Chambre criminelle – pourvoi n°23-83.178
La Cour de cassation confirme la décision de cour d’appel qui a déclaré coupables une personnalité politique, son avocat et un magistrat, pour corruption, trafic d’influence et violation du secret professionnel.
Les condamnations et les peines prononcées sont donc définitives.
Avertissement : Le communiqué n’a pas vocation à exposer dans son intégralité la teneur des arrêts rendus. Il tend à présenter de façon synthétique leurs apports juridiques principaux.
Avertissement : Le communiqué n’a pas vocation à exposer dans son intégralité la teneur des arrêts rendus. Il tend à présenter de façon synthétique leurs apports juridiques principaux.
Les faits et la procédure
En 2014, au cours d’une information judiciaire concernant une personnalité politique, des conversations téléphoniques que celle-ci a tenues avec son avocat ont été interceptées.
Ces conversations laissaient penser qu’un magistrat exerçant alors des fonctions au parquet général de la Cour de cassation donnait à l’avocat de cette personnalité politique des informations confidentielles sur la procédure en cours, contre une perspective d’évolution professionnelle.
Une nouvelle information judiciaire a donc été ouverte pour violation du secret professionnel, corruption et trafic d’influence.
La cour d’appel a condamné la personnalité politique, son avocat et le magistrat, lesquels ont formé un pourvoi en cassation.
La décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation rejette les pourvois pour les raisons qui suivent.
La mise en cause de l’impartialité de l’un des juges d’appel n’est plus recevable
Les éléments sur lesquels se fonde aujourd’hui la personnalité politique pour mettre en cause l’impartialité de l’un des juges de cour d’appel étaient accessibles à l’époque de cette procédure. Pour autant, à l’époque, le responsable politique n’a pas demandé la récusation de ce magistrat.
La mise en cause de l’impartialité du juge d’appel n’est donc plus recevable devant la Cour de cassation.
La procédure d’instruction n’avait pas à être annulée
Repère : Le mécanisme de purge des nullités
Art. 385 du code de procédure pénale
Le principe : Lorsqu’une personne mise en examen est renvoyée devant le tribunal correctionnel, elle ne peut plus demander l’annulation des actes ou des pièces de la procédure d’instruction.
Le Conseil constitutionnel a déclaré l’article 385 du code de procédure pénale contraire à la Constitution, car il ne prévoit pas d’exception au « mécanisme de purge des nullités ».
Or, il est possible qu’une éventuelle irrégularité dans la procédure d’instruction ne puisse être portée à la connaissance de l’intéressé qu’une fois cette instruction clôturée.
Les dispositions de l’article 385 du code de procédure pénal ont donc été abrogées à compter du 1er octobre 2024 et remplacées par un nouveau texte qui permet au tribunal de statuer sur les moyens de nullité qui n’ont pu être connus par la partie qui les soulève avant la clôture de l’instruction. Dans les procédures en cours, avant cette date, il est possible de demander à bénéficier de cette inconstitutionnalité si deux conditions sont remplies :
- que cette partie ait été dans l’impossibilité d’avoir connaissance d’une éventuelle irrégularité dans la procédure d’instruction, tant que cette instruction était en cours ;
- que le juge correctionnel oppose le « mécanisme de purge des nullités » à la demande en annulation de la procédure d’instruction.
La cour d’appel a rejeté la demande d’annulation au regard du « mécanisme de purge des nullités ».
La Cour de cassation valide ce rejet. En effet :
-
les mis en examen auraient pu avoir connaissance de certaines des irrégularités qu’ils invoquaient devant la cour d’appel avant la clôture de l’information ;
-
les irrégularités qu’ils invoquaient devant la cour d’appel et dont ils n’auraient pu avoir connaissance avant la clôture de l’information ne sont pas avérées.
Les conversations téléphoniques n’avaient pas à être écartées des débats
La personnalité politique et son avocat ont demandé à la cour d’appel d’écarter des débats les transcriptions de conversations téléphoniques interceptées entre eux, car elles porteraient atteintes, notamment, aux droits de la défense. La cour d’appel a rejeté cette demande.
La Cour de cassation valide ce rejet.
En effet, dès lors qu’elles n’ont pas été annulées, ces transcriptions sont des pièces de procédure qui ne peuvent être écartées des débats.
En tout état de cause, selon la Cour européenne des droits de l’Homme, un juge peut tenir compte des écoutes de conversations téléphoniques entre un avocat et son client, si deux conditions sont remplies.
Le contenu des conversations téléphoniques :
-
doit laisser penser que l’avocat a participé à une infraction pénale ;
- ne doit pas révéler d’information pouvant nuire à la défense de son client.
Dans cette affaire, ces deux conditions sont réunies.
Les infractions sont établies
La corruption
Repère : La corruption
Article 434-9 du code pénal
Le délit de corruption est constitué dès lors que, sans droit, une personne réclame un avantage ou l’accepte (offre, promesse, don…) pour elle-même ou pour autrui, en contrepartie de l’accomplissement ou du non accomplissement d’un acte lié à ses fonctions ou facilité par ses fonctions.
Dans cette affaire, le délit de corruption est constitué. En effet :
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le fait, pour un magistrat, de récolter puis de partager des informations confidentielles au sujet d’une affaire en cours d’examen au sein de la juridiction à laquelle il est affecté est bien « facilité par les fonctions qu’il occupe » ;
-
la cour d’appel a estimé qu’il existait un lien entre le fait que le magistrat décide de récolter et partager ces informations confidentielles et la perspective d’une contrepartie offerte par la personnalité politique, à savoir : occuper un poste convoité dans une autre juridiction ;
-
la cour d’appel est souveraine dans l’appréciation de ces faits et de leur lien de causalité : la Cour de cassation n’a pas le pouvoir de les contrôler ;
-
l’infraction de corruption est constituée même si l’offre d’une contrepartie est intervenue après la transmission des informations par le magistrat.
Le trafic d’influence
Repère : Le trafic d’influence
432-11 et 433-1 du code pénal
Le délit de trafic d’influence est constitué lorsque, sans droit, une personne réclame un avantage ou l’accepte (offre, promesse, don…), pour elle ou pour autrui, en contrepartie du fait pour elle d’abuser de son influence, réelle ou supposée, en vue de peser sur le sens d’une décision ou d’un avis.
Dans cette affaire, le délit de trafic d’influence est constitué.
En effet, le magistrat mis en cause a tenté d’user de son influence, réelle ou supposée, auprès de l’un de ses collègues du parquet général, espérant que celui-ci émette un avis susceptible de peser sur le sens d’une décision de justice à venir.
L’infraction de trafic d’influence est constituée même si cet avis n’a pas la valeur d’une décision de justice.
La violation du secret professionnel et son recel
Une décision rendue par une chambre de l’instruction au terme d’une procédure qui n’est pas publique est un document secret. Les avocats à qui elle est notifiée en ont connaissance en raison de leur profession et ne peuvent la divulguer. Or, l’avocat du responsable politique a communiqué la décision de la chambre de l’instruction à un magistrat extérieur à cette procédure.
L’avocat a donc commis le délit de violation du secret professionnel.
Le magistrat qui s’est trouvé en possession de cette décision de la chambre de l’instruction alors qu’il n’occupait aucune fonction justifiant de la détenir s’est rendu coupable de recel de violation du secret professionnel.
La personnalité politique, son avocat et le magistrat sont par conséquent définitivement condamnés.
Contact presse
Guillaume Fradin, directeur de la communication
06.61.62.51.11
scom.courdecassation@justice.fr
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