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L’hégémonie syndicale de la FNSEA ressort bousculée des élections aux chambres d’agricultures. Et Véronique Le Floc’h n’y est pas pour rien.
AGRICULTURE – Elle a réussi son pari. Élue à la tête du syndicat agricole Coordination rurale il y a trois ans, Véronique Le Floc’h peut se satisfaire, ce vendredi 7 février, d’avoir fait sauter les digues. Jamais la FNSEA n’avait vu son hégémonie syndicale autant bousculée que lors de ces élections aux chambres d’agricultures. « Faire baisser la FNSEA et les JA, deux syndicats, en dessous des 50 %, et dépasser de notre côté les 30 %, ça fait de nous le premier syndicat agricole au niveau national », se targue même Véronique Le Floc’h au micro de Ici.
La CR multiplie quasiment par cinq le nombre de ses fiefs. De trois chambres d’agriculture elle en a désormais 14 dans son escarcelle. Une percée historique rendue possible par une campagne agressive au cours de laquelle sa formation a notamment capitalisé sur la colère et le ressentiment des agriculteurs. Le tout dans un contexte de fronde dont la Coordination rurale a été le fer de lance.
Transformer l’essai
Éleveuse de vaches laitières, ancienne championne cycliste, la Bretonne âgée de 52 ans, peut se targuer d’avoir réussi à transformer l’essai, là où son prédécesseur, Bernard Lannes, avait peu à peu, pendant 12 ans, imposé la CR, comme le deuxième syndicat agricole français, devant la Confédération paysanne. Une résilience qui fait aussi écho au parcours personnel de Véronique Le Floc’h. Enfant d’agriculteurs basés dans à Plabennec le Finistère, elle devient ingénieure agronome avant de partir travailler quelques années au Canada. De retour en France avant le passage à l’an 2000, elle prend un poste dans une banque mutualiste avant de se lancer en 2007 en tant qu’agricultrice avec son mari.
Alors que la FNSEA règne toujours en maître chez les agriculteurs bretons – et rien n’a bougé pour ces élections cru 2025 -, elle s’encarte à la Coordination rurale. Parmi les crises qui l’ont marqué, la grève du lait en 2009. Le président de la chambre d’agriculture à cette époque-là, Jacques Jaouen, de la FDSEA, s’oppose lui à cette grève. Est-ce de là qu’elle tient « cette haine viscérale contre la FNSEA », comme l’écrivent nos confrères de Libération ?
L’anti-Arnaud Rousseau
Ces trois dernières années, Véronique Le Floc’h a transformé la CR en machine médiatique, avec à la clef aussi des méthodes virulentes : blocages, invectives et bousculades au Salon de l’agriculture, saillies violentes contre l’OFB. Le tout, comme le révèle Mediapart avec un coût humain en interne, des problèmes de management toxique, et de harcèlement.
Pas de quoi entacher l’image de celle qui s’impose comme l’anti-Arnaud Rousseau. Le président de la FNSEA, par ailleurs à la tête du groupe Avril, spécialisée dans les oléagineux, est perçu comme proche du pouvoir et d’Emmanuel Macron. De quoi allumer la machine à exutoire. « Nous, on est là parce qu’on est des agriculteurs, on n’est pas les suppôts de l’industrie agroalimentaire ou de la grande distribution », lançait-elle encore lors d’un déplacement dans les Hautes-Pyrénées, quelques jours avant les élections.
Avec son discours antisystème, anti-Europe et dégagiste, mais aussi sa défense d’une vision très traditionnelle, la CR vu les procès en proximité avec l’extrême droite se multiplier. Comme l’a montré François Purseigle, sociologue et professeur à AgroToulouse, dans une enquête de terrain : 62 % des sympathisants de la CR avaient en mai dernier l’intention de voter pour une liste d’extrême droite. Et de fait, plusieurs de ses cadres s’affichent avec des leaders réactionnaires, dont Jordan Bardella et Éric Zemmour.
Rapprochement à l’extrême droite
Véronique Le Floc’h s’en défend régulièrement même si elle déclarait il y a un an sur France Inter, que si tout le monde avait les idées du Rassemblement national en matière agricole, « on pourrait aller dans le bon sens ». Une extrême droitisation d’un syndicat « en train de perdre sa spécificité apartisane et apolitique » comme le regrette désormais Benard Lannes ? De toute façon, juge-t-elle, le RN est de droite et non d’extrême droite.
Comme le pointe l’Express, elle joue ainsi un habile pas de deux avec l’une des têtes d’affiche du mouvement, Serge Bousquet-Cassagne. Tonitruant, adepte des déclarations chocs, celui qui « partage 80 % des idées du RN » est quasi intouchable, car c’est lui qui tient le fief de la CR dans Le Lot-et-Garonne.
À Stéphane Convers, son secrétaire général et numéro 2, elle laisse aussi le soin de taper virulemment sur l’OFB : « Une voiture de l’OFB qui entre dans une exploitation sera brûlée sur place ». Charge à la syndicaliste de lisser aussi avec une partie de la base qui s’agacerait. Et quand son syndicat est qualifié de violent ou de viriliste, c’est elle qui monte au créneau médiatique pour faire « le good cop ». « On essaye de nous faire passer pour des violents. On n’est pas des casseurs, on est pour le dialogue », assure Véronique Le Floc’h qui a publié récemment un livre avec le très droitier Michel Onfray.
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