Lundimatin #463 | 10 février

L’année où les oies ne sont pas revenues
C’était l’idée de départ. D’un ton neutre et précis, j’y aurais décrit un printemps improbable, oscillant entre la stupeur et l’indifférence. J’y aurais décrit les champs mornes d’avril et l’épaisse fonte du ciel, empesé par l’absence des clairons. Un cauchemar subtil, à l’image de ce présent qui se tend.
Cette nouvelle, je n’ai plus la force de l’écrire. Aucun récit, de toute façon, ne saurait se substituer à la froide chronique du réel. Aucune vision, aussi porteuse soit-elle, ne (…)C’était l’idée de départ. D’un ton neutre et précis, j’y aurais décrit un printemps improbable, oscillant entre la stupeur et l’indifférence. J’y aurais décrit les champs mornes d’avril et l’épaisse fonte du ciel, empesé par l’absence des clairons. Un cauchemar subtil, à l’image de ce présent qui se tend.
Cuisine et révolutions
Un lundisoir autour de Darna : une maison des peuples et de l’exil

On connaît le célèbre adage : « il nous faut des lieux pour habiter le monde », une exigence qui se pose au carré lorsqu’on est exilé. Pour ce lundisoir, nous accueillons trois membres de l’un de ces futurs lieux : Darna, « notre foyer » en arabe. Depuis 5 ans, certains d’entre-eux animaient La Cantine Syrienne de Montreuil, un collectif impulsé par des exilés syriens déterminés à ne pas lâcher l’idée de révolution, ils ont décidé de passer à l’étape supérieur, d’étendre et de pérenniser leurs activités : cuisine et révolutions.

De la récurrence des néoréactionnaires
Yuk Hui

Il est de plus en plus évident que la victoire électorale de Trump s’accompagnait d’un Cheval de Troie. Ce qui aurait pu être une simple radicalisation brutale, une version Disneyworld du contrat social représentatif, est en passe de se faire disrupter et hacker par voie de tech. D’un coup : la science-fiction se substitue à la fiction du suffrage. C’est probablement la première fois qu’un coup d’État interne à la démocratie libérale s’effectue à l’aide d’une armée 4chan de prétoriens geeks. C’est bien la première fois que le Deep State se fait doubler par ce que l’on pourrait appeler le Dark State, que le Dark remplace le Deep, que l’Obscur relaie la Profondeur, et qu’une bande de gamins néonazis de vingt ans, les DOGE kids, parvient à prendre le contrôle de l’État à distance – depuis l’intérieur. Les bonnes analyses de ce qui se joue dans la réélection de Trump-Musk ne font pas florès. Nous avons publié celles que nous croyons les plus fines ou les plus singulières (Norman Ajari ou Frédéric Neyrat). Il y a huit ans, nous avions publié Sur la Conscience malheureuse des Néoréactionnaires qui annonçait ce qui n’était encore qu’en germe. Aujourd’hui, son auteur, le philosophe et informaticien hongkongais Yuk Hui, professeur à Rotterdam, revient sur les sources idéologiques de la Néoréaction qui, comme il le dit lui-même, « sont désormais à la Maison Blanche. »

Travail forcé au Turkmenistan
H&M et Benetton filent un mauvais coton

Le journaliste Khudayberdy Allashov est mort en août dernier, après avoir été persécuté une dizaine d’années durant par les autorités turkmènes. Elles lui reprochaient d’avoir osé écrire sur le travail forcé systématique dans les champs de coton du pays. Un secret de polichinelle, qui n’empêche pas certaines marques de textile européennes de se fournir encore au Turkménistan. Forbidden Stories, en partenariat avec Radio Azatlyk, son ancien employeur, a décidé de poursuivre le travail du journaliste sur ce sujet tabou en Turkmenistan et nous a autorisé à reproduire son enquête.

Rennes 2, « La rouge, la juste »
L’université s’écroule, les étudiants se lèvent
Romain Huët, Alexandre Rouxel & Olivier SarrouyLe gouvernement Macron aurait-il décidé de mettre les universités française à genoux ? Ce qui est certain, c’est qu’elles sont mises au pas à grands coups d’austérité budgétaire et que la misère étudiante s’approfondit. Trois enseignants reviennent sur la mobilisation naissante parmi les étudiants rennais ainsi que sur les conséquences délétères de la ruine des universités. La situation qu’ils décrivent rappelle l’antagonisme qui traverse les campus depuis toujours, soit que la pensée et le savoir contiennent une part à jamais irréductible aux logiques économiques. Selon nos informations, de nombreuses assemblées générales devraient se tenir dans les universités ces prochains jours. Un mouvement étudiant déterminé à l’échelle nationale, voilà qui pourrait remettre un peu d’ordre dans le marasme politique actuel.
Appel à dons
Deux affiches exclusives pour fêter les 10 ans de lundimatin

Vous êtes probablement déjà au courant, nous sommes en pleine campagne de dons pour fêter nos dix ans et surtout, renflouer nos caisses vides. Comme pour chaque campagne de soutien et dans la grande tradition du potlatch, nous avons prévu quelques contreparties pour les 300 premiers dons. En l’occurrence deux magnifiques affiches grand format réalisées par Fabrice Pellé et sobrement intitulées : détruire rajeunit.

