Les données politiques et syndicales du Tous Ensemble.

Par aplutsoc le 17 novembre 2024

Éditorial

L’équation politique réelle du pays.

Bon an mal an, les éléments se mettent en place pour une poussée sociale affrontant le gouvernement Macron/Barnier parrainé par Le Pen. Mais ceci se passe dans le cadre de la crise de régime : il ne s’agit pas de la répétition de tel ou tel épisode « social » (mais déjà très politique !) ayant précédé les élections européennes puis législatives anticipées. Ce qu’aurait pu d’abord le faire croire la rechute des centrales syndicales dans le ronron d’une tardive et désunie « journée d’action » de rentrée le 1° octobre, occultant les réalités politiques qui avaient pourtant placé notamment la CGT et la FSU à la racine du Nouveau Front Populaire.

Il s’agit bien de la recherche, par en bas et à travers la confusion et la dispersion des mots d’ordre, de l’affrontement avec un exécutif distingué par son illégitimité totale et connue. Exécutif lui-même forcé d’aller à l’offensive à travers un budget de guerre antisociale, avec l’alerte sur la « dette publique » comme masque et comme alibi.

Cet affrontement, pour gagner sur les points les plus basiques et vitaux – salaires, abrogation de la réforme des retraites, sauvetage des services publics et vague de licenciements – signifie la mort de ce gouvernement, avec comme véritable issue politique la fin de la V° République et une assemblée constituante imposée par l’affrontement social.

Cet affrontement fait peur aux élus et aux cadres syndicaux qui, souvent, évoquent le poids du RN pour l’esquiver, alors que tout au contraire, c’est l’affrontement social et lui seul qui peut ramener à la solidarité avec leur classe les secteurs populaires ayant voté RN. L’alternative dont nous ne voulons pas serait l’arrivée du RN à la présidence de la V° République.

L’affaire de l’inéligibilité possible de Mme Le Pen.

Le fait que tombe à ce moment précis la réquisition du parquet à l’encontre de Marine Le Pen, convaincue de détournement de fonds publics (près de 4,6 millions d’euros) pour financer le FN/RN et – ne l’oublions pas – aider au train de vie de son clan dirigeant, réquisition en fait obligée par la loi (la loi Sapin II, adoptée fin 2016, les faits s’étalant jusqu’en 2016 inclus, rend obligatoire une telle peine), qui demande une peine d’inéligibilité de 5 ans avec exécution provisoire (ce qui veut dire qu’elle s’appliquerait même en cas d’appel), ce fait est évidemment important, et nullement fortuit mais tout à fait programmé par avance car le calendrier judiciaire était connu, et inévitable, le FN/RN n’étant en rien un parti marginal, mais un bénéficiaire de tout premier plan, et de toujours, de la corruption et du copinage dans la V° République.

Tout le monde savait, en fait, que la place de Marine Le Pen elle-même comme éventuelle présidente ayant mission d’instaurer une V° République toute puissante et autoritaire, ce en quoi Macron a échoué, serait à travers ce procès remise en question, ceci ouvrant la voie à toutes les négociations discrètes, autour de son remplacement éventuel ou pas, par un autre candidat RN avec les combinaisons politiques de coalitions désormais possibles.

Pour qu’elle n’ait pas une peine d’inéligibilité exécutable provisoirement, il faudrait que le tribunal en décide « par une décision spécialement motivée », autrement dit que son statut de candidate potentielle à la présidence la place officiellement au-dessus des lois existantes : il s’agit donc de la question du président et du régime.

Sous couvert de s’insurger contre un « gouvernement des juges » qui, en l’occurrence, n’existe pas, le RN, avec Ciotti, avec Estrosi, avec Darmanin, demande en fait ce statut au-dessus des lois, comme pour un Trump. Notons aussi l’ambiguïté voulue de la position de J.L. Mélenchon, qui voudrait que la peine ne soit pas exécutoire avant appel : J.L. Mélenchon, qui ne parle plus de constituante, se place toujours dans le sens de la V° République.

Peut-être Mme Le Pen est-elle donc en train de négocier avec Barnier et Macron l’exercice – risqué – d’une pression sur les juges, avec en balance le vote par le RN d’une motion de censure renversant le gouvernement Barnier.

