POUR LA DESTITUTION DE MACRON, BLOQUONS LE PAYS !
La menace d’une procédure de destitution de Macron par LFI a mis en émoi tous les partis et les médias de l’ordre. Ce qui les inquiète n’est pas qu’une destitution réelle par les voies institutionnelles d’en haut soit possible, elle ne l’est pas. Tout le monde le sait ne serait-ce que parce que le Sénat doit y être favorable, et il ne le sera jamais. Ce qui les inquiète, c’est que cette menace peut relancer une mobilisation politique par en bas du mouvement social, telle qu’on l’avait vue avec les Gilets Jaunes autour du slogan « Macron démission ». Le monde bourgeois domestique en effet les classes populaires par la séparation de l’économique et du politique faisant du vote aux élections pour ceux d’en haut le débouché traditionnel des luttes sociales d’en bas. Or, depuis 2017, souterrainement ou ouvertement, avec et autour des Gilets Jaunes, ce système bien rodé est bousculé. Le mouvement social marche sur le chemin où son débouché politique est le mouvent social lui-même mais poussé le plus loin possible et indépendant. Poussé à son terme, cela s’appelle « révolution » et ça terrorise les possédants.
Or, dans le régime présidentiel quasi monarchique de Macron accentué ces dernières semaines par son refus d’accepter le succès légitime du NFP aux dernières législatives, toute manœuvre pour repousser encore ou refuser ces prochains jours le 1er ministre avancé par le NFP, prendra un caractère toujours plus despotique, où le mot « destitution » peut facilement entrer en résonance populaire avec celui de « révolution ». De même, toute autre manœuvre pour empêcher ou ralentir la mise en place d’un gouvernement d’opposition de gauche afin de permettre une rentrée scolaire macroniste avec Belloubet et son « choc des savoirs » ou de donner l’occasion de mettre en route un budget 2025 d’hyper austérité avec Attal, peut rendre d’autant plus d’actualité la solution révolutionnaire face à un tel régime puisqu’il ne reconnaître pas les élections quand il les perd.
De plus, cette solution révolutionnaire est déjà une tendance lourde à l’échelle mondiale puisqu’il y a plus de révolutions aujourd’hui et ces dernières décennies dans le monde qu’il n’y en a eu au XIXe siècle. Nous vivons une concordance mondiale des peuples qui se révoltent, un halo de soubresauts, de soulèvements, de révolutions plus ou moins aboutis qui montrent par son ensemble même, des ruptures politiques planétaires d’ampleur dont nous avons aussi en France l’écho même si c’est dans une déclinaison atténuée pour le moment.
Déjà, depuis 2017 et le premier jour du premier quinquennat où Macron aimait se faire appeler « Jupiter », le Front Social exigeait sa démission par des manifestations de rue en direction de l’Elysée. Puis ce fut le tour du mouvement « Colère » – prédécesseur des Gilets Jaunes – qui au début de 2018 mobilisait à une grande échelle sur cet objectif de « démission » de Macron. En mai 2018, avec « la fête à Macron », LFI reprenait au bond cette idée de « démission » qui était dans l’air mais par en bas, afin de fêter son départ. Et puis, bien sûr, ce furent ensuite les Gilets Jaunes de 2018 à 2021 pour qui la « démission » de Macron voire « destitution » pour certains, évoquant pour ces derniers un système de démocratie directe, était un leitmotiv, le slogan étant au centre de toutes les manifestations. Par la suite, l’émiettement économique de la vague de grèves pour les salaires de 2021-2022 puis le mouvement pour les retraites de 2023 du fait de sa direction syndicale, se sont éloignés de cet objectif politique du « Macron démission », bien qu’il se soit maintenu à l’état latent comme on a pu le voir dans la lutte contre les 49.3 durant le mouvement des retraites. La trahison du mouvement des retraites par les directions syndicales suivie du lâchage de la révolte des jeunes de banlieue par quasi l’ensemble des forces syndicales et politiques de gauche a permis à Macron de reprendre la situation en main durant les douze mois suivants. Comme il le faisait sur une base ultra-réactionnaire, servant de marchepied à l’extrême-droite et lui tendant le relai avec sa dissolution de l’Assemblée nationale, ce n’était plus lui le danger immédiat aux yeux de la majorité des gens, mais la possibilité d’un gouvernement RN.
