Arguments pour la lutte sociale | Lire sur le blog ou le lecteur |
Les évènements se sont à nouveau accélérés ces dernières semaines et encore plus ces derniers jours. La crise politique au sommet qui s’approfondit pourrait bien enflammer la colère sociale qui monte d’en bas. En plein milieu d’un mouvement national des agriculteurs, d’attaques contre la fonction publique et d’une énorme vague de licenciements qui suscite l’inquiétude et lève la colère de centaines de milliers de travailleurs et de millions de personnes qui leurs sont liées, la crise politique qui frappe une Macronie agonisante et la rend d’autant plus hargneuse et irresponsable, pourrait transformer à tout moment la grogne sociale en irruption politique des prolétaires sur la scène politique visant à renverser Macron et son monde. L’épisode du blocage du Parlement le 28 novembre par les députés macroniens -avec insultes et coups – pour empêcher une nouvelle fois l’Assemblée nationale de voter l’abrogation de la réforme des retraites au plein milieu de journées d’action syndicales quasi quotidiennes a illustré comment la situation rapproche de plus en plus la mèche du baril de poudre. La petite mobilisation appelée ce jour-là à la dernière minute quand LFI a compris que le vote serait empêché par les macronistes, n’a pas été très importante. Elle l’a été toutefois suffisamment pour montrer qu’un tant soit peu préparée, elle aurait pu être importante, rappelant celles qui ont été à l’origine de du NFP, illustrant que là où il y a une volonté populaire, il finit par y avoir un chemin pouvant marquer toute la situation et notamment les luttes économiques en cours, pouvant unifier toutes ces colères autour de la détestation commune de Macron et de la volonté de sa chute. Les sondages montrent que l’opinion associe majoritairement la chute du gouvernement Barnier à la nécessité de la démission de Macron. La mobilisation de rue du 28 novembre peut en préparer une autre pour la motion de censure du NFP afin que tombe le gouvernement et que les classes populaires ne soient pas les simples spectateurs de ce qui se joue au niveau politique du système bourgeois, rejetés dans leurs combats économiques défensifs, mais deviennent des parti-prenantes du combat pour la démocratie, mais la leur. C’est-à-dire une démocratie directe, où c’est le peuple qui vote directement les lois et qui non seulement renverse Barnier et destitue Macron mais interdit aussi les licenciements, exproprie les capitalistes qui font des bénéfices et touchent les aides de l’État mais licencient quand même, supprime le libre-échange entre voitures et produits agricoles comme le demande la Confédération paysanne, réquisitionne des centaines de milliards d’aides aux grandes entreprises à fonds perdus pour augmenter les salaires et embaucher massivement dans les services publics, saisit la grande presse aux mains des milliardaires pour la mettre au service de tous et met en place une démocratie du peuple pour le peuple sans exploitation ni oppressions. Tout cela est dans l’air du temps mais en même temps lointain pour sa réalisation. Pourtant, l’ambiance actuelle où les combats économiques du prolétariat peuvent devenir aussi des combats politiques, peut très bien cristalliser tout d’un coup en objectifs concrets et bien plus vite qu’on ne le pense, ce qui n’est jusque-là qu’à l’état gazeux. En tous cas, on n’en a jamais été aussi prêts et toute la période à venir ouvre à cette possibilité. Bien sûr, les gardes fous pour empêcher ces rapprochements économiques et politiques fonctionnent. Du côté de l’opposition politique du NFP, il n’y a pas eu d’appel réel à descendre dans la rue le 28 et il n’y en a pas plus pour appuyer une éventuelle chute de gouvernement la semaine prochaine et la lier à la destitution de Macron afin que le peuple puisse s’emparer de l’évènement alors que le « Macron démission », depuis les Gilets Jaunes, est au cœur des manifestations depuis 6 ans et l’était encore activement dans la rue ce 7 septembre 2024 à l’appel des organisations de jeunesse. Et puis du côté de l’opposition des directions syndicales, depuis leur trahison de la lutte pour les retraites parce qu’elle s’approchait de l’exigence de la chute de Macron lorsque la jeunesse manifestait le soir contre les 49.3 à répétition, jusqu’à leur refus de participer au 7 septembre pour la destitution de Macron, elles font tout pour confiner les colères populaires dans le cadre étroit des luttes économiques défensives et des journées d’action