
C’était donc hier sur Al-Jazira qui est plus intéressante à écouter que BFM et Cnews réunies. Voici donc le visage d’un homme ordinaire qui a sauvé les visages et les identités de 55 000 personnes torturées et assassinées par le boucher Assad de 2011 à 2013. Il fallait un courage extraordinaire pour faire ce qu’il a fait, pour permettre d’inculper plus tard les responsables de ces atrocités. J’espère qu’on lui donnera le Prix Nobel de la Paix pour ouvrir des perspectives à une Syrie à reconstruire.
Cet article dans Le Monde paru cet après-midi :
Photographe légiste et héros, « César » montre son visage
Hélène Sallon (Beyrouth, correspondante) Hélène Sallon (Beyrouth, correspondante)
Nombreux étaient les Syriens réunis, jeudi 6 février au soir, devant la chaîne qatarie Al-Jazira, pour découvrir le visage et le nom de « César ». Célébré en héros, ce transfuge de la police militaire syrienne a fourni, il y a onze ans, au péril de sa vie, les premières preuves officielles de la torture pratiquée à l’échelle industrielle dans les geôles du président Bachar Al-Assad. Le photographe légiste, dont on ne connaissait que la silhouette, camouflée sous un blouson de sport bleu, est apparu, en costume gris, la barbe grisonnante.
« Je suis l’adjudant-chef Farid Al-Mazhan, chef du bureau des preuves judiciaires à la police militaire de Damas, connu sous le nom de “César”, fils de la Syrie libre, originaire de Deraa, berceau de la révolution syrienne » , s’est-il présenté. Du début du soulèvement en mars 2011 à sa défection et à sa fuite en août 2013, Farid Al-Mazhan a collecté près de 55 000 photographies représentant des milliers de prisonniers morts sous les balles, la torture, de faim ou de maladie, dans les centres de détention des services de renseignement, identifiés par des numéros, et portant des traces de supplices.
Pendant plus de deux ans, il a participé à ce travail méticuleux de recensement photographique, témoignage d’une bureaucratie de la barbarie, dans le but de collecter « le plus grand nombre possible de photographies documentant et incriminant les services du régime pour crimes contre l’humanité ». Affecté à l’hôpital de Tichrine, puis à un hangar de l’hôpital militaire de Mazzeh transformé en morgue, à Damas, Farid Al-Mazhan avait la mission de « photographier les corps des morts en détention, vieillards, femmes et enfants arrêtés aux postes de contrôle à Damas, ou lors de manifestations appelant à la liberté et à la dignité ».
Preuves dans des procédures judiciaires
« Ils étaient arrêtés, torturés, exécutés de manière méthodique et sanglante, avant que leurs corps ne soient transférés vers des morgues militaires pour être photographiés, puis enterrés dans des fosses communes », a-t-il poursuivi. Il a dû photographier jusqu’à une cinquantaine de corps par jour au plus fort de la répression des manifestations prodémocratie par le régime d’Al-Assad.
Malgré la peur d’être découvert, il a sorti ces clichés enregistrés sur des clés USB, avec l’aide d’un réseau d’opposants lié à l’Armée syrienne libre et à la Coalition nationale syrienne. Après son exfiltration de Syrie, via la Jordanie et le Qatar, les clichés ont été authentifiés et la probité de son témoignage avérée par des spécialistes de la justice internationale. Publiés sur Internet en janvier 2014, les clichés ont permis à des milliers de familles de prisonniers de connaître le sort de leurs proches.
Les photographies ont servi de preuves dans des procédures judiciaires pour crimes contre l’humanité, notamment en France et en Allemagne, contre d’anciens collaborateurs de Bachar Al-Assad. Elles sont à l’origine d’une loi américaine dite « César », entrée en vigueur en 2020, qui impose des sanctions économiques contre la Syrie. Farid Al-Mazhan, qui a, depuis, vécu reclus en France avec sa famille, demande aujourd’hui la levée de ces sanctions et un « soutien international et régional pour reconstruire[son] pays libre ».
Toutes les réactions :
7
1
1
J’aime
Commenter
Envoyer
Poster un Commentaire