Nous reproduisons un article de notre camarade Martin Gallé , québécois, sur la tournée nord-américaine de JL Mélenchon. En tant que québécois, il n’a rien demandé à JL Mélenchon qui est venu déclarer sa disponibilité à intervenir avec des bâtons, des pierres (et de la peau de léopard ?), tout en constatant que rien de tel ne lui est venu à l’esprit envers les Ukrainiens. Les lecteurs français ne manqueront pas de remarquer que, bien entendu, le modèle de JL Mélenchon est Mongénéral De Gaulle et son « vive le Québec libre ». Les internationalistes jugeront que contre Trump et Poutine, ce genre de propos ne va pas dans le sens de l’alliance des peuples américain, mexicain, canadien, québécois, groenlandais, et fait donc leur jeu.
La rédaction.
Le 16 avril 2025, Québec solidaire (QS) a reçu Jean-Luc Mélenchon, le chef du parti La France Insoumise (LFI) dans le cadre d’une conférence intitulée « Battre les droites ». Le leader insoumis a en effet décidé de faire une pause à Montréal. Pas trop longtemps cependant, le temps « de prendre sa respiration » et « de plonger aux États-Unis » présente son dernier livre où « toute une partie de la population reste dans l’ignorance sans ça » (1’48). Il y a donc une urgence internationale.
Mais pour l’ancien sénateur socialiste, il était hors de question de ne pas s’arrêter au Québec pour lequel il a une « affection irraisonnée », qu’il attribue au « tempérament anti-américain » et à la résistance aux « gringos » des Québécois·es. Une halte s’imposait alors pour apporter « un soutien efficace et affectif au Canada et à nos cousins québécois exposés aux menaces d’annexion par leur voisin les USA » ( Radio Canada ).
Après des entretiens dans les médias locaux et une conférence à l’Université McGill, où il est ovationné, plusieurs centaines de personnes sont donc venues l’écouter le 16 avril, en compagnie de la porte-parole de Québec solidaire, Ruba Ghazal.
Et pour reprendre son message, si on veut « Battre les droites », il faut réfléchir avant de voter, « ne pas oublier ses convictions dans l’isoloir » et surtout ne pas voter pour les socio-démocrates comme, Kamala Harris « qui n’est pas de gauche » ; au contraire, la candidate démocrate est un « moindre mal qui reste quand même du mal » (1’23, McGill)… C’est donc une stratégie simpliste, strictement électoraliste, qui concrètement et explicite fait aveuglement la politique du pire que nous suggère de suivre M. Mélenchon afin de battre les droites. Et de nouveau, celui qui n’a jamais réussi à s’imposer face à l’extrême droite lors des élections présidentielles françaises, a eu droit à une standing ovation, de la part de nombreux militant·es de Québec solidaire cette fois-ci.
Il est cependant loin d’être établi que la gauche étasunienne et les victimes du néofascisme de Trump (aux États-Unis, en Afrique, au Groenland et même en Palestine, où ça pouvait pourtant difficilement être pire) comprennent et souscrivent à une telle stratégie électorale ; c’est du moins ce que semblent attester les millions de personnes descendues dans la rue dans toutes les villes étasuniennes au mois d’avril, en s’organisant à la base ( Federal Unionist Network , Hands Off, FiftyFiftyOneMovement ), sans même avoir lu le livre de M. Mélenchhon, sans attendre les prochaines élections comme il le suggestions, sans attendre les appels des dirigeants politiques, sans attendre les appels des centrales syndicales nationales encore largement silencieuses et invisibles.
Il est également très peu probable que M. Mélenchon et ses conseils stratégiques pour battre les droites, reçoivent le même accueil enthousiaste de la partie de la gauche en Ukraine, dont 20% du territoire n’est pourtant pas seulement « menacé » mais potentiellement annexé par la Russie. En trois heures de conférence à Montréal sur la situation internationale et sur la manière de « Battre les droites », le leader insoumis n’a pas estimé nécessaire d’adresser ne serait-ce qu’une seule critique au régime fasciste de Poutine. Au contraire, il a trouvé du temps et il était important de prendre sa défense en soulignant qu' » on » accusait à tort la Russie d’avoir fait sauter le gazoduc Northstream. Certes, « on » ne sait pas qui a saboté ce gazoduc. Mais à l’écouter, les ukrainiens pourraient facilement penser que pour M. Mélenchon, V. Poutine n’est pas le représentant d’une droite à battre également. En tout cas, dans son plan pour « Battre les droites », la lutte contre le néofascisme russe n’est clairement pas sa priorité.