Mais ici intervient un autre facteur par-dessus les négociations discrètes : si une poussée sociale menaçait ce gouvernement, comme cela se dessine, il pourrait être opportun de l’écarter auparavant. Sauf que le non-vote du budget avant le 31 décembre ouvrirait sur un inconnu constitutionnel total, rebattant toutes les cartes (dissolution, article 16, etc.), et ouvrant encore plus la brèche à l’affrontement social et politique.

Les « affaires » de Mme Le Pen et de sa camarilla sont surdéterminées par la crise de ce régime, elle-même surplombée de la menace d’en bas …

La fonction publique, foyer central : Kasbarian, maillon faible ?

Les médias bruissent à présent sur un possible « hiver chaud » avec « convergence des luttes » et focalisent souvent sur les tracteurs et le fumier des « agriculteurs » – ce mot équivoque qui met dans le même sac capitalistes de l’agro-industrie et petits producteurs ruinés. Nous reviendrons par ailleurs sur les questions « agricoles » et le Mercosur, dont les centres d’impôts ciblés par la Coordination rurale ne sont évidemment pas responsables.

Sans hiérarchiser les secteurs, l’analyse politique de la situation conduit en réalité à souligner l’importance centrale de ce qui se trame dans la fonction publique (en ses trois secteurs : État, territoriale et hospitalière). N’oublions pas déjà que la défense des services publics est au centre de l’identité du NFP et marque la place de Lucie Castets. L’offensive de l’exécutif Barnier/Macron parrainé par Le Pen, menée au nom de la « dette » soi-disant publique, s’en prend aux agents de l’État, tous appelés « fonctionnaires » alors qu’il s’agit de fonctionnaires, de contractuels, de CDI. Elle prévoit des milliers de suppressions de postes, police exclue, suppressions concentrées dans l’Éducation nationale et notamment les écoles primaires. Après des hésitations, le ministère de l’Éducation nationale a été conduit à réaffirmer la mise en œuvre du « choc des savoirs », le Brevet des collèges devant devenir la barre d’accès au lycée (y compris le lycée professionnel) en … 2027, tiens donc !

Là-dessus, survient un personnage qui pourrait passer pour un clown : M. Guillaume Kasbarian, orné du titre ronflant de « ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l’action publique », qui traite les « fonctionnaires » d’absentéistes, utilise les chiffres d’arrêts maladie de l’épidémie de Covid pour faire croire à une explosion des arrêts maladie, et sonne la charge, avec le soutien appuyé de Jordan Bardella, en annonçant le passage de un à trois jours dits « de carence » en cas de maladie ou d’accident, l’amputation de 10% de la paye pour les trois premiers mois d’arrêt, et la suppression de la prime dite Gipa qui concernait 180 000 agents.

Il affiche ainsi l’objectif central de baisse des salaires, et cela pour tous les travailleurs, du public et du privé, car les « journées de carence » n’existent pas dans les deux tiers des emplois privés.

Remarquable fut, et est, la condescendance des fédérations syndicales, à tenter de rencontrer ce personnage agressif et boursouflé, à présenter même une rencontre avec lui comme une première « victoire : peur et pusillanimité s’affichent ici, alors que la colère, pour les salaires et pour la dignité, monte dans les services, bureaux, écoles, équipes …

Il y a plus : le tweet de ce ci-devant macronien, félicitant Elon Musk après la victoire de Trump, n’a rien d’anecdotique, rien d’accidentel. Non seulement il affirme vouloir s’inspirer de ses pratiques, au moment où Macron va voir l’illuminé Milei à Buenos Aires, qui a entrepris de découper les services publics à la tronçonneuse, mais il dit vouloir écouter ses conseils : le ministre en charge de la Fonction publique en France déclare se placer sous l’égide de l’administration Trump. Grotesque ou non, ce positionnement devient un élément significatif de la crise politique.

Dans ce cadre, entre colère sourde en bas et agitation menaçante en haut, l’incubation des fédérations syndicales devait bien finir par accoucher !

Nous avons donc un communiqué unitaire, sauf FO, appelant à une journée de  « grève » – le singulier au mot « grève » ayant été demandé par la FSU, il n’allait pas de soi ! – le jeudi 5 décembre. Ce communiqué réunit CGT, FSU, UNSA, Solidaires, CFDT, CGC, Autonomes.

