Arguments pour la lutte sociale | Lire sur le blog ou le lecteur |
« Si ce n’était pas la France, vous seriez 10.000 fois plus dans la merde », a crié Macron à la population de Mayotte.
Justement, non : si ce n’était pas la France, mais une auto-administration souveraine, démocratique et indépendante, même sans l’aide logistique française et néanmoins lointaine, la population de Mayotte, Mahorais, migrants et métropolitains, serait beaucoup moins « dans la merde » pour reprendre les mots de Macron, insultants : elle serait en fait beaucoup moins dans la misère et la destruction. Les Mahorais, peuple parlant une langue du groupe bantou, sont culturellement et nationalement distincts des Comoriens. Ce sentiment mahorais a été utilisé pour maintenir Mayotte comme base géostratégique française dans l’océan Indien, mais la France en tant que puissance impérialiste n’en a strictement rien à faire des Mahorais. Tout en les opposant aux « non-français » comoriens et migrants, elle les a traités, souvent de manière explicite, en sous-citoyens, expérimentant dans l’île des atteintes à l’égalité des droits qui sont une menace pour tous les citoyens français, comme la suspension du droit du sol. Cela s’est traduit dans la gabegie en matière de services publics, par laquelle, dès avant l’ouragan Chido, Mayotte était 10.000 plus dans la misère qu’elle n’aurait dû l’être. 10.000 … ce chiffre lancé par Macron pour jouer les matamores boute-en-train est d’autant plus déplacé qu’il pourrait bien être, au final, le chiffre du nombre réel de morts à Mayotte. Ce nombre total, on le sait, ne sera pas connu : les sans-papiers que Retailleau voulait « traiter », les gens engloutis et emportés, ceux qui sont restés dans des décombres, et ceux qui ont été prestement enterrés soit pour des raisons religieuses, soit par crainte justifiée des maladies, soit pour les deux raisons, on ne saura jamais leur nombre. Celles-là et ceux-là sont « 10.000 fois » dans la peine et dans l’oubli, M. Macron. Ainsi, en laissant en vérité délibérément périr des milliers de pauvres jugés dangereux, l’État français à Mayotte vient-il de donner sa pleine mesure : 10.000 fois pire, 10.000 fois en dessous de ce qu’une démocratie devrait faire pour ses anciennes colonies, à savoir une aide conséquente et le droit à l’autodétermination. Mais Macron n’a pas insulté que le peuple mahorais et les autres habitants de Mayotte. Ce président désavoué, minoritaire et illégitime en allant ainsi faire le bravache, a fait un bras d’honneur de plus à la démocratie comme à la décence. Accessoirement (mais pour lui cela avait certainement son importance !) il est aussi allé fanfaronner afin d’embêter Bayrou, lequel a réussi, après s’être imposé à Matignon, à se tirer deux balles dans le pied du même coup en allant jouer le madré partisan du cumul des mandats à Pau au moment même où le monde voyait Mayotte sortir ravagée de Chido. Bayrou a commencé à s’affaiblir dans le même mouvement, car sa propre force ne provenant que de la faiblesse de Macron ne saurait le porter au pinacle très longtemps. Soyons tranquilles : la dévalorisation de Bayrou ne rattrapera pas Macron. Pour les peuples de ce que l’on appelle, depuis Paris, « l’outremer », comme pour la masse de la population en France, le problème du moment n’est pas « l’instabilité », comme tous le disent, mais l’arbitraire qui assure la poursuite de la même politique antisociale sous le couvert de l’instabilité gouvernementale et parlementaire : cette politique sans laquelle nous serions 10.000 fois mieux. Mettre fin à cet arbitraire et à cette politique ne passera pas par des élections présidentielles, mais par l’affrontement social conduisant à l’issue démocratique. Le 21/12/2024. |
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