J’écris pour StreetPress depuis huit ans. J’ai d’abord été pigiste, c’est-à-dire journaliste indé, puis je suis devenue salariée, en rejoignant le pôle enquête. Cette année je fête un truc : mon premier procès. C’est en quelque sorte un passage obligé pour un journaliste de StreetPress : nous en avons 7 en cours.
Spoiler alert : j’ai gagné le mien.
C’était le 19 février 2024, à la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris, dédiée au droit de la presse. L’article concerné avait été publié deux ans plus tôt. Je révélais que la gendarme qui venait de s’immoler par le feu, Nadia Mostefa, avait dénoncé le harcèlement de sa hiérarchie. Cette enquête, ma plus importante à l’époque, m’a bouleversée.
Nadia Mostefa venait de perdre la garde de son fils au profit de son ex-conjoint, qu’elle accusait de violences envers leur petit garçon. Pour la presse locale et ses anciens collègues, l’affaire est entendue : la haute gradée s’est suicidée pour des raisons personnelles.
Pourtant, une source a transmis à StreetPress un courrier de Nadia Mostefa dans lequel elle met en cause sa hiérarchie. En enquêtant, je découvre le harcèlement professionnel subi. Selon une proche, elle préparait un livre sur « le fait d’être une femme arabe dans ce milieu. »
Mon enquête vise les responsabilités de la gendarmerie. Pourtant, c’est son ex qui porte plainte pour diffamation. Je ne m’y attendais pas. Il n’accepte pas d’être décrit comme violent dans une phrase, pas centrale mais nécessaire à la compréhension du passage à l’acte.
À l’audience, notre avocate Valentine Rebérioux m’a défendue. À la fin, la cour a estimé que mon travail est d’intérêt public. StreetPress est relaxé.
Ce procès m’a appris que les plaintes pouvaient venir de là où on ne les attend pas et qu’il faut être absolument rigoureuse sur chaque mot écrit, même ceux qui ne semblent pas directement liés au sujet de l’enquête.
Pour chaque procès, nous engageons des frais pour notre défense, qui ne sont jamais remboursés. En France, tout citoyen a le droit de porter plainte pour diffamation. C’est aussi le cas des entreprises, qui peuvent avoir des moyens démesurés. Contrairement à nous.
Rejoindre le Club StreetPress, c’est aussi nous aider à payer notre géniale avocate qui passe son temps à nous protéger des néonazis, des maires d’extrême droite ou des chefs d’entreprise véreux. Nous avons besoin de vous.Lina Rhrissi
Journaliste, pôle enquête
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