Barnier censuré : il faut une réponse ouvrière pour dégager Macron et imposer une Assemblée unique !

Après la censure, les classes dominantes sont à la recherche d’une issue politique pour tenter de stabiliser le régime. Face au risque d’un saut bonapartiste, il faut construire une riposte du monde du travail et de la jeunesse, en luttant pour dégager Macron, en finir avec la Vème République et arracher nos revendications sociales urgentes.

Paul Morao

4 décembre

Les suppliques impuissantes de Michel Barnier au JT, appelant les députés à un « réflexe de responsabilité », n’auront pas suffi. Ce mercredi, l’Assemblée nationale a finalement voté la motion de censure du gouvernement à une majorité de 331 voix. En l’absence de majorité et privé de la possibilité de dissoudre le Parlement jusqu’à l’été prochain, un mécanisme prévu pour affronter ce type de situations, le régime fait face à la menace d’une période de grande instabilité.

Crise politique : le « bloc central » et le PS en pleines tractations

Ces derniers jours, les tractations battent leur plein pour trouver un nouveau gouvernement. Extrêmement fragilisé mais placé au centre du jeu par les institutions, Emmanuel Macron veut répondre rapidement à la crise pour éviter que les appels à sa démission ne s’amplifient. Parmi les propositions de Premier ministre évoquées, Sébastien Lecornu, François Bayrou, Jean Castex, François Baroin ou Bernard Cazeneuve.

Cette volonté de frapper vite en nommant une figure proto-macroniste se heurte cependant à la profondeur de la crise politique. Pour le moment, les hypothèses d’alliances politiques permettant d’éviter une nouvelle censure oscillent entre un attelage entre macronistes, LR et RN (sur le modèle du gouvernement Barnier), la construction d’une « grande coalition » du PS à LR en passant par EELV, autour d’une plateforme de gouvernement minimale assurant la non-censure, et un gouvernement technique.

Après que le RN ait opéré un tournant tactique en s’opposant frontalement au gouvernement, obtenir son soutien sera cependant extrêmement difficile. Marine Le Pen a déjà prévenu le futur nouveau gouvernement que les lignes rouges du RN quant au nouveau budget devront être « entendues en intégralité ». En parallèle, en dépit des appels du pied de Gabriel Attal, une alliance même minimale entre le PS, les macronistes et LR semble également difficile à envisager, alors que Laurent Wauquiez a d’ores et déjà précisé que le « socle commun » « ne valait que pour Michel Barnier » et que le PS réclame un Premier ministre « partageant les valeurs de la gauche. » Finalement, l’idée d’un gouvernement technique soulève les mêmes problèmes que les deux autres options.

Face à la menace d’un saut bonapartiste

Tous ces éléments font signe vers une période d’instabilité importante pour la bourgeoisie, avec la crainte de censures à répétition qui conduiraient à une usure accélérée des institutions. Dans ce cadre, certains éditorialistes bourgeois évoquent déjà la perspective d’une crise de régime qui appellerait des réponses « non conventionnelles », à l’image de « la fondation d’une nouvelle République, en 1958, pour mettre fin à l’instabilité chronique de la IVe sur fond de climat insurrectionnel ». Sans préciser que celle-ci fut le produit d’un coup d’État militaire pro-gaulliste… D’autres évoquent l’hypothèse d’une activation de l’article 16, conférant des « pouvoirs exceptionnels » à Macron.

Alors qu’en l’absence de solution politique le pouvoir va dans tous les cas se concentrer dans un premier temps entre les mains du Président, dégager Macron est un enjeu fondamental. Cependant, cela ne suffit pas. Si LFI appelle ces derniers jours à la démission de Macron, c’est dans la perspective de nouvelles élections présidentielles, c’est-à-dire en restant dans le cadre ultra-bonapartiste de la Vème République. Dans le même temps, LFI ne propose aucun plan pour imposer cette démission, alors que Macron a fait clairement savoir qu’il comptait s’accrocher au pouvoir.

De leur côté, face à l’aiguisement de la crise, les directions syndicales choisissent de fermer les yeux et de se boucher les oreilles en attendant que ça passe. Interrogée hier sur la censure, Marilyse Léon de la CFDT a expliqué : « ça ne me regarde pas, je suis syndicaliste ». La direction de la CGT n’a toujours rien dit. Leur attitude semble prolonger un pari implicite depuis les législatives : profiter de la crise politique pour contraindre le régime à renouer avec le « dialogue social », tout en se limitant à des revendications économiques défensives et minimales. A la lumière du budget austéritaire, de la vague de licenciements et des offensives contre la fonction publique, cette attitude a déjà montré qu’elle était une impasse.

L’urgence d’une réponse ouvrière à la crise

Plutôt que de laisser le développement de la crise entre les mains des classes dominantes, qui sauront l’arranger en fonction de leurs intérêts, l’urgence devrait être de construire une riposte par en bas. La classe ouvrière, les classes populaires et la jeunesse, qui ont manifesté par millions contre la réforme des retraites en 2023, ont la force d’apporter une réponse à la crise politique, autour d’un programme contre l’austérité, les licenciements, mais aussi contre les institutions pourries de la Vème République.

La mobilisation du 5 décembre s’annonce suivie dans différents secteurs, et des grèves ont lieu localement dans la fonction publique ou contre les licenciements : il faut exiger des directions syndicales qu’elles rompent avec leur logiciel impuissant, en décalage avec l’aggravation de la situation, en France et à l’international. C’est d’autant plus central que le RN cherche à capitaliser sur la crise politique, et compte bien chercher à élargir son socle populaire dans un contexte de vagues de licenciements.

Pour ne pas laisser la crise politique entre les mains du régime, de l’extrême-droite ou d’hypothétiques élections, il faut un grand mouvement d’ensemble par en bas, une grève générale politique, qui lutte pour la démission de Macron, la fin des institutions pourries de la Vème République et un programme ouvrier face à la crise.

En tant que révolutionnaires, nous sommes prêts à mettre toutes nos forces dans une telle bataille aux côtés de la gauche politique et syndicale, LFI et CGT en tête. Mais il faut lutter avec les méthodes de la lutte de classes et autour de revendications sérieuses. Se limiter à une issue par en haut, en réclamant la démission de Macron et en cherchant à le remplacer par un nouveau monarque républicain, est une impasse. Celles et ceux qui se préoccupent de défendre la démocratie doivent se doter d’un programme conséquent sur ce terrain : la fin de la Présidence de la République et du Sénat, et pour une Assemblée unique qui vote les lois et gouverne, dont les députés soient élus pour 2 ans, payés au salaire médian et révocables à tout moment.

Face à l’instabilité économique et politique, au retour de la guerre, les classes dominantes s’orientent vers des solutions toujours plus radicales à la crise, comme le montre le renforcement de l’extrême-droite ou la tentative de coup bonapartiste en Corée du Sud. Les travailleurs et la jeunesse ne peuvent pas continuer à se laisser bercer par les illusions électorales. Il faut un programme ouvrier qui assume d’en finir avec la Vème République, d’interdire les licenciements, d’augmenter l’ensemble des salaires et d’exproprier des pans entiers de l’économie sous le contrôle des travailleurs. Autrement, la crise actuelle se résoudra une nouvelle fois sur le dos du monde du travail et de la jeunesse.

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