Cependant, en déjouant tous les sondages et l’ambiance générale créée par les grands médias et les partis de l’ordre, la France anti-raciste d’en bas s’est révélée plus forte aux législatives que la France raciste d’en haut. Mais le résultat étant nié par Macron, cela le remettait à nouveau au centre des problèmes politiques et sa « démission-destitution » au cœur des sentiments populaires auxquels LFI a donné une expression ces derniers jours tout en la poussant vers des solutions institutionnelles. Macron ne voulant pas reconnaître sa défaite électorale, parce qu’il ne veut surtout pas que la classe ouvrière prenne confiance en elle avec une victoire – c’est la raison principale – , a choisi de mettre en jeu le régime entier, en faisant le chantage « moi ou le chaos », cherchant par là-même à entraîner avec lui, y compris dans le gouvernement qu’il souhaite, tous ceux qui craignent que les classes populaires reprenant confiance, ne s’emparent de la crise au sommet pour imposer leurs solutions par en bas face à la crise en haut. Nous ne sommes pas loin de la formule qui précède les ruptures révolutionnaires : « quand ceux d’en haut ne peuvent plus et quand ceux d’en bas ne veulent plus. » C’est pourquoi dans la continuité du slogan « Hitler plutôt que Blum », mais dans sa formulation atténuée actuelle « une majorité parlementaire (à droite) et autour de Macron pour gouverner ou rien », il faut entendre : rien qui puisse encourager la mobilisation politique des classes populaires par leurs propres moyens de lutte et leur auto-organisation, tout sauf la « révolution » et le chemin qui peut y mener y compris l’agitation autour du mot « destitution ».
C’est là l’enjeu du moment.
C’est pourquoi il faut soutenir la démarche de LFI de « destitution » par en haut si Macron s’obstine, tout en la complétant par la mobilisation par en bas, le blocage total du pays, la « révolution » et toutes les formes de mouvement par en bas qui la précèdent, sans lesquels il n’y aura aucune destitution. En comprenant ainsi cette situation, ce devrait être le moment où jamais où les directions syndicales appuient cette démarche de LFI en appelant à la mobilisation dans la grève et la rue pour l’application du programme du NFP, le smic à 1 600 euros, l’augmentation des salaires, l’abrogation de la réforme des retraites et un retour à la retraite à 60 ans, l’abandon du « choc des savoirs » et des embauches massives d’enseignants comme des embauches massives dans tous les services publics. Et cela non seulement contre les blocages de Macron mais aussi parce que même avec un éventuel gouvernement NFP, avec les manœuvres de Macron, des partis de l’ordre, de leurs médias et demain du patronat, il faudra cet appui populaire dans la rue pour que ces réformes puissent passer.
Bien sûr, les directions syndicales n’en feront rien. De même quand LFI parle de « destitution », même par en haut, c’est une chose. Qu’il y appelle par la rue, ou que les directions syndicales appuient en même temps par la grève les revendications du NFP, c’en est une toute autre car ça commencerait à prendre dans le contexte actuel un caractère subversif, trop proche d’une politique révolutionnaire, dont ils ne veulent surtout pas. Même pas pour soutenir un éventuel gouvernement NFP bloqué par le mur de l’argent. C’est pourquoi, il y aura paradoxalement probablement moins d’appels syndicaux à la mobilisation cette année à la rentrée que d’habitude. A quelques jours de la rentrée scolaire il n’y a même pas un appel à des AG dans les établissements scolaires pour préparer collectivement face à ces non-ministres démissionnaires et putschistes une non-rentrée, une rentrée de lutte. Rien !
