Mélenchon: L’après Trump consiste à obéir à ses demandes ?

À mes yeux, les dépenses militaires ne sont pas la priorité de notre temps. Notre priorité devrait être d’augmenter considérablement nos capacités de résistance aux conséquences du changement climatique. La montée des tensions dans le monde est une politique délibérée. Elle provoque d’ores et déjà une montée en puissance des dépenses militaires qui sont une ponction considérable sur les moyens des États. Elle réduit d’autant la capacité d’action de la planification écologique et sociale dont les pays ont besoin. Ils pensent y trouver leur compte.

Le passage à l’économie de guerre a pour but aux USA comme en Europe d’ouvrir une ère d’expansion et d’accumulation sans risque pour les capitaux flottants dans le monde et l’énorme réserve d’épargne disponible. Dans le même temps, il s’agit de reconstituer une capacité productive industrielle. Cela après des années de délégation de toutes les productions manufacturières aux pays extérieurs dont les salaires et l’indifférence écologique permettaient une brutale diminution des coûts de production. Mais on est loin de partir de rien dans ce domaine. Les dépenses militaires dans le monde ont été de 2 400 milliards de dollars en 2023. Avant l’élection de Trump ! C’est l’équivalent de deux fois la richesse totale de 80 % des pays du monde ! L’économie de guerre est d’ores et déjà la base de l’économie productive aux USA qui auront dépensé presque mille milliards pour ce secteur.

En Europe, le cirque des va-t-en-guerre ne date pas d’aujourd’hui non plus. Il a déjà conduit au désastre de l’humiliation infligée par Trump à Zelensky et donc à tous nos pays qui avaient suivi la ligne politique des USA avant l’insupportable invasion russe. En Europe, la scène est désormais dominée par les déclarations grandiloquentes de ces derniers jours et la somme de huit cents milliards d’efforts de guerre, annoncée à grand bruit médiatique. Un examen sérieux montre un paysage moins chevaleresque que les fanfaronnades présidentielles.

Ce n’est pas nouveau. L’intervention de la présidente de la Commission européenne ne doit pas faire croire que les pays de l’union débarquent en matière de dépenses militaires. Depuis l’ordre de Trump de porter les dépenses militaires à 2 % de la richesse de chaque pays, quinze d’entre eux ont obtempéré en 2024. Il n’y en avait que dix, un an auparavant. Et il a même été créé en octobre 2024 un Commissaire européen à la Défense et à l’Espace, attribué à Andrius Kubilius, et une commission au Parlement européen. Sans aucun vote des parlements nationaux alors même que la Défense ne fait pas partie des attributions de l’Union ! Mais pour bien comprendre ce que veut dire l’ordre de Donald Trump de passer à 5 % de la richesse produite par l’Union pour acheter des armes, il faut bien se souvenir qu’il s’agit prioritairement des armes produites par les USA. D’ailleurs, au cours des cinq dernières années, 55 % des importations d’armes en Europe provenaient des États-Unis, contre 35 % dans la période 2014-2018. C’est dire le degré de rapidité à exécuter les ordres des USA sur le vieux continent. Comment s’étonner ensuite que Trump se croit en terrain conquis d’avance quand il parle à ceux qui lui obéissent toujours.

800 milliards européens ? C’est le chiffre de Trump. En effet, au moment même où les dirigeants et la presse française parlent d’un « ressaisissement européen », tout ce qui est annoncé s’inscrit avec précision dans le plan de demandes trumpistes. Voyez les chiffres. Le PIB de l’Union européenne est de 17 000 milliards d’euros. Dès lors, 5 % de ce PIB européen c’est donc bien 850 milliards d’euros. L’annonce de von der Leyen c’est donc pile la somme demandée par Trump !

Le budget militaire correspondant à la demande de Trump, c’est donc quatre fois et demie le budget annuel de l’Union européenne. Celui-ci s’élève en effet à 189 milliards en 2024. C’est quinze fois le budget de la Politique agricole commune. Ou bien cinquante-deux fois le budget européen de l’aide humanitaire (actuellement 16 milliards par an). Ou encore soixante-trois fois le budget européen de recherche (13,5 milliards par an).

Le contenu de ce plan fleure bon l’arnaque tout du long. La presse a claironné sans aucun recul le chiffre donné. Mais cette somme ne correspond à aucun « argent frais ». C’est aux États de fournir l’essentiel. Ils sont autorisés à dépenser 650 milliards sur leur propre budget. Et pour cela, ils ont le droit de s’endetter davantage. Von der Leyen permet 1,5 % au-delà de la sacro-sainte limite d’hier à 3 %. Von der Leyen n’a pas cherché à cacher cet aspect si habilement noyé dans le flot des bavardages ou des lignes médiatiques. « Avec jusqu’à 150 milliards d’euros, cela soutiendrait fermement les efforts déployés par l’UE pour parvenir à une augmentation rapide et significative des investissements dans les capacités de défense de l’Europe ». Notez comment la durée d’application de cette « dépense » reste bizarrement établie. Elle parle d’une dépense pour « aujourd’hui et au cours de cette décennie ». Ce qui ne correspond ni à un budget annuel, ni à la durée de la programmation budgétaire de l’Union.