De fait, ce même M. Mélenchon qui condamne aujourd’hui les menaces d’annexion de D. Trump, se réjouissait de l’invasion de la Crimée par Poutine en 2014 (« La Crimée est perdue pour l’OTAN. Tant mieux »). Et, en février 2022, soit quelques jours à peine avant l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par l’armée russe, il déclarait avec son aplomb légendaire que la Russie était un partenaire « fiable » et que l’agresseur « l’OTAN était sans aucun doute ! ».
Depuis, au-delà de l’enfumage médiatique, lui et son parti s’opposent méthodiquement à toute solidarité armée avec l’Ukraine, parfois au nom de la paix et des négociations, parfois au nom du non-alignement, parfois au nom des coûts du chauffage des français et parfois, sans honte, au nom des ukrainiens eux-mêmes. Et tant pis pour les camarades ukrainiennes, socialistes, féministes, LGBTQIA+, syndicalistes qui ne cessent quant à eux et elles de réclamer des armes pour se défendre, pour résister à l’envahisseur et se protéger des missiles et des drones qui pleuvent chaque jour sur les villes ukrainiennes. Peu importe ce que penser et revendiquent les premiers concernés, la paix internationale selon M. Mélenchon est à ce prix.
Curieusement ou de manière « irraisonnée » pour reprendre son terme, M. Mélenchon affirme que pour « nous », il est cependant prêt à renoncer à tous ses principes, à abandonner le non-alignement, le pacifisme, les négociations et à se battre à nos côtés, les armes à la main. Et cette fois-ci sans peur de menacer la paix internationale, sans crainte des risques d’escalade qui découlent logiquement d’une confrontation avec une puissance nucléaire et sans même s’inquiéter des risques d’explosion des coûts du chauffage pour les ménages français…
Pourquoi ? Parce qu’il ne tolère pas que Trump nous « parle comme ça » ; lui qui, toute honte bue, affirme désormais contribuer à « résister » à l’invasion russe en Ukraine :
« Nous nous sommes en train de résister à l’invasion de l’Ukraine par les Russes, c’est pas pour soutenir l’invasion du Canada par les États-Unis d’Amérique. Hum… Donc prenez le, si vous voulez, [comme] un message de solidarité et d’affection avec vous. Voilà, avec des bâtons et des pierres, on viendra vous aider ! » ( 3’48 )
Au-delà de ce nouveau statut autoproclamé de résistant à l’invasion russe, de ces fanfaronneries et du paternalisme qui ne manquent pas d’agacer, comment expliquer cette solidarité internationale à géométrie variable ? Comment expliquer un tel soutien pour le Québec, avant même que quiconque lui demande quoi que ce soit, et cette méprisable et irresponsable indifférence pour les revendications et les appels à l’aide militaire, répétés et continus quant à eux , de la part de la gauche ukrainienne, des féministes, des mouvements LGBTQIA+ etc. Comment expliquer qu’il soit prêt à prendre des bâtons et des pierres pour défendre le Québec contre Trump mais qu’il refuse de lever le petit doigt contre Poutine ?
À l’entendre s’exprimer au Québec, on ne peut faire que des hypothèses : un racisme anti-ukrainien ? La conviction que seul l’impérialisme et le néofascisme trumpien sont réels et dangereux ? Une forme « d’anti-américanisme » primaire, qui homogénéise la population étatsunienne et qui explique pourquoi il se garde bien d’évoquer ici les cinq à six millions de manifestant·es qui sont descendu·es dans les rues étatsuniennes ces derniers jours ? Une confusion irraisonnée ?
Dans tous les cas, l’absence de solidarité armée avec la gauche ukrainienne constitue un renoncement au fondement du socialisme, au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à l’internationalisme. Et ce renoncement, mine très concrètement la nécessaire et urgente construction de solidarités entre les forces progressistes pour « battre les droites », pour lutter contre l’axe Trump/Poutine et plus largement pour affronter cette Internationale néofasciste qui, quant à elle, a rarement constaté aussi puissante et unie, que ce soit pour massacrer les ukrainiennes, les palestiniennes ou quiconque s’oppose à leur projet d’accommodement et de partage du monde.
Martin Gallié
20 avril 2025
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