professionnelles sans suite, non coordonnées et d’une totale inefficacité, laissant les travailleurs spectateurs impuissants des jeux politiques du dessus, alors que de plus en plus de prolétaires, de jeunes, de femmes ont compris qu’il fallait qu’ils s’emparent de la politique pour changer leur sort. Tout le monde sait que ne serait-ce que pour faire reculer les capitalistes face aux 300 000 licenciements qui s’annoncent et pour faire céder le gouvernement qui veut nous imposer 60 milliards d’austérité, il faudra s’y mettre tous ensemble pour faire trembler gouvernement et capitalistes avec la perspective couplée d’une grève générale et d’une marche sur l’Élysée. Ce n’est que si la bourgeoisie prend peur qu’elle préfèrera céder un peu plutôt que de tout perdre. Tout cela est dans l’air du temps et pourrait bien être aussi dans l’air des semaines à venir avec la crise politique au sommet combinée à la colère sociale qui monte d’en bas, illustrant la fameuse formule : « une situation prérévolutionnaire éclate lorsque ceux d’en haut ne peuvent plus, ceux d’en bas ne veulent plus, et ceux du milieu basculent avec ceux d’en bas ». Le gouvernement Barnier/Macron peut tomber la semaine qui vient si le RN ne veut pas perdre une partie de son électorat et toute possibilité de gagner des présidentielles anticipées et si ce n’est pas cette semaine, ce le sera peut-être dans celles qui suivront. Or, cette semaine du 4 et celle qui suit sont aussi des semaines de mobilisation sociale qui seront certainement importantes parce qu’une part, elles concentrent en quelques jours quasi un mois de colères, de grèves et manifestations dispersées et d’autre part, elles préparent les luttes à venir contre les licenciements et le budget s’il passe. Le 5 décembre il y a grève dans la fonction publique qui pourrait être massive, les 9 et 10 grève des dockers, le 11 grève des cheminots qui pourrait être illimitée, le 12 grève nationale commune pour l’emploi qui peut élargir les 30 luttes actuelles contre les licenciements et en faire un mouvement commun, et puis le 14 marche avec les sans-papiers pour une lutte commune français et immigrés, et enfin pour certains syndicats, appel à la grève les 10-11-12 décembre tandis que des Gilets Jaunes appellent à descendre dans la rue pour faite tomber Barnier et Macron. Même si les directions syndicales et politiques de gauche font tout pour séparer les deux combats économiques et politiques, les idées générales ambiantes et la proximité dans le temps des deux combats pourraient bien tendre à les fusionner. En tous cas, il faut se battre pour. Un mouvement de rue dans ces circonstances qui vise à destituer Macron peut d’autant plus déjouer tous les calculs d’une élection présidentielle anticipée, conçue pour mettre fin à la crise politique, détourner les colères sociales vers les élections tout en projetant le RN au pouvoir, en faisant que les classes populaires s’emparent par en bas de cette campagne électorale, avec des comités populaires NFP comme cela avait été le cas lors des législatives de juillet et en changent le résultat mais aussi la nature. Par contre, accepter et se contenter de manœuvres parlementaires au sommet d’un côté avec la population en spectateurs et de l’autre de journées de mobilisations sociales économiques peut-être massives mais sans suite et sans viser Macron, c’est gâcher une situation et diviser la force de notre camp. En laissant le sort de Macron – de son éventuelle démission – et de son régime aux mains de la bourgeoisie, c’est décourager les classes populaires et par là, ouvrir la situation à toutes les manœuvres politiciennes en faveur du RN, d’une fusion des droites sous son égide et de la marche accélérée vers un pouvoir autoritaire, dont Trump est l’exemple. Il y a des décennies où rien ne se passe et des semaines où des décennies se produisent. Nous nous rapprochons de tels moments. Le processus de politisation qui s’affirme aujourd’hui, l’est encore de manière chaotique, du fait de la séparation des domaines politiques et économiques, mais le fossé se réduit de jour en jour par la simple accélération des crises politiques et des crises économiques, faisant qu’elles sont de plus en plus proches les unes des autres, au point de s’entremêler et de se confondre, pour qu’à l’occasion d’un élément déclencheur, d’une étincelle, les grèves deviennent LA grève, c’est-à-dire la grève générale politique. Jacques Chastaing, 1er décembre 2024 |
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