Le revirement de Trump mercredi soir sur les tarifs douaniers ne saurait s’analyser en termes de « stratégie transactionnelle » et autres gloubi-boulga pour étudiants en école de commerce immatures. Quelle que soit la conscience que Donald a, ou pas, de ses actes, ce qui n’est pas l’aspect le plus important de la situation, c’est en fait un recul, qui va l’affaiblir tout en ne réglant rien.
Le fait financier le plus important qui a pris une ampleur majeure dans la journée de mercredi ne concerne pas les marchés d’actions, mais les marchés obligataires : des ventes massives de bonds du Trésor US, entraînant une hausse de leurs taux, ont marqué une défiance sans précédent historique envers la sécurité que peuvent assurer les États-Unis au capital financier, dont ils sont pourtant encore l’épicentre mondial. La presse financière peine à identifier les vendeurs : la Chine sans aucun doute puisqu’elle est – pour combien de temps encore ? – le premier possesseur de titres de dette US, le Japon, et des hegde funds de tous les pays. Et dans la mesure où les impérialismes européens ne se décidaient nullement à affronter Washington, la même défiance globale les atteignait aussi.
On n’en parle guère, mais Washington, ou plutôt Wall Street, s’est donc pris un coup au portefeuille et à sa crédibilité d’emprunteur planétaire absolument sans précédent, ce qui confirme la nature fondamentale de la crise présente. L’affirmation de suprématie trumpiste commençait à se retourner en démonstration de faiblesse.
La crise au sommet à Washington grandissait d’heure en heure, la partie visible étant les sorties de Musk contre cette politique et contre le gourou de Trump en matière commerciale, un doux escroc du nom de Peter Navarro. Pour éviter une explosion prématurée de la structure bonapartiste triumvirale (Trump/Musk/Vance) qui, en dehors de tout cadre constitutionnel, forme l’exécutif US actuel, Trump a non seulement fait machine arrière, mais il a, ce qui est tout naturel pour lui, informé à l’avance Musk et une phalange de milliardaires de ce qu’il préparait, s’assurant ainsi leur fidélité provisoire par ce délit d’initié d’une ampleur gigantesque, à l’origine de gains formidables encaissés mercredi soir, en dizaines de dizaines de milliards de dollars.
En toile de fond, n’oublions surtout pas la lame de fond qui monte d’en bas : selon les réseaux du Federal Unionist Network, qui ont, eux, fait le décompte, il y avait 5,1 millions de manifestants aux États-Unis samedi 5 avril, et ils discutent de recommencer.
Par contre, la guerre commerciale se centralise contre la Chine, avec des taux douaniers qui sont, à ce jour, de 125% côté américain et de 84% côté chinois. Le plan est d’isoler la Chine, de la couper des impérialismes européens avec lesquels elle avait pris langue, et de l’Asie du Sud-Est où Vietnam, Indonésie et autres États de la région mendient des négociations avec l’ogre de Washington : l’ASEAN (Association des États d’Asie du Sud-Est) semble capituler, à suivre.
La situation est difficile pour l’État chinois, où Xi Jinping n’est pas apparu en public depuis plusieurs jours. Mais cette polarisation contre la Chine entre en contradiction avec la stratégie américaine visant à séparer Russie et Chine en livrant l’Ukraine à Poutine. La publicité faite, juste à ce moment, par le gouvernement ukrainien, sur la présence de soldats chinois dans l’armée russe – qui piétine – au Donbass – probablement des Chinois recrutés en Sibérie -, tombe à pic …
Au lendemain du « retournement », les bourses ont remonté, mais sont loin d’avoir récupéré les pertes des derniers dix jours. Tous les indices d’instabilité et de peur sont au maximum. La hausse des rendements des bonds du Trésor US, signe de leur vente massive, ne s’est pas retournée, elle. Et la reprise à Wall Street tout à l’heure à 15h 30, heure de Paris, s’est faite en baisse.
Rien n’est réglé, la dislocation du marché mondial et l’accentuation de toutes les contradictions inter-impérialistes ne se rembobineront pas mais vont de poursuivre avec des convulsions et des va-et-vient divers.
Dans ces quelques jours, une chose est très bien apparue : l’incapacité des impérialismes européens à s’unir et à contre-attaquer. Même la hausse des dépenses militaires officiellement motivée par le lâchage américain est en fait tout autant, voire plus, une obéissance à l’injonction de hausser ces dépenses en achetant des armes US …
Du point de vue des peuples et de la démocratie, le fait qu’un seul homme, un abruti, puisse causer de telles convulsions est un signe d’une barbarie qui doit être abrogée. L’Axe Trump/Poutine produit et va produire la levée en masse contre lui, celle des peuples. C’est cela, l’avenir.
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