François Bayrou à Matignon : le nouveau Premier ministre aurait-il pu faire pire départ ?

LR: Bayrou impose de remettre au goût du jour le terme évocateur de  » baderne, » de vieille baderne même. En marine, c’était un tressage de vieux cordage pour des usages divers, protection, défense, impropre à touts efforts de traction.

Pau plutôt que Mayotte, cumul des mandats, flou artistique : les premiers pas du président du MoDem à Matignon, sur la forme comme sur le fond, attisent les doutes sur sa capacité à « stabiliser » la vie politique.

« Dans un mois, il tombe » : François Bayrou (ici le 17 décembre) aurait-il pu faire pire départ à Matignon ?

POLITIQUE – François Bayrou rejoindra-t-il Marion Rolland et Usain Bolt ? Comme ces deux sportifs, le nouveau Premier ministre est en train de marquer les esprits avec un départ franchement raté à Matignon. Au point de chuter après deux mètres de descente, comme la skieuse aux Jeux olympiques de Vancouver ? Ou d’être disqualifié après un démarrage chaotique, comme le sprinter aux mondiaux en Corée du Sud ? Certains commencent à y songer.

Depuis, François Bayrou s’échine à consulter toutes les forces politiques représentées à l’Assemblée pour constituer son gouvernement. Problème : en parallèle de ces discussions, censées l’aider à grimper « l’Himalaya des difficultés » qui a fait vaciller Michel Barnier, ses premiers pas dans le costume de Premier ministre sont laborieux. En cinq jours, les polémiques se sont enchaînées et le flou s’est épaissi quant à sa vision politique.

Une « faute politique majeure »

Il y a d’abord la forme. Alors que les images de l’archipel de Mayotte, dévasté par le cyclone Chido, inquiètent en France et au-delà, François Bayrou est pointé du doigt pour sa prétendue légèreté sur le dossier. Avec deux scènes très singulières, et particulièrement difficiles à assumer aujourd’hui pour sa garde rapprochée.

Samedi, le nouveau chef du gouvernement n’a pas voulu répondre aux questions des journalistes pour le premier point presse organisé sur le sujet. Il a laissé faire son ministre (démissionnaire) de l’Intérieur Bruno Retailleau, avant de quitter la pièce. Une sortie, face caméra et sans explication, digne des meilleures séries télé caustiques, qui trouve un écho particulier sur les réseaux sociaux. Bévue de communication ou désintérêt flagrant ?

La mairie de Pau, plus que l’archipel mahorais ? Sans surprise, le tableau offert par le centriste, à l’heure où Mayotte est en proie à ce qui pourrait être la catastrophe climatique la plus meurtrière de ces 100 dernières années en France, n’est du goût de personne. À gauche, on critique une « faute majeure », un « impensé colonial et raciste » ou une « terrible erreur ».

Juste une mise au point ?

Plus gênant encore, ces critiques sont partagées au sein même des élus censés soutenir le chef du gouvernement. Ainsi, Yaël Braun-Pivet n’a pas hésité à publiquement critiquer François Bayrou ce mardi 17 décembre en expliquant sur franceinfo qu’elle aurait « préféré que le Premier ministre, au lieu de prendre un avion pour Pau, prenne l’avion pour Mamoudzou », le chef-lieu de Mayotte. Rude.

De quoi convaincre les sceptiques ? Et éteindre le début d’incendie ? Pas sûr du tout. Car au-delà de ces questions de forme, ou de cette communication qui fleure bon « l’ancien monde », on ne peut pas dire que le fond soit plus réussi pour ces premiers instants à Matignon. Pour l’heure, le Premier ministre se garde de tout commentaire sur ses projets ou ses lignes directrices. Un écueil majeur, sans doute, pour trouver la stabilité qui a fait défaut à son prédécesseur.

« Est-ce que je fais le discours de politique générale aujourd’hui ? Non », a-t-il par exemple répondu ce mardi au président du groupe socialiste Boris Vallaud qui s’inquiétait de l’absence de main tendue à Matignon. Une réplique qui rappelle à s’y méprendre celle de Michel Barnier, quand l’ancien Premier ministre expliquait à ses interlocuteurs souhaitant des éclaircissements qu’il faudrait attendre sa déclaration de politique générale pour en savoir plus sur sa feuille de route. On connaît la suite.

Joue-la comme Michel

En réalité, plusieurs indices montrent que le Béarnais semble tenté de se mettre dans les pas du Savoyard, lequel a tout misé sur la mansuétude du Rassemblement national à son égard pour durer. À tort. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les réactions aux différentes consultations à Matignon : Marine Le Pen est ressortie plutôt contente, satisfaite par exemple sur la proportionnelle, quand la gauche ouverte au dialogue (PS ou EELV) se montre sonnée par la teneur des discussions.

Il est en train de « paver peu à peu le chemin de sa propre censure », a même expliqué Marine Tondelier, la cheffe des Verts en sortant de Matignon, pointant ce mardi l’incapacité du centriste à donner des « réponses » à la gauche. Une sorte d’avertissement partagé bien au-delà du Nouveau Front populaire. « Si c’est pour reprendre la méthode Barnier, sur d’anciens élus au gouvernement et le deal avec LR, ça aura les mêmes conséquences », fait par exemple valoir le député de la Vienne, ancien macroniste, Sacha Houlié.

Dans ce contexte, on ne peut pas dire d’ailleurs que la seule proposition de fond évoquée par François Bayrou depuis sa nomination participe à trouver le chemin de la stabilité. Depuis Pau, le président du MoDem a effectivement défendu le retour du cumul des mandats (exécutif – maire), un cumul qu’il a pourtant combattu de nombreuses années durant, au nom de la moralisation de la vie politique. Ce qui fait dire à Olivier Faure, le secrétaire national du Parti socialiste, que le chef du gouvernement « s’est perdu. » Déjà ?

De fait, ces premiers jours chaotiques – dans une atmosphère politique éruptive – n’incitent pas à l’optimisme. Même au sein des partis du « bloc central. » « Ses débuts ne sont pas à la hauteur. Il est déconnecté, vide de sens politique et il sera incapable de rassembler », tranche auprès du HuffPost un cadre de l’une des chapelles censées soutenir l’exécutif. Et de prophétiser avec pessimisme : « Dans un mois, il tombe ». Un faux départ dans les règles de l’art.

Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*