Le gouvernement britannique pourrait mettre en place des tribunaux 24h/24 pour juger les émeutiers et enrayer la violence des derniers jours. Plus d’une dizaine de manifestations organisées dans la foulée d’une attaque au couteau, perpétrée sur des enfants lundi 29 juillet, ont dégénéré.
Publié le : 05/08/2024
Des heurts avec la police lors d’une manifestation du mouvement «Enough is Enough» à Weymouth, dans le sud-ouest de l’Angleterre, le 4 août 2024 (Image d’illustration).
Des heurts avec la police lors d’une manifestation du mouvement «Enough is Enough» à Weymouth, dans le sud-ouest de l’Angleterre, le 4 août 2024 (Image d’illustration). AFP – JUSTIN TALLIS
Par : RFI
« Je vous garantis que vous regretterez d’avoir participé à ces désordres » que ce soit directement ou « en ayant provoqué ces actions en ligne », a affirmé le chef du gouvernement travailliste Keir Starmer, arrivé il y a tout juste un mois au pouvoir, lors d’une courte déclaration filmée depuis Downing Street. Il a promis que son gouvernement ferait « tout ce qu’il faut pour traduire ces voyous en justice aussi vite que possible ».
Keir Starmer s’exprimait après que de nouveaux rassemblements ont eu lieu dimanche 4 août sous le mot d’ordre « Enough is enough » (Trop c’est trop, en français), en référence à l’arrivée au Royaume-Uni de migrants traversant la Manche sur des canots pneumatiques. Les forces de l’ordre ont indiqué avoir procédé à près de 150 arrestations depuis samedi, rapporte l’AFP.
À Rotherham, des centaines de personnes se sont rassemblées devant un hôtel hébergeant des demandeurs d’asile et des affrontements ont éclaté avec les forces de l’ordre. Certains participants ont brisé des vitres de l’établissement, ont déclenché un feu, jeté des projectiles sur les policiers, quand d’autres ont crié des slogans comme « Mettez les dehors ». Certains sont parvenus à entrer dans l’hôtel, sans qu’il soit clair si des demandeurs d’asile étaient à l’intérieur ce jour. La ministre de l’Intérieur Yvette Cooper a qualifié sur X ces violences de « tout à fait effroyables ». « Il s’agit d’un incendie délibéré d’un bâtiment dans lequel se trouvaient des personnes », a-t-elle dit.
Des manifestants jettent une poubelle lors d’une manifestation anti-immigration, à Rotherham, au Royaume-Uni, le 4 août 2024. REUTERS – Hollie Adams
Quatrième jour de violences
Les émeutes ont commencé après que trois fillettes ont été tuées dans une attaque au couteau lundi 29 juillet à Southport, dans le nord-ouest de l’Angleterre, un drame qui a donné lieu à de multiples rumeurs et à de la désinformation sur les réseaux sociaux sur la religion et l’origine de l’agresseur présumé.
À Middlesbrough, au nord-est de l’Angleterre, ce dimanche 4 août, il y avait plusieurs centaines de personnes pour un hommage aux trois fillettes tuées lundi dans une attaque au couteau. Mais rapidement, on entend : « We want our country back ! » (« Rendez-nous notre pays », en français), scandent les manifestants, certains enveloppés dans des drapeaux anglais, d’autres le visage masqué, rapporte notre envoyée spéciale à Middlesbrough, Emeline Vin. Au moins une dizaine d’arrestations ont eu lieu.
Ce participant se désolidarise des violences, mais il voit là une colère généralisée : « J’ai vu des reportages : on voit des gangs pakistanais, musulmans, appelez-les comme vous voulez, avec des couteaux et des machettes, et la police reste plantée là. Mais par contre, les gens blancs, eux, sont arrêtés. Mais ce n’est pas une histoire de nous contre eux : on invite tout le monde à se faire son opinion. »
Des briques, des cailloux volent. Les cibles, ce sont la police, des voitures, des maisons. Sur le chemin, tous les commerces ont baissé le rideau de fer. Faiçal et Zaf sont écœurés de cette explosion de violence. « C’est une ville très calme, très multiculturelle ! D’habitude, les gens sont si tolérants », déplore Faiçal. « Ce sont des opportunistes, qui suivent le mouvement, des voyous, alcoolisés, qui ne cherchent qu’à créer des problèmes », déplore Zaf.
