Le Militantisme et son Ecriture Inclusive (EI)

  gioan.pagnon

Le Militantisme et son Ecriture Inclusive (EI)

Ce n’est que récemment que nous avons vu apparaître dans certaines prêches, dans certains discours politiques et militants ce que l’on appelle la féminisation des énoncés sous prétexte que la langue véhiculerait des stéréotypes, un sexisme qui inférioriserait, qui invisibiliserait la femme, lui causant le plus grand des torts dans sa condition de vie, perpétuant ainsi la domination patriarcale la plus abjecte et cela dans tous les domaines…!

Il est vrai qu’avant l’apparition de l’IE, nous étions tous coupables en conscience d’un tel crime lorsque nous employions le masculin générique, n’est-ce pas ? Heureusement que de « grands » penseurs – d’autant plus bourgeois pour la circonstance – se sont penchés sur la question pour nous apporter la lumière sur un tel crime…! Il paraîtrait en plus de cela que la langue serait même « raciste », voire « fasciste » selon les dires d’un certain Roland Barthes, pensionnaire de l’une des institutions les plus prestigieuses du pays, le Collège de France, rien moins que ça…! Pour combattre le système, rien de mieux que d’y siéger confortablement, non ?

On entend avec récurrence que le « langage » exerce une influence sur notre pensée et que les mots conditionnent notre perception. Ce dont il est question quand on parle « d’influence du langage », c’est du discours dont il s’agit, c’est à dire la manipulation de la langue. La langue en elle-même est inerte. Sur le plan politique, c’est le contenu d’une parole et sa force de conviction qui exerce une influence sociale, pas la langue en tant que structure. La langue ne « dit » rien, c’est son usage qui produit une pensée. En soi, la langue est un système combinatoire, une structure aux principes d’applications malléables. C’est même là sa vocation : la langue permet de dire ce que l’on veut. « Le français sert aussi bien à donner les pleins pouvoir à Pétain, qu’à écrire Le dernier des justes » (J. Szlamowicz, Le Sexe et la Langue).

Le rapport de la langue envers le réel est tout sauf univoque. Si la doctrine de l’influence de la langue était vraie, tout serait alors déjà écrit et on déchiffrerait les rapports sociaux dans le système grammatical. L’existence même des changements sociaux et de l’histoire elle-même est un démenti radical à cette théorie de l’influence. Ce sont les conditions sociétales qui sont exprimées au moyen de la langue et non pas la langue qui forcerait les sociétés à s’aligner sur son système grammatical. S’il en était autrement, il n’y aurait jamais aucun changement social. A cet égard, les revendications « pseudo-féministes » en parfaite symbiose avec la mouvance « Woke » généralisée, constituent même un cas d’école puisque la situation sociale de la femme a considérablement évolué sur le plan juridique et culturel malgré un fonctionnement du genre stable dans la langue. La langue, par sa fixité structurelle, est bien incapable de refléter les états de la société par définition changeants, contrairement aux discours.

D’autre part, la confusion entre les signes de la langue (le genre grammatical) et la réalité sexuée est d’une immense mauvaise foi intellectuelle. Le « masculin » et le « féminin » n’ont jamais signifié « mâle » et « femelle ». Maintenir et propager ce genre de considération est bien le signe d’un certain amateurisme intellectuel, néanmoins cela fait très « chic » d’adopter une telle perspective, non ? Il faut bien reconnaître que les Anglais ont cette chance inouïe d’avoir une langue où les mots n’ont pas de « genre », ce qui les épargne au moins d’une misogynie rétrograde qui nous incombe de facto…! Le même camp idéologique qui s’insurge contre le machisme de la langue n’a rien à dire sur la condition des femmes dans certains quartiers. On s’attaque ainsi à une misogynie imaginaire pour laisser prospérer la misogynie ordinaire. Mais peu importe les moulins à vent contre lesquels on se bat, ce qui compte, c’est de paraître lutter. Pour cela, on peut déterrer le machisme ancestral et le rendre responsable de tous les maux.

Découvrir de faux problèmes pour en devenir le justicier est une stratégie éprouvée. « Il faut bien s’inventer un flic pour faire semblant de s’en libérer – surtout quand on a la prétention à devenir le nouveau flic de la grammaire. » De toute évidence, l’EI fait partie de ces distorsions abusives créant des antagonismes là où il n’y en avait point. Cela permet de devenir l’interlocuteur des pouvoirs publics, d’entrer dans des commissions, de rédiger des rapports et des recommandations, de figurer comme un expert, voire s’élever jusqu’à un maroquin ministériel ou au vedettariat, bref d’entretenir le business du sociétal.