Avant d’aller plus loin, attardons-nous quelques lignes sur les merveilleux emprunts décidés par l’Union européenne. Pour faire face aux conséquences de la Covid, l’UE a emprunté pour la première fois 390 milliards d’euros pour les distribuer. La France a touché par ce moyen 40 milliards d’euros. Mais l’emprunt est à la fin du cycle de remboursement bien coûteux pour les Français. Car notre pays rembourse sur sa part au budget européen. Elle a donc à sa charge 17 % de la somme empruntée et distribuée à l’ensemble des États. Cela signifie que pour 40 milliards reçus, nous payons 66 milliards ! Soit 26 milliards d’euros de plus que nous aurons reçus, quand tout sera remboursé. Rappelons qu’à l’époque, les « pays égoïstes » avaient refusé de créer une nouvelle recette (droits de douanes, taxe européenne sur les gros patrimoines…) pour financer l’emprunt !

Donc 150 milliards d’emprunt vont nous coûter très cher. En tout cas, cela place la somme annuelle à un niveau sans rapport avec les gesticulations des va-t-en-guerre : 15 milliards annuels. C’est un milliard de moins que l’aide humanitaire…. Étonnant, non ? C’est donc que ce plan est surtout un emballage. Les six cent cinquante milliards dépensés par les nations sont l’essentiel. Ce sont eux qui feront l’arbitrage entre les dépenses qu’ils engageront. C’est-à-dire entre l’école et les canons, entre les soins et les munitions et ainsi de suite. Et si l’on veut aller plus loin dans l’analyse de l’objectif de ce plan, il reste à comprendre combien en réalité l’essentiel est attendu d’ailleurs par la caste européenne.

La guerre doit être une bonne affaire. Un placement intéressant. Von der Leyen est claire et nette sur ce point « Il est indispensable de stimuler nos investissements publics. Mais ce ne sera pas suffisant en soi. Nous devons veiller à ce que nos entreprises, nos industries, aient le meilleur accès possible au capital, au financement, afin d’apporter leurs solutions à l’échelle industrielle et d’assurer un financement optimal tout au long de leurs chaînes de production, de la R & D à la livraison ». L’Union va donc faire les yeux doux au capital financier. « Nous avons discuté de la question à plusieurs reprises » avoue madame Von der Leyen. « Nous devons veiller à ce que les milliards d’économies réalisées par les Européens soient investis sur les marchés à l’intérieur de l’UE. Pour ce faire, l’achèvement de l’union des marchés des capitaux est absolument primordial. Elle pourrait, à elle seule, attirer des centaines de milliards d’investissements supplémentaires par an dans l’économie européenne, renforçant ainsi sa compétitivité ». En une phrase, beaucoup est dit des finalités financières de l’économie de guerre européenne. « C’est le moment d’agir. Nous présenterons une communication sur une union de l’épargne et des investissements », conclue-t-elle avant de surligner son injonction aux États membres : « Je compte sur votre soutien indéfectible pour une action rapide ».

En France, il s’agit de passer à 90 milliards par an pour la défense, selon le ministre de la Défense. Dans ce contexte de va-t-en-guerre, c’est un budget annuel en surmultiplié pour répondre à des besoins militaires d’ailleurs jamais défini. Encore une fois, un chiffre en milliards parle peu. Il faut donc comparer pour s’en faire une idée. Ici, 90 milliards, c’est quatre fois et demie le budget de l’écologie (21 milliards), trois fois le budget de la recherche (26,7 milliards) mais surtout, c’est l’équivalent d’une fois et demie tout le budget de l’Éducation nationale (63 milliards)…

L’Ukraine est-elle vraiment l’objectif de l’économie de guerre en Europe ? Je ne le crois pas. Une fois le sort de ce pays réglé avec ou sans son accord selon l’humeur de Trump et Poutine, la partie fondamentale reprendra son cours. Von der Leyen a montré le bout de son nez sur le sujet. C’est sans équivoque. « Nous ne devons pas non plus oublier le rôle joué par les États non européens qui reconnaissent les enjeux et non seulement partagent nos valeurs, mais montrent leur volonté de les défendre. Les États-Unis ont ouvert la voie, avec l’Australie, le Canada, le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et bien d’autres. C’est un rappel pour nous que la démocratie n’a pas de distance ». Cette liste, c’est celle des nouveaux alliés contre la Chine autour des USA. Quand tout le monde sera prêt et en ordre de marche, nous allons vivre le deuxième épisode de la stratégie trumpiste. Question pour l’instant sans réponse : de quel côté seront alors les Russes ?

Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*