Le grand recul sur la planification écologique

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Le budget agriculture aux couleurs de la FNSEA

Le projet de loi de finances est taillé pour satisfaire les exigences des gros exploitants agricoles qui bénéficieront d’allègements fiscaux. Le gros coup de rabot sera pour les budgets alloués l’an dernier à la planification écologique.

Amélie Poinssot

Un gros paquet d’exonérations fiscales et d’allègements de cotisations patronales. Et un gros frein à la planification écologique. Telles sont, en substance, les grandes lignes du budget du ministère de l’agriculture prévu dans le projet de loi de finances (PLF) 2025. Des décisions budgétaires très proches de ce que demandait le syndicat du patronat agricole, la FNSEA, depuis le mouvement de colère qui a touché le secteur en début d’année 2024.

C’est ainsi que les entreprises agricoles deviennent les grandes gagnantes des arbitrages du gouvernement Barnier. De ce côté-là, il n’est pas question, pour l’État, de faire des économies. Tout au contraire. Sur l’ensemble du budget du ministère de l’agriculture pour l’an prochain – 6,6 milliards d’euros –, les exonérations fiscales et sociales annoncées représentent au total, selon les calculs de Mediapart, 582 millions d’euros de manque à gagner pour l’État.

« Ces ajustements visent à améliorer la compétitivité et la résilience des exploitations agricoles, dans un contexte inflationniste, d’une part, et de multiplication des événements exceptionnels, notamment climatiques, fragilisant significativement et durablement le secteur, d’autre part », lit-on dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances.

La ministre de l’agriculture Annie Genevard (au centre) au Sommet de l’élevage de Cournon-d’Auvergne le 3 octobre 2024. © Photo Jeff Pachoud / AFP

« Aucun autre secteur » ne bénéficie d’un tel renforcement d’allègements fiscaux, estime d’ailleurs le ministère de l’agriculture, qui met en avant toutes ces mesures d’« assouplissement fiscal ». La première d’entre elles est une réponse à une décision qui avait mis le feu aux poudres en janvier : l’avantage fiscal sur le gazole non routier (GNR, gazole utilisé sur les exploitations agricoles) est maintenu, alors qu’il avait été décidé, en 2023, de le supprimer progressivement. À elle seule, cette disposition représente 160 millions d’euros de manque à gagner pour les recettes publiques.

Parmi les autres allègements prévus, certains ont pour but d’aider à la transmission des fermes et à l’installation d’une nouvelle génération en agriculture, dans le contexte des départs massifs à la retraite en cours dans le secteur, et consistent en des exonérations de plus-value et de droits de succession. D’autres n’ont rien à voir avec cet enjeu et ne font qu’accentuer la libéralisation du secteur, sous le prétexte de la recherche de « compétitivité ».

C’est le cas des exonérations patronales sur les contrats saisonniers, forme de travail précaire très répandue en agriculture. 800 000 à un million de contrats sont signés chaque année sous ce régime. Créé initialement comme un dispositif provisoire, qui devait être supprimé en 2019, le TO-DE (pour « travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi ») a ensuite été reconduit d’année en année.

Le PLF 2025 vient graver dans le marbre ce dispositif « extrêmement précieux » selon les mots du ministère : désormais, cette exonération patronale, depuis longtemps dénoncée par les syndicats de salarié·es, est définitivement pérennisée. Dans son « projet de loi » « Entreprendre en agriculture » communiqué le 29 août, la FNSEA faisait précisément figurer cette mesure.

Petits arrangements entre amis

Dans le détail, pour un salaire de saisonnier compris entre 1 et 1,2 smic, il n’y a aucune cotisation patronale, et pour un salaire compris entre 1,2 et 1,5 smic, l’exonération de cotisation est progressive. Une trappe à pauvreté selon la CFDT, qui dénonçait l’année dernière dans un rapport un soutien massif des finances publiques pour peu de résultats : le TO-DE n’a débouché sur aucun effet positif sur l’emploi, maintient les salarié·es concerné·es dans la pauvreté, et n’a pas permis de diminuer le travail illégal – qui était pourtant l’une des raisons à l’origine de la création de ce dispositif –, tandis que la compétitivité des entreprises agricoles ne s’est pas améliorée. Dans les comptes du PLF 2025, le dispositif pèse 448,5 millions d’euros.

Sur le volet fiscal, notons enfin l’instauration d’un nouvel allègement « pour lutter contre la décapitalisation du cheptel bovin français », à hauteur de 150 millions d’euros. L’objectif est clairement affiché : « Le dispositif incitera à l’accroissement du cheptel bovin français, gage de la souveraineté alimentaire nationale », lit-on dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances. Le texte ressemble fort, là aussi, à celui de la FNSEA. Dans son pseudo-projet de loi du mois d’août, le syndicat des exploitants agricoles faisait figurer un article intitulé « Créer une déduction fiscale et sociale en faveur de la croissance du cheptel bovin »

Dans un communiqué publié jeudi soir, Greenpeace dénonce cette mesure anti-écologique décidée « sans analyse réelle des effets qu’aurait cette mesure sur le nombre d’éleveurs » et destinée à « accroître le cheptel bovin alors même que les éleveurs peinent à trouver des débouchés rémunérateurs et que la crise climatique bat son plein ». L’ONG fustige « les “petits arrangements entre amis” de ce nouveau gouvernement Macron avec les lobbys des grands groupes privés, aux dépens de l’environnement et des enjeux sociaux ».

De fait, le PLF 2025 acte le grand recul sur la planification écologique, déjà largement affaiblie par le gouvernement Gabriel Attal. Côté budget agriculture, cela se traduit par la suppression de 600 millions d’euros par rapport à 2024, « pour reprendre une trajectoire progressive sur les prochaines années », explique-t-on au ministère. Seuls 500 millions d’euros resteront affectés à la planification écologique, et le budget alloué à la Rue de Varenne pour 2025 revient à son niveau de 2023, avant l’augmentation substantielle qui avait été obtenue l’année dernière (1,3 milliard d’euros supplémentaires avait alors été accordé pour accompagner les secteurs agricole et forestier dans les transitions).

Aucune précision n’a été donnée, à ce stade, sur les postes concernés par cette baisse : est-ce la stratégie Écophyto – ce programme de réduction des pesticides suspendu à l’issue de la colère agricole – qui en a fait les frais ? Le plan forêt ? Nos questions adressées au ministère sont restées sans réponse.

Au-delà du ministère désormais dirigée par Annie Genevard (Les Républicains), c’est l’ensemble du financement des politiques écologiques qui prend un sérieux coup dans l’aile pour 2025. Au ministère de la transition écologique, le Fonds vert pour accompagner les collectivités locales dans leur transition est lui aussi en baisse. Quant aux recettes fiscales que pourraient rapporter l’imposition des grandes fortunes sur l’empreinte carbone de leur patrimoine financier ou encore une taxe climatique sur les profits des entreprises d’énergie fossile, le gouvernement préfère s’en passer. Dans ses dépenses comme dans ses recettes, le PLF 2025 reste à côté des urgences climatiques et écologiques. Pour faire primer sa vision d’une économie libérale.

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