Qui cède volontiers à ce genre de discours, à ce charlatanisme intellectuel sans jamais remettre en cause le bien fondé d’un tel dévoiement de la pensée ? Qui est donc à ce point perméable – si ce n’est une forme de compatibilité – aux idées, au charme bourgeois, pour en être l’instrument, le promoteur le plus dévoué ? Vous l’avez sans doute deviné, il s’agit bien du militant de base se revendiquant d’un certain bord politique dont on aura deviné lequel.

On reproche souvent la jeunesse de céder aux modes, de vouloir imiter la classe bourgeoise dont ils ont malheureusement tous les jours la représentation à la télé, sur les réseaux sociaux. Mais que fait de mieux ce militant que je dénonce, d’un point de vue intellectuel ? Est-ce une faille de sa part ou plutôt une conformité non avouée ? Bien conscient de la léthargie cognitive du militant, pour l’appâter dans sa rhétorique, la bourgeoisie lui a préparé un néologisme, un vocable bien achalandé, taillé sur mesure. Le militant pourra ainsi distiller des mots comme patriarcat, non genré, inclusivité, invisibiliser, confusionnisme, etc.… enfin bref, tout un jargon lui permettant de se travestir, de se draper dans la toge de l’inquisiteur à qui la dignité et la morale lui reviennent de droit. Ce militant a pourtant cette prétention éhontée d’être fort bien informé, très instruit, un intellectuel, un érudit sans commune mesure avec le reste de la population. Il prétendra sans doute qu’il connaît que trop bien 1984 de G. Orwell, un classique de littérature pour les « éveillés » à qui l’on ne pourrait pas méprendre par un outil aussi désuet qu’est la propagande, tout juste bonne pour la masse panurgiste. Qu’en est-il de l’utilisation de l’EI, si ce n’est très exactement une novlangue dont on essaie d’imposer aux gens qui penseraient mal à leur insu et qui doivent faire l’objet d’une rééducation idéologique ? Si l’église avait encore son aura d’antan sous l’Ancien Régime, ce militant n’en serait pas moins que son dé-veau serviteur, il agit à l’identique vis à vis de la classe bourgeoise.

Notons que ce type d’appareillage intellectuel ne s’est pas uniquement greffé à la lutte féministe mais à bien d’autres, on pourra citer par exemple le magnifique livre de F. Gulli « L’antiracisme trahi » qui observe la même tendance de détournement de la lutte antiraciste. La manœuvre est toute simple : investir un champ de lutte sociale et lui imposer un tout autre paradigme, le tout est de lui occulter le fond du problème qu’est le système capitaliste dans lequel nous vivons. C’est très exactement ce qui est en train de se passer avec l’idéologie « Woke », encore une fois élaborée par des penseurs académique bourgeois. Nous pouvons sans doute citer le plus illustre d’entre eux qu’est M. Foucault, tiens donc un autre pensionnaire du Collège de France, l’un des pères fondateurs de la genèse de cette postmodernité à qui l’on doit en grande partie ce revirement « Qu’on ne me parle plus de Marx !  s’irritait déjà Foucault en 1975. Je ne veux plus jamais entendre parler de ce monsieur. Adressez-vous à ceux dont c’est le métier. Qui sont payés pour cela. Moi, j’en ai totalement fini avec Marx » (cf. Critiquer Foucault, Les années 1980 et la tentation néolibérale, ouvrage collectif dirigé par Daniel Zamora, Editions Aden 2014, p. 41). Néanmoins, il faudra toujours haranguer les foules avec le refrain Ah – Anti – Anticapitaliste” pour persuader, pour mieux mystifier les gens dans cette croyance que l’on lutte effectivement contre le capitalisme… ! On préfère hurler avec les loups de l’anticonformisme institutionnel. Cela tombe bien : la rebelle attitude est à la mode. Mieux, elle est au pouvoir. Elle est même la condition de la prise du pouvoir puisqu’il faut bien contester l’ordre établi pour prétendre le remplacer. Quelle contradiction flagrante apparaît encore ici : comment veut-on la fin, l’effondrement d’un système lorsqu’on essaie de se frayer un meilleure place, d’obtenir des avantages au sein même de ce système ?

Non vraiment, il est grand temps de sortir de ces enfermements idéologiques imbéciles colportés et maintenus de main de maître par la bourgeoisie et ses dé-veaux de la bien-pensance. Le prolétariat nous a toujours montré la voie à suivre, il n’y a qu’une voie à suivre, celle de la lutte des classes. Pour cela nous devons impérativemnt revenir aux fondamentaux que sont :

 

l’abolition de l’état

l’abolition de la politique

l’abolition du salariat

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1 Comment

  1. Et l’abolition du patriarcat (oui c’est un flic et il est partout) ? Certains Gilets jaunes sont progressistes sur le plan économique et politique mais question féminisme plutôt ras des pâquerettes voire phallocrates. Penser qu’abattre le capitalisme suffirait à éliminer le racisme, le machisme et autres maux de la société est bien naïf.

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