« L’extrême droite est fortement fragmentée »
« L’extrême droite extra-parlementaire anglaise est fortement fragmentée. Il n’y a pas de groupe qu’on peut à présent identifier de manière très claire. Au sein de ces émeutes, il y a plusieurs individus et certains groupes qui sont issus de la mobilisation de la English Defence League, qui était le groupe raciste anti-Islam le plus actif au début des années 2000, notamment sous l’influence de Tommy Robinson », note Pietro Castelli Gattinara, professeur à l’Université libre de Bruxelles, joint par Anastasia Becchio, du service International de RFI.
On parle de groupuscules d’extrême droite avec très peu de ressources financières, mais aussi humaines. Ils utilisent les réseaux sociaux comme relais pour amplifier leur message.
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Pietro Castelli Gattinara, professeur à l’Université libre de Bruxelles
Anastasia Becchio
Ce dimanche, un autre hôtel réputé pour héberger des demandeurs d’asile a été la cible de violences, à Tamworth, près de Birmingham, dans le centre de l’Angleterre.
Des manifestations ont eu lieu à travers le pays, à Aldershot (sud-ouest), Bolton (nord) ou Weymouth (sud), dans un climat généralement tendu.
La police intervient avec des chiens policiers à Rotherham, dans le nord de l’Angleterre, le 4 août 2024.
La police intervient avec des chiens policiers à Rotherham, dans le nord de l’Angleterre, le 4 août 2024. REUTERS – Hollie Adams
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Royaume-Uni: affrontements entre police et manifestants d’extrême droite dans plusieurs villes
Il s’agit du quatrième jour de violences au Royaume-Uni depuis le meurtre des trois fillettes. Des émeutes et affrontements entre police, manifestants, et parfois contre-manifestants anti-racistes, ont eu lieu dans une dizaine de villes, dont Liverpool (nord-ouest), Hull (nord-est), Belfast (Irlande du Nord), Leeds (nord), Sunderland (nord-est) ou encore à Southport mardi, où une mosquée a été prise pour cible.
Le suspect des trois meurtres, un adolescent de 17 ans, a été inculpé et placé en détention.
Dimanche, des responsables religieux de Liverpool représentant différentes confessions ont publié un communiqué appelant à l’unité. Le pays n’avait pas connu une telle flambée depuis 2011, après la mort d’un jeune homme métis, Mark Duggan, tué par la police au nord de Londres.
Pendant très longtemps, les conservateurs ont joué la carte de l’immigration, d’arrêter les petits bateaux qui viendraient de France avec des migrants illégaux. Ils ont joué la carte de la peur. Le Labour a essayé d’avoir une position avec un peu plus de coopération avec l’Europe. Mais sans vraiment traiter la question de ce qu’on fait après le Brexit et de : « Comment est-ce qu’on va reprendre le contrôle de nos frontières ? » Le Labour a plus mis l’accent sur l’aspect économique que sur la protection des frontières. Et c’est un peu un retour de bâton.
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Alma Pierre Bonnet, maitre de conférence à Sciences Po Lyon
Anastasia Becchio
« Une opportunité de pousser le programme de l’extrême droite par la rue »
L’extrême droite va tenter de tirer profit de ces mouvements de protestation violents, estime Tim Squirrell, expert du groupe de réflexion londonien Institute for Strategic Dialogue.
« Ils voient les cinq prochaines années comme une période durant laquelle le Parti travailliste sera aux commandes, un parti qu’ils considèrent comme faible sur la question de l’immigration, et ils pensent donc qu’il est peu probable qu’ils réussissent à faire avancer leurs idées par des moyens démocratiques. Ils voient donc cela comme une opportunité d’essayer de pousser leur programme par la mobilisation de la rue. Mais ce que nous avons également vu lors des dernières élections, c’est un soutien important au parti Reform UK, qui est considéré comme dur sur la question de l’immigration et qui est anti-migrant, en général. Je pense que le gouvernement a devant lui un chemin difficile. Il va, j’imagine, réprimer assez durement ces manifestations. Or, les émeutiers dénoncent le deux poids deux mesures dans la police : ils estiment qu’ils sont surveillés et réprimés beaucoup plus durement que ceux qui ont manifesté, par exemple, pour Gaza ou la Palestine. Et donc, ce qu’ils essaient de faire, c’est de mettre en avant un narratif selon lequel ils sont injustement diabolisés. »
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