La grève générale de 1936 s’est faite pour l’application du programme du Front Populaire et bien au-delà, mais aussi par méfiance à l’encontre du gouvernement de Front Populaire qui ne se donnait pas tous les moyens pour appliquer son programme.
Comme en 1936, face aux blocages contre le Front Populaire, aujourd’hui face au putsch de Macron contre le NFP, c’est donc aussi l’acceptation et la routine dans l’opposition en haut avec juste au mieux quelques menaces. A vrai dire, nous y sommes habitués. Ça fait longtemps que l’on sait que c’est à nous en bas, de faire tout le travail. Nous n’avons pas d’organisation pour cela, mais nous savons tous aussi qu’à la moindre occasion, et les bagarres au sommet en font partie, même autour d’un mot quand ce mot est « destitution », ou à partir de n’importe quel sujet, qu’il soit économique, social, sociétal, écologiste, féministe, antiraciste, antifasciste et surtout démocratique, le vaste sentiment de haine commune contre le roi Macron peut s’engouffrer dans la moindre brèche et faire s’écrouler avec lui l’ensemble du système, comme s’en est approchée la grève générale de 1936.
Nous l’avons partiellement démontré avec la mobilisation exceptionnelle et inédite des législatives pour empêcher le RN d’accéder au pouvoir permettant à de très nombreux individus ordinaires, la plupart sans expérience politique préalable, surtout des jeunes, de participer à des évènements extraordinaires, de faire une expérience personnelle de l’histoire en actes, et dont l’entrée soudaine en action peut révéler à leurs propres eux comme à ceux de tous, l’ampleur du fossé qui fracture souterrainement la société et l’importance du nombre de personnes qui n’en peuvent plus et cherchent des chemins inédits pour une mobilisation efficace.
Or, aussi singuliers qu’ils semblent l’être pour ceux qui les vivent, et souvent parce que coincés dans une réflexion purement nationale les acteurs n’en ont pas toujours conscience, les soulèvements populaires n’avancent jamais seuls. Il y a actuellement un courant général dans le monde et en Europe contre l’autoritarisme, contre l’extrême-droite, contre le racisme qui font système ensemble. C’est ce qu’ont démontré les allemands quasi au même moment que nous par des mobilisations antiracistes de masse tout au long des premiers mois de l’année, faisant reculer de 10% le score électoral de l’extrême-droite aux élections européennes. C’est encore, toujours dans le même moment, ce qu’ont démontré les britanniques en mettant d’abord une claque électorale en juillet aux conservateurs puis en chassant des rues ce mois d’août les voyous racistes violent de l’extrême-droite.
C’est dans ce contexte européen et mondial, du Bangladesh au Nigeria, en passant par l’Inde, le Pakistan, la Serbie, la Finlande ou la Slovaquie et tellement d’autres, que se place la mobilisation inédite aux législatives en France qui dans une apparence nationale d’imprévisibilité fait sens dans ce cadre général. Une mesure à cette échelle permet aussi de comprendre pourquoi dans des régimes devenant de plus en plus autoritaires partout, même si c’est à des degrés divers, les révolutions redeviennent nécessaires, et ne sont et ne seront ni rares ni exceptionnelles, formant au contraire un rythme fondamental de nos sociétés où l’utilisation du mot « destitution » évoquant ces dynamiques fait si peur.
L’imprévisibilité est la marque de ces temps de rupture. Elle découle de l’engagement plein de fraîcheur et de créativité de « profanes » sans expérience politique, ce qui a donné aussi bien l’apparition soudaine et « imprévisible » du Front Social, de Colère, des Gilets Jaunes, des manifestations de jeunes contre le 49.3 ou à Sainte Soline et encore celle des dernières législatives avec une puissance formidable d’étonnement et d’entraînement qui bouscule tout.
Nous n’avons pas fini d’être surpris. Mais nous pouvons nous préparer à l’imprévisible car c’est notre avenir.
Jacques Chastaing 23.08.2024
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