Kropotkine : “La compétition n’est pas la règle dans le monde animal ni dans l’humanité”
Cent ans après sa mort, la pensée de Pierre Kropotkine détonne encore. Pour lui, ce n’est pas la lutte pour la survie mais l’entraide qui régit les lois de l’évolution. Face à nos questions, très actuelles, il “répond” grâce à des extraits de son œuvre que nous avons sélectionnés.
Pablo Servigne et Gauthier Chapelle, deux des principaux représentants de la collapsologie, vous citent en référence dans L’Entraide. L’autre loi de la jungle (Les Liens qui libèrent, 2017). Comme eux, considérez-vous que l’entraide, et non la compétition, est à la source du progrès et de l’évolution ?
Pierre Alexeïevitch Kropotkine : La compétition est toujours nuisible ! C’est le mot d’ordre que nous donnent le buisson, la forêt, la rivière, l’océan. Unissez-vous ! Pratiquez l’entraide ! C’est le moyen le plus sûr pour donner à chacun et à tous la plus grande sécurité, la meilleure garantie d’existence et de progrès physique, intellectuel et moral. Plus le principe de solidarité égalitaire est développé, plus l’espèce a de chances de survivre et de sortir triomphante de la lutte contre les intempéries et contre ses ennemis. Mieux chaque membre de la société sent sa solidarité avec chaque autre membre de la société, et mieux se développent, en eux tous, ces deux qualités qui sont les facteurs principaux de la victoire et de tout progrès – le courage, d’une part, et, d’autre part, la libre initiative de l’individu.
Selon vous, ce n’est donc pas la libre concurrence qui a permis les différentes révolutions industrielles et le progrès social qui en découle ?
Attribuer le progrès industriel de notre siècle à cette lutte de chacun contre tous qu’il a proclamée, c’est raisonner comme un homme qui, ne sachant pas les causes de la pluie, l’attribue à la victime qu’il a immolée devant son idole d’argile. Pour le progrès industriel comme pour toute autre conquête sur la nature, l’entraide et les bons rapports entre les hommes sont certainement, comme ils l’ont toujours été, beaucoup plus avantageux que la lutte réciproque. Si nous laissons de côté les idées préconçues de la plupart des historiens pour les aspects dramatiques de l’histoire, nous voyons que les documents mêmes qu’ils étudient sont ceux qui exagèrent la partie de la vie humaine vouée aux luttes et qui négligent les côtés pacifiques.
“En toute société animale, la solidarité est une loi (un fait général) de la nature infiniment plus importante que cette lutte pour l’existence dont les bourgeois nous chantent la vertu sur tous les refrains, afin de mieux nous abrutir”
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