L’effet magique de l’agent orange
Autant vous dire que la semaine dernière aura été placée sous le signe de l’élection américaine et un peu de la FED. Tous les records sont pratiquement tombés la semaine dernière et on fête encore l’avènement de l’extraordinaire Donald Trump en faisant encore péter les cryptos ce week-end. On a l’air de ne jamais être rassasié de cette nouvelle présidence qui s’offre à nous. Comme si Trump allait régler tous les problèmes sans en créer aucun de nouveau, sans creuser le déficit et sans augmenter la dette. Quoi qu’il en soit, pour le moment nous sommes en état de grâce et à moins d’avoir tout misé sur les énergies alternatives la semaine dernière, tout semble se passer pour le mieux.
Une semaine presque normale
La semaine qui commence ce matin est donc une semaine presque normale. Pas d’élection et pas de FED, c’est presque les vacances. Nous allons pourtant commencer avec une journée de vacances, puisque ce lundi matin, c’est la journée des Vétérans aux USA. Les bourses seront ouvertes, mais le marché obligataire sera fermé. Il ne faudra donc pas s’attendre à des volumes délirants du côté de nos amis américains. Néanmoins l’Europe sera ouverte normalement et c’est tant mieux parce qu’il y aura du boulot pour rattraper le temps perdu, puisqu’il faudra tout de même retenir que les marchés européens n’ont pas vécu la même ambiance que leurs homologues américains. Le différentiel est même effarant, puisqu’en comparant la performance du S&P500 et de l’Eurostoxx, l’écart sur une semaine est de près de 7% de performance.
Il faudra tout de même se souvenir que le S&P500 a engrangé +4,6% sur la semaine, +25,7% depuis le début de l’année et 46% en 1 an et une semaine très précisément. 46% en 53 semaines constitue sûrement un record quelque part, en tous les cas cela donne l’impression que durant la bulle de l’an 2’000 nous étions « presque » raisonnables. On se souviendra aussi que depuis les mêmes 53 semaines, le Nasdaq est en hausse de 50% et que son PER moyen est dorénavant de de 46.85. Alors 46.85 ça ne veut peut-être rien dire pour vous, mais sachons tout de même que lors de la bulle des « dot-com » nous avions atteint les 38.6 et en 2007, lorsque nous nous sommes rendu compte que le prix de l’immobilier américain ne pouvait pas monter au ciel et qu’adosser des crédits pourris à des maisons qui n’existent pas, ne peut pas fonctionner éternellement, ce même PER moyen du Nasdaq était de 34.2.
La potion miracle de Trump
Quoi qu’il en soit, les marchés semblent convaincus que dès que Trump sera au pouvoir, nous allons retourner dans le monde de l’argent facile, que les taux vont revenir à zéro, que les impôts vont baisser de 30% et que les taxes douanières vont faire cartonner l’économie et vont donc – in extenso – créer des millions d’emplois – sans compter qu’avec tous les immigrés illégaux qui vont rentrer chez eux par le premier charter, on semble croire que cela va également créer des millions de jobs en plus des millions créés grâce à la redynamisation de l’économie. Si ça se trouve, dans huit mois, il faudra faire revenir les immigrés en question parce qu’il n’y aura plus assez de main d’œuvre, tellement il y aura du travail.
Bref, pour être franc avec vous, je pense que nous n’aurions pas besoin de beaucoup de temps ni de réflexion pour trouver suffisamment d’arguments pour remettre en question ce « bull run » complètement délirant dans lequel nous sommes, mais ça ne servirait à rien puisque quand l’euphorie est là, on n’arrive jamais à déterminer à quel moment la musique va s’arrêter de jouer. Pourtant on peut largement essayer de devenir rationnel et se poser les bonnes questions, il n’y a qu’à regarder les « OUTFLOWS » de ces dernières semaines. Si l’on en croit les récentes statistiques, il y a 5 milliards de dollars qui sont sortis des fonds technologiques depuis le début du mois d’octobre – c’est deux fois plus que lors du début du Bear Market en 2022 – et pourtant, dans le même temps, le S&P500 a tapé les 6’000 pour la première fois vendredi dernier. Alors comment est-ce que le marché peut monter sans la technologie.
L’élargissement de la zone d’investissement
Selon les mêmes données qui démontrent la vague de vente sur la tech, on apprend que depuis l’élection de Trump, L’ETF S&P Regional Banking, (le KRE) a enregistré un afflux de 1.3 milliard de dollars, le plus important jamais enregistré. L’ETF du secteur financier (le XLF), a annoncé une collecte de 1.6 milliard de dollars, la plus importante depuis 2016. Sans compter que l’ETF des « mid-small-caps », l’IWM a connu un afflux MASSIF de 3.9 milliards de dollars mercredi passé. C’est l’afflux le plus important depuis 17 ans.
