En arabe algérien, le terme tchaqlala désigne le vacarme d’une querelle ou, par extension, une algarade stérile contre laquelle on ne peut rien tant ses protagonistes semblent décidés à en découdre, quitte à en rajouter pour impressionner la galerie. L’expression pourrait aussi décrire les multiples couacs qui jalonnent l’histoire des relations franco-algériennes depuis 1962. Fâcheries diplomatiques, rappels d’ambassadeur, déclarations tonitruantes des uns, réponses musclées des autres : tenir la chronique de ces échanges épuiserait des barils d’encre.
La décision, le 5 octobre, du président algérien Abdelmadjid Tebboune de renvoyer aux calendes grecques son voyage officiel en France constitue la dernière séquence de cette dispute sans fin, heureusement émaillée de chaleureuses réconciliations. Attendue depuis 2022, cette visite sans cesse reportée a constitué un vrai feuilleton – viendra-viendra pas – et devait finalement avoir lieu à l’automne. Mais le récent alignement du président Emmanuel Macron sur la position marocaine à propos du Sahara occidental a sonné le glas des retrouvailles. En reconnaissant la souveraineté de Rabat sur cette ancienne colonie espagnole en juillet, l’Élysée a mis en fureur le principal soutien des indépendantistes du Front Polisario.
« Je n’irai pas à Canossa », a lancé M. Tebboune lors d’un entretien télévisé avec deux journalistes, jugeant qu’un tel déplacement serait « humiliant » dans le contexte de tension actuel. La formule, prononcée en langue française, a fait mouche, presse et réseaux sociaux couvrant d’éloges la culture du locataire du palais d’El-Mouradia.
Au-delà du dossier du Sahara, les deux parties sont en conflit à propos de questions d’immigration. Côté français, on souhaite que les autorités algériennes accordent plus de laissez-passer consulaires pour permettre l’expulsion de leurs ressortissants sous obligation de quitter le territoire français (OQTF). Paris menace de réduire le nombre de visas distribués aux Algériens désireux de se rendre en France et envisage même la dénonciation de l’accord bilatéral signé en 1968. Pour mémoire, ce texte accorde un statut favorable aux Algériens pour leurs conditions de circulation, de séjour et d’emploi en France. Son abrogation est une revendication de l’extrême droite et d’une partie de la droite hexagonales depuis plusieurs décennies.
Entre Alger et Paris, crises et connivences
Signe des temps, le très droitier ministre de l’intérieur Bruno Retailleau évoque sur ce sujet « un dialogue » avec le Maroc et « un bras de fer » avec l’Algérie. « Qu’il y vienne », semblent répondre ses interlocuteurs algériens en excluant toute renégociation de l’accord de 1968 ; ceux-là affirment que nombre de personnes concernées par des OQTF ne sont pas de nationalité algérienne et que ce n’est donc pas à l’Algérie de leur délivrer des laissez-passer consulaires. Entre Alger et Paris, l’hiver sera chaud.
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