« On n’en est pas là » : pour Ruffin, il n’y a pas de génocide à Gaza

Dans une interview pour L’Humanité, François Ruffin a rappelé son refus de qualifier de génocide le massacre en cours à Gaza. Une marque de plus pour apparaitre comme un interlocuteur respectable du régime.

Aglaé Saunières

2 décembre

Crédit photo : Parti socialiste, CC BY-NC-ND 2.0.

« Est-ce qu’il va y avoir une extermination des Palestiniens ? Non, ce n’est pas ça le sujet. » Cette phrase, prononcée par François Ruffin pendant une émission Twitch ce vendredi, a de quoi sidérer.

Face aux réactions sur le plateau, Ruffin tranche « Nan. […] Heureusement on n’en est pas là. […] Le c’est pas dans la sémantique, d’accord ? ». Circulez, il y a rien à voir. S’il daigne reconnaitre certes une « volonté de destruction de la société palestinienne, de sa culture », et aussi de son peuple « en le faisant éclater en différents lieux. » en se protégeant derrière des formulations atténuées qui euphémisent la réalité, Ruffin prétend que le génocide ne serait qu’un « risque » qui n’a pas encore de réalité.

Une affirmation pourtant contredite par un rapport publié il y a à peine deux semaines par un comité spécial de l’ONU, qui rappelle que les méthodes de guerre d’Israël dans la bande de Gaza « correspondent aux caractéristiques d’un génocide ». L’obstruction de l’aide humanitaire, les attaques ciblées tuant les civils et travailleurs humanitaires, l’organisation de la famine, le rapport souligne la volonté génocidaire du gouvernement israélien : « les pertes civiles massives et les conditions imposées aux Palestiniens sur place mettent leur vie en danger intentionnellement. »

Ruffin devra-t-il attendre qu’il ne reste pas un seul Gazaoui dans la Bande de Gaza pour qualifier la situation de génocide ? C’est bien l’idée hallucinante qu’il laisse sous-entendre. Mais pourquoi ce refus de prononcer ce mot ? Assumer le génocide est aujourd’hui un marqueur politique, qui implique la solidarité avec le peuple palestinien tandis que l’État français continue son soutien tacite aux crimes du gouvernement israélien. Si Ruffin refuse d’en parler, c’est aussi qu’il veut apparaître comme un dirigeant modéré, qui puisse être adoubé par le régime pour faire l’union de la gauche mieux que Mélenchon. Quitte à nier un génocide qui se perpétue sous nos yeux, avec la complicité criante des Etats impérialistes.

Car, comme il l’indique de manière détournée dans la suite de l’extrait, ce qui préoccupe avant tout Ruffin c’est la position de la France. Le risque dans la complicité de l’Etat avec Israël serait que la France perde son statut de « grande voix dans les pays arabes. » Ruffin revendique de la sorte la politique d’ingérence que la France a historiquement mis en œuvre dans la région, soutenant moins inconditionnellement Israël pour préserver ses intérêts auprès des régimes autoritaires arabes. De la sorte, pour lui, la question de l’influence de la France prime sur la question d’un cessez-le-feu humanitaire. L’enjeu, pour lui, est de positionner la France comme grande puissance capable d’imposer sa voix au Moyen-Orient, et exercer son influence sur les autres peuples de la région.

Face à cette « grande voix » française, une autre voix se fait entendre depuis plus d’un an maintenant, celle qui, dans toutes les manifestations de solidarité avec le peuple palestinien, exige non seulement la fin des bombardements, mais la libération des Palestinien·nes. Une libération du joug colonial israélien mais aussi de la domination impérialiste des grandes puissances dont la France fait partie, ce que les leaders de la gauche institutionnelle veulent mettre sous le tapis.

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