Esquisse du récent cheminement de la lutte ontologico-politique zapatiste
Épisode 1 : Pour la vie, cheminements zapatistes

Cette seconde série, intitulée Solidarités internationales, prolonge nos analyses des semences zapatistes à partir de l’étude attentive, et nullement exhaustive, de la récente littérature du mouvement (2021-2024). Au regard de l’actualité préoccupante de l’Etat du Chiapas au Mexique, et des continuelles menaces et attaques subies par les communautés zapatistes, il nous a semblé essentiel de partager quelques-unes des récentes inspirations possibles de la théorie-pratique zapatiste pour nos recherches-actions attentives à la résolution collective des tempêtes (crises) et à la co-construction d’autres chemins, d’autres mondes, d’autres futurs.

De la prise de corps à la prise de tête (et retour)
Modèle, mon beau modèle
[Qu’est-ce que la cybernétique ? 9/9]Dans Démocratie ! Manifeste, Barbara Stiegler raconte que c’est en lisant les travaux de Michel Foucault sur la biopolitique et le néolibéralisme qu’elle a compris le phénomène de retournement du sens de termes tels qu’« autonomie », en effet, dans un régime néolibéral, l’utilisation qui en est faite conduit à l’« impossibilité d’une autonomie démocratique. » En poursuivant ses recherches sur les fondements d’une telle dérive du sens, Stiegler a montré, dans Il faut s’adapter, comment le néolibéralisme s’est donné pour mission de « transformer l’espèce humaine ».

Cette série d’articles [1], qui s’achève aujourd’hui, aura constitué une sorte de plongée dans les éléments les plus concrets et quotidiens de cette tentative d’adapter l’espèce humaine. Le modèle cyber-systémique y est déterminant, il a été décrit tel qu’il s’applique dans le monde du travail et de la gouvernance, il se devait, pour conclure, d’être abordé depuis les lieux où il est défini. C’est donc un rapide passage en revue de ce qui fonde sa légitimité scientifique qui est l’objet de ce dernier article. La question que ce modèle nous pose est celle des choix politiques.

Histoire et théorie critique #1
Premières thèses
Jean-Marc Royer

« Rien n’est vrai, tout est permis ».
Donald Trump, 2024.

Avouons-le, nous sommes de plus en plus étonnés par les « absences » ou ce qui apparaît comme des conduites d’évitement [2] devant les dangers d’ultimes régressions ou de guerres qui se profilent un peu partout. Pour que le phénomène soit aussi répandu, c’est qu’il doit y avoir des raisons historiques à cela mais aussi des manques dans l’élaboration théorico-critique. Il reste qu’au moment où toutes sortes de nationaux-populismes, de fanatismes religieux ou de totalitarismes nouveaux se répandent à travers les continents, il nous semble important de revenir à leur caractérisation passée et à la manière dont leur histoire fut écrite. [3]

Le poison nous rattrape même au paradis
Valentin est tombé

Brahim est né le 18 mai 1990 dans l’une des 17 maisons d’un village berbère de l’Anti-Atlas. Comme pour ses trois grands-frères, sa mère a accouché à la maison. Par la fenêtre de sa chambre, le paysage de granit rose, poli par les vents, s’étendait à perte de vue. C’était il y a presque 35 ans. À cette période Fouzia, la maman de Brahim, nourrissait chaque matin les quelques chèvres et poules de la famille. Une fois les bêtes rassasiées, elle se rendait au milieu du village, là où se trouvait le puits pour tirer l’eau nécessaire à son potager. Le lopin de terre était circonscrit par un petit muret de briques d’argile. Ces dix mètres carrés, le lait et les œufs subvenaient aux besoins du foyer. Le chant et la musique en égayaient le quotidien.

La France 2025
Arthemis Johnson

Ce discours politique est un bon échantillon des discours innombrables qui étaient prononcés à l’époque sur la place publique par quantité de personnalités politik, hommes et femmes confondus, tous media confondus, media traditionnels, Radio, Télévision, Presse en papier et numérik, et même « rézo sociaux ». En effet, ce discours a été prononcé avant l’Interdiction Numérik, circonstance qu’il faut néanmoins rappeler pour saisir les enjeux de parole propres au discours avec précision. L’interdiction des rézo sociaux avait en effet été décidée rapidement dans la foulée de la promulgation du décret n°1873468 (« Décret de la Liberté ») qui traitait du Protocole de censure°7 mais ce discours n’avait pu en être frappé puisqu’il avait été prononcé en amont, bien avant même que le principe du protocole ait été abordé publiquement.

Communiqué urgent contre le gaspillage
Commune Antinationaliste de Zamora

Nous profitons de l’occasion de la parution du Communiqué urgent contre le gaspillage de la Commune Antinationaliste de Zamora aux éditions Crise & Critique, pour publier le prologue de Luis Andrés Bredlow à la dernière édition espagnole de cet ouvrage. La Commune Antinationaliste de Zamora fut un cercle vague de gens plutôt jeunes qui se réunissaient, dès les derniers mois de 1969, dans des bistrots parisiens autour d’Agustín García Calvo. Ces gens venaient des terres d’Espagne ; certains avaient fui la police et les prisons de la dictature, après avoir pris part aux actions de protestation des acrates de Madrid. Nous avions précédemment publié un entretien avec Agustín García Calvo intitulé « Contre le Temps et le Pouvoir », ainsi que la traduction de quelques-uns de ses articles et la recension de plusieurs de ses ouvrages. Nous renvoyons également le lecteur à l’entretien avec Luis Andrés Bredlow intitulé « Poésie contre l’État ».

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