Arguments pour la lutte sociale | Lire sur le blog ou le lecteur |
Le seul évènement politique majeur en France depuis le second tour des législatives faisant suite à la dissolution, est donc advenu par Gisèle Pélicot, lorsqu’elle a décidé de refuser le huis clos pour le procès de son ex-mari et de ses dizaines de violeurs. Elle a ainsi porté un coup à l’ordre social existant, de tout premier ordre.
Ce n’est pas là une appréciation par défaut, selon laquelle si Macron était tombé, si l’affrontement social majeur qui se cherche avait débouché, ce procès n’aurait pas été l’évènement politique majeur. Car il se serait alors pleinement incorporé à la situation politique. Un gouvernement démocratique agissant dans l’intérêt du plus grand nombre en abrogeant la réforme des retraites, en haussant les salaires et en sauvant les services publics, aurait été un gouvernement féministe, non seulement par le contenu réel de sa politique, mais par la personne de ses représentantes, car ce n’est pas par hasard que l’unité du NFP s’est portée sur Lucie Castet. En l’absence de ces développements nécessaires, la crise politique se poursuivant, le « procès Pélicot » a résonné d’autant plus puissamment qu’il a fait ressortir le silence abyssal des appareils et personnalités politiques et des institutions. Bien sûr, tous y vont maintenant de leur petit hommage verbal, Macron le premier. Cela ne cache en rien leur gêne réelle envers ce qui a été posé par Gisèle Pélicot. Tous nous disent en effet que maintenant, on va faire plus attention et que le « consentement » devra être un critère fondamental à toute relation sexuelle, ainsi que l’écoute des victimes. Certes, certes. Mais à supposer que Gisèle Pélicot ait verbalement, voire contractuellement, « consenti », les viols n’auraient plus été des viols ? Bien entendu, l’égalité juridique et civique des individus et donc des personnes des deux sexes et de toutes orientations sexuelles, est à imposer et à parachever contre toutes les traces d’inégalités formelles dans les textes, et, surtout, dans les pratiques (ainsi dans la prise en compte des plaintes pour viols). Mais, de même qu’envers le rapport salarial qui est un rapport de sujétion et d’exploitation, elle ne résout par la réalité sociale et anthropologique du rapport patriarcal. Celui-ci est le plus ancien rapport de domination et d’exploitation de notre espèce (ce qui ne le légitime en rien). Dans la société capitaliste, il est recyclé et reproduit comme opposition entre ce qui apporte de la valeur et fait croitre et circuler la valeur, le capital, et les activités indispensables qui n’en produisent pas directement : reproduction, soin, foyer, quotidien, amour, affectivité, naissances, mort – la vie, quoi. La sphère dominante du capital et de la valeur porte le « masculin » et la sphère nécessaire mais non productrice de valeur porte le « féminin ». Ce rapport patriarcal ne disparait pas par la proclamation – nécessaire – d’une égalité formelle, et la contractualisation des rapports sexuels qui peut se développer sur cette base peut en reproduire tous les traits de domination et d’oppression – ainsi, dans la prostitution ou dans le porno qui prétend que les personnes exhibées sont contractuellement consentantes. De même que chaque revendication, aussi « minime » soit-elle, conduit à la remise en cause, pour être réellement satisfaite, des rapports sociaux existants et soulève donc la question du pouvoir politique dans la société, de même la phrase finale de la déclaration de Gisèle Pélicot, exprimant clairement l’aspiration la plus élémentaire de nous toutes et de nous tous, porte en elle la nécessité concrète de la révolution, besoin social élémentaire et vital : « J’ai confiance à présent en notre capacité à saisir collectivement un avenir dans lequel chacun, homme et femme, puisse vivre en harmonie dans le respect et la compréhension mutuelle. » |
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