Au total, environ 18 milliards de dollars ont été ajoutés aux ETF’s après l’élection de Donald Trump, c’est à peu près 16 fois plus que la moyenne quotidienne depuis le début de l’année si l’on en croit les chiffres de Bloomberg. Il faudra donc retenir que pour la première fois cette année, le S&P et le reste des indices a été tiré à la hausse sans l’aide des valeurs technologiques. Reste donc à voir combien de temps ce rallye élargit va pouvoir tenir en comptant sur les financières et les « mid-small-caps ». On a plus qu’à espérer que l’effet magique du nouveau et ancien Président va continuer à fonctionner encore longtemps, parce que si l’on tient compte du fait de la hausse verticale de ces derniers jours, au moindre doute le réveil pourrait s’avérer difficile.
Le début de semaine en Asie
Pour entamer cette semaine nous allons donc commencer au ralenti puisque les volumes américains ne seront pas là, mais on va déjà commencer à parler d’un autre sujet : le stimulus chinois. Les investisseurs ont été en grande partie déçus par l’annonce faite par le gouvernement chinois d’un programme de « swap » de dettes d’environ 1’400 milliards de dollars, afin d’améliorer les finances des gouvernements locaux. Le problème restant l’absence de mesures directes de relance budgétaire et de mesures ciblées visant à améliorer le marché du logement et la consommation personnelle. Ce qui a laissé les investisseurs sur leur faim, d’autant plus que les données publiées au cours du week-end ont montré que la déflation chinoise s’est poursuivie en octobre. Ce matin le Nikkei est donc légèrement en baisse, la Chine est inchangée après avoir ouvert en baisse et Hong Kong recule de 1.9% pour exprimer encore une fois la déception d’un stimulus insuffisant pour le consommateur.
Dans le sillage de ces « mauvaises nouvelles », le baril de pétrole est repassé sous les 70$, puisqu’il ne sait plus s’il doit se réjouir de voir l’explosion économique à venir promise par Trump, ou s’il doit s’inquiéter du fait que le même Trump va forer comme un fou pour faire baisser les prix de l’énergie, ou encore : avoir peur du fait que la Chine ne redémarre pas aussi fort que prévu avec le stimulus insuffisant qui fait couiner tout le monde. Pour le moment, le baril est à 69.96$, l’or est à 2’676$ et le Bitcoin s’envole en direction des 100’000$, puisque ce matin, la crypto est en plein délire. Le Bitcoin a cassé les 81’000$ et le Doge Coin d’Elon Musk est encore une fois en hausse de 25%.
Les nouvelles, quelles nouvelles ?
Côté nouvelles du jour, c’est très calme. Il faut dire que l’on est plus préoccupé par la victoire de Trump et la plupart des médias financiers américains ont passé leur week-end prolongé à concocter une liste de ce que Trump « devrait faire » pour réussir sa présidence, d’un point de vue purement économique. À l’heure actuelle, on n’est pas vraiment convaincu que ces écrits puissent l’intéresser, mais au moins on se donne un peu d’importance. Autrement on notera aussi que tout le monde est convaincu d’une chose : Powell doit rester jusqu’à la fin de son mandat. Ce qui devrait d’ailleurs se produire, puisque le virer serait plus ou moins illégal. Il faudra aussi se souvenir que le patron de la FED de Minneapolis, Neil Kashkari, estime que les projets de hausse violente des tarifs douaniers prévus par Trump, pourraient faire revenir l’inflation. Il y a aussi Musk qui a officiellement atteint une fortune personnelle de 300 milliards de dollars dans le sillage de l’explosion de Tesla qui a pris 30% depuis l’élection et qui aura coûté 5 milliards de dollars aux Hedge Funds qui continuent de rester « short » sur la valeur.
Et puis, pendant que les Américains peinent à maitriser leur euphorie, l’Allemagne continue de plonger dans la déprime. Le Chancellier allemand, Olaf Scholz, a même proposé d’avancer le « vote de confiance » avant la fin de l’année. Ce qui laisse supposer que l’Allemagne va vivre de nouvelles élections alors que l’économie est en train de couler. Les chiffres du CPI qui sont prévus demain, devraient le confirmer. D’ailleurs, à propos d’inflation, il faudra aussi retenir que dans le but de reprendre une vie normale après Donald Trump, nous aurons également le CPI américain qui sera publié mercredi, alors que le PPI sortira jeudi.
Pour le moment, les futures américains sont indiqués en hausse de 0.2%, s’installant immédiatement au-dessus des 6’000 points et moi je vous retrouve demain pour faire le point sur cette première séance de la semaine qui devrait briller par son absence de volume, tout en faisant le plein de joie parce que Trump, c’est quand même un mec bien. Enfin, depuis une semaine.
À demain, si vous le voulez bien !
Thomas Veillet
Investir.ch
“Look for small companies that are already profitable and have proven that their concept can be replicated. Be suspicious of companies with growth rates of 50 to 100 percent a year.”
― Peter Lynch
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