Dans l’affaire Bétharram, la com’ calamiteuse de François Bayrou entre « excès d’arrogance » et « amateurisme »

Le Premier ministre, qui enchaîne les couacs depuis sa nomination, peine à livrer un récit cohérent sur cette affaire qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

POLITIQUE – Neuf. C’est le nombre de conseillers qui occupent le « pôle communication » de François Bayrou depuis sa nomination à Matignon. Et pourtant, le Premier ministre enchaîne les bévues depuis son installation rue de Varenne. Au point de s’embourber tout seul dans l’affaire Bétharram, dévoilant au compte-goutte une défense parcellaire et lacunaire, régulièrement taillée en pièces par les acteurs du dossier.

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Pour rappel, le maire de Pau est accusé d’avoir participé, par proximité avec l’établissement et en qualité ministre de l’Éducation nationale puis de président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, à l’omerta entourant Notre-Dame-de-Bétharram. Un collège-lycée privé catholique près de Lourdes éclaboussé par un scandale de violences sexuelles commises entre les années 1970 et 1990. François Bayrou a d’abord affirmé qu’il ne savait rien. Et puis qu’il n’avait rien su « à l’époque ». Avant d’affirmer qu’il avait entendu parler de « claques » et autres sévices. Pour, enfin, affirmer qu’il avait ordonné une inspection au moment des faits, ce qui constitue une prouesse pour quelqu’un qui n’était pas au courant.

Une défense sans cesse fragilisée

En face, Mediapart et la presse locale publient autant d’éléments qui fragilisent ce narratif hasardeux, obligeant le ministre à tenter de reprendre la main en se rendant sur place. Acculé par la gauche, le Premier ministre ne cesse de battre en retraite ce qui, paradoxalement, nourrit le dossier qui l’empoisonne, puisque ses justifications alambiquées correspondent assez bien à l’idée que l’on peut se faire de l’existence d’une loi du silence. « La communication de François Bayrou en milieu de semaine n’était pas bonne, avec beaucoup de maladresses », a même reconnu Laurent Wauquiez sur BFMTV ce dimanche 16 février.

En réalité, ce n’est pas la première fois que l’expression publique et les choix du Béarnais entretiennent des polémiques désastreuses pour son image. Juste après sa nomination à Matignon, François Bayrou a préféré prendre un jet de la République pour présider le conseil municipal de Pau plutôt que de participer à une réunion de crise consacrée au passage meurtrier du cyclone Chido à Mayotte. Plagiat du RN sur la « submersion migratoire », fake news sur la fin de vie, promotion du cumul des mandats… Le Premier ministre a collectionné les bourdes qui l’ont placé sur la défensive. Rebelote sur Bétharram.

« Son logiciel de communication est dépassé, il reste figé sur un ancien modèle. Il veut gérer son image tout seul, mais ça ne marche plus comme ça », décrypte pour Le HuffPost Philippe Moreau Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences Po. « Il n’a aucune capacité d’adaptation et n’écoute pas ses conseillers. Il n’est pas équipé pour faire face aux entreprises de démolition qui deviennent la norme en politique », poursuit le spécialiste, qui juge « suicidaire » la stratégie adoptée par François Bayrou. « Dans cette guerre de l’information, il n’y a pas de places pour les civils et l’amateurisme. Professionnaliser sa communication est une nécessité », insiste-t-il.

« Effet Fillon »

Sous couvert d’anonymat, un communicant passé par plusieurs cabinets ministériels sous Emmanuel Macron dresse le même constat. « Il a toujours un train de retard, il subit la séquence. Il est piégé par son hubris, un excès d’arrogance : il s’est tellement préparé pour le job qu’il pense savoir tout mieux que les autres. C’est à l’ancienne, mais ça ne marche pas. Ça reste très amateur », déplore notre interlocuteur, qui juge que François Bayrou a « beaucoup de chance » que le scandale Bétharram intervienne alors que l’actualité, marquée par un probable basculement géopolitique, est particulièrement dense.

D’autant que dans cette affaire, la défense choisie par le Premier ministre véhicule une image potentiellement dévastatrice. « Il donne l’impression de dissimuler des choses gravissimes auxquelles tout le monde peut s’identifier. Et surtout, de le faire pour des motifs religieux, comme s’il s’agissait d’une approche communautariste », poursuit cet ancien conseiller passé dans le privé. « Le pire dans cette séquence, c’est le mensonge », renchérit Philippe Moreau Chevrolet, qui observe une sorte « d’effet Fillon » dans la défense de François Bayrou, qui consiste « à réagir par le déni et par l’attaque » alors qu’il aurait pu, dès le début de l’affaire, reconnaître une erreur d’appréciation et formuler immédiatement une réponse positive sur la réparation des victimes.

Alors que ce mardi 18 février Mediapart rapporte deux témoignages invalidant (encore) sa défense, François Bayrou persiste et signe, en affirmant à l’Assemblée nationale n’être intervenu « ni de près ni de loin », auprès des enquêteurs ou de la justice dans l’affaire Bétharram. Avant de renvoyer la responsabilité au gouvernement Jospin, en affirmant que le procureur général avait « tenu informé » la ministre de la Justice d’alors, Élisabeth Guigou. Au passage, François Bayrou éclabousse Ségolène Royal, alors ministre en charge de la scolarité à cette époque, et Claude Allègre, ancien ministre de l’Éducation récemment décédé. C’est donc en allumant un contre-feu que le Premier ministre compte éteindre l’incendie. En attendant, Ségolène Royal annonce étudier un dépôt de plainte pour dénonciation calomnieuse.

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