’incursion ukrainienne, le mécontentement gronde dans la population russe
Depuis l’attaque dans l’oblast de Koursk, lancée le 6 août, la méfiance à l’égard du Kremlin et l’inquiétude grandissent parmi les habitants de la région, en compromettant le récit officiel d’une «guerre sous contrôle».
Pour tout le monde, c’était une attaque inattendue. Le conflit, qui devait rester éloigné, a soudainement franchi les frontières russes, semant l’inquiétude parmi la population. Depuis l’incursion des forces ukrainiennes dans l’oblast de Koursk, dans le sud-ouest de la Russie, le 6 août, au moins 121 000 personnes sont parties ou ont été évacuées de la région. Cette attaque, qualifiée par Vladimir Poutine de «provocation majeure», a mis en évidence une divergence croissante entre la perception de la guerre qu’ont les Russes de la région et ce qu’en dit le gouvernement.
Compromettre le récit officiel
La réponse tardive et jugée insuffisante du Kremlin n’a fait qu’amplifier l’incertitude parmi la population. Sur X, un utilisateur s’indigne : «La Russie est maintenant envahie, et Poutine, caché dans son bunker, n’a même pas pris la peine de parler de ce qu’il s’est passé, qualifiant juste l’invasion de “provocation”.» Un autre internaute critique le président russe pour son manque supposé d’intérêt pour l’attaque : «Alors que les forces ukrainiennes ont capturé la moitié de l’oblast de Koursk, que le chef d’état-major a été pratiquement remplacé par le directeur du FSB [le service du renseignement intérieur], […] Poutine, lui, inaugure en grande pompe le “Forum international de l’armée 2024” et nous parle encore d’un “monde multipolaire” que la Russie est censée construire.» Le forum militaro-technique cité est un salon annuel et international de l’industrie de l’armement qui accueille cette année, dans la région de Moscou, plus de 120 entreprises internationales.
Les critiques émanent aussi des cercles ultra-patriotes. Nombreux sont ceux qui reprochent aux autorités russes d’avoir préféré instaurer un régime «antiterroriste» dans les régions de Koursk, Briansk et Belgorod, plutôt que de déclarer officiellement la guerre. Les blogueurs militaires et autres observateurs russes estiment que cela aurait permis aux autorités d’adopter des mesures plus radicales, telles que l’interdiction des manifestations, un couvre-feu, ou encore la mobilisation de la production industrielle à des fins militaires. Mais le Kremlin a opté pour une approche plus limitée. L’Institut pour l’étude de la guerre, un groupe de réflexion basé aux Etats-Unis, a émis l’hypothèse que ce choix visait à minimiser l’ampleur de l’invasion aux yeux du public et à limiter les réactions négatives. Selon le média russe indépendant Verstka, Poutine aurait évité d’utiliser une terminologie militaire lors d’une réunion avec le gouverneur par intérim de Koursk, Alexeï Smirnov, le 8 août.
Malgré la répression de toute opposition et la main de fer de Poutine sur la Russie, les récentes attaques de Koursk menacent de compromettre le récit officiel d’une «guerre sous contrôle», observe le journal américain The Hill. Selon Alena Kudzko, experte au sein du groupe de réflexion Globsec, la situation pourrait accroître la pression sur le Kremlin : «Il y aura davantage de mécontentement parmi la population à l’égard du gouvernement. Même ceux qui, en principe, soutiennent la guerre, ne seront pas satisfaits des conséquences du conflit sur leur quotidien.»
Poster un Commentaire