Nous avons, d’autre part, l’annonce dans les médias par le dirigeant de la Fédération FO Fonction publique, Christian Grolier, d’une velléité de faire « trois jours de grève » (puisqu’il y aurait 3 jours de carence), peut-être « en même temps que les cheminots vers le 11 ou le 12 décembre ». Seule la FNEC-FP-FO (enseignement) a pour l’heure publié un véritable communiqué en ce sens.

Il est effectivement question, à la SNCF, d’un appel à la grève reconductible (des fédérations CGT, Sud-Rail, UNSA, CFDT – mais pas FO-Cheminots) contre la privatisation du fret, les 11 ou 12 décembre, mais on cherchera en vain, à ce jour, un appel explicite, les mêmes fédérations faisant du 21 novembre une première étape.

Les dirigeants FO Fonction publique et Enseignement entendent donc passer pour des durs, sans appeler à rien de précis pour l’instant en réalité. Reste que le thème d’une « grève de 3 jours » alimente les discussions dans les bureaux et salles des profs, où l’on sent bien que l’affaire est centrale, et politique.

Le mouvement naturel, aidé par les militants syndicaux de base, va déjà tenter de réaliser une vraie grève de masse le 5 décembre, qui doit permettre de se réunir et d’imposer l’unité pour affronter Kasbarian et le gouvernement.

L’enjeu est central : griller Kasbarian, c’est commencer à casser tout le gouvernement Barnier nommé par Macron et parrainé par Le Pen ; et les mesures Kasbarian vont en principe figurer dans le budget qui sera, tôt ou tard, soumis par 49-3 à l’Assemblée nationale …

Pour le Tous ensemble.

La vague de « plans sociaux », c’est-à-dire de licenciements, arrive en même temps. Michelin à Cholet et Vannes, Auchan, Vencorex : automobile, pneumatiques, chimie, et grande distribution, et d’autres encore, licencient, attestant d’une crise fondamentale du capital industriel français. Les travailleurs directement concernés réagissent dans leurs usines, mais l’on sait bien que les luttes pour sauver les emplois sont les plus difficiles. Justement : elles arrivent aujourd’hui dans cette situation politique et avec la poussée qui s’amorce dans les services publics et chez les cheminots.

Quelle est la voie pour gagner et sauver les sites ? La CGT appelle à une journée nationale de grèves et de rassemblements le mardi 12 décembre, avec comme revendication n°1 un moratoire, suivi de 5 autres demandes qui dessinent en fait une tout autre politique industrielle et financière que celle de ce gouvernement, bien sûr.

Qui peut croire que le LR Barnier, nommé par Macron, parrainé par Le Pen, avec un ministre qui s’agite pour être coaché par Musk et Trump, va suspendre quelque licenciement que ce soit dans quelque entreprise que ce soit ?!

L’intérêt de faire grève et de se rassembler le mardi 12 décembre sera ailleurs : l’intérêt sera d’être toutes et tous ensemble, entreprises à « plans sociaux », agents publics, cheminots …

Et cet intérêt, c’est d’affronter ce gouvernement, de le battre et le chasser !

Agents publics, ouvriers, employés, précaires des entreprises : ce sont, comme nous l’avons déjà affirmé et comme tout le monde peut le voir, l’ensemble des couches du monde du travail qui sont attaquées. Et l’une de ces couches, d’une grande importance, est celle des « étrangers », « immigrés » ou « migrants » ou quelque nom qu’on leur donne. Aplutsoc est signataire de l’appel de la Marche des solidarités à la mobilisation le lundi 18 décembre, journée internationale des migrants.

L’appel affiche que « le racisme d’État ouvre la voie au fascisme » : ce ne sont pas là des mots. Oui, la volonté relancée de ce gouvernement de refaire une « loi Immigration » complète vise à préparer la voie au pouvoir du RN dans la V° République.

Cela dans un cadre mondial où Trump va tenter, fin janvier 2025, d’expulser – de « déporter » selon son terme – des millions d’émigrés d’Amérique centrale et du Sud !

La question du Tous ensemble est la plus politique de toutes : elle veut dire battre et chasser le gouvernement nommé par Macron et parrainé par Le Pen, avant toute élection présidentielle, pour ouvrir une autre voie, celle de la démocratie !

Le 17-11-2024.

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