Leader d’un groupe néofasciste et fils du directeur de la police nationale

Leader d’un groupe néofasciste et fils du directeur de la police nationale : pour la Place Beauvau, « il n’y a pas de sujet »

StreetPress a révélé que le fils de Louis Laugier, directeur général de la police nationale, a cofondé un groupuscule violent à Nantes. Questionné par Mediapart, le ministère de l’intérieur n’y voit pas de problème. En revanche, il annonce à Mediapart l’interdiction de la marche néonazie du Comité du 9 mai, prévue le 10 mai à Paris.

Youmni Kezzouf

Peut-on diriger la police nationale quand son fils est l’un des leaders d’un groupuscule néofasciste, qui appelle à participer à une manifestation interdite par la préfecture ? Ou qui organise des conférences avec des membres de groupes d’extrême droite dissous par le ministère de l’intérieur ?

D’après les révélations de StreetPress, c’est la situation dans laquelle se trouve Louis Laugier, directeur général de la police nationale (DGPN). Choisi par Bruno Retailleau au mois d’octobre 2024, cet ancien préfet de l’Isère, décrit par un ancien collègue comme « très conservateur » et « très à l’ancienne », est aussi le père de Stanislas Laugier.

Militant actif de l’extrême droite radicale nantaise, ce dernier est le cofondateur de la Ligue ligérienne, dont il est aujourd’hui secrétaire général, d’après les statuts de l’association publiés par le site d’investigation. Organisation néofasciste fondée en 2020, la Ligue ligérienne se décrit comme une « communauté nantaise enracinée » et fonctionne comme ses homologues qui pullulent dans diverses villes françaises.

Le directeur général de la police nationale, Louis Laugier, à Paris, le 7 janvier 2025. © Photo Ludovic Marin / Pool / AFP

Outre l’organisation de maraudes pour donner un vernis social à son action, la Ligue ligérienne articule son action militante autour d’entraînements aux sports de combat, de conférences avec d’autres membres des sphères radicales et des rencontres avec l’écosystème groupusculaire d’extrême droite.

Sur la page Instagram du groupuscule, on peut ainsi voir des militants participer à un gala de boxe organisé par le groupe néofasciste rennais l’Oriflamme. La Ligue ligérienne disposait également d’un stand au « forum de la justice sociale » organisé par le groupe Lyon populaire le 8 mars, aux côtés d’un aréopage de représentants de groupuscules venus de toute la France. Une réunion qui était pourtant interdite par la préfecture du Rhône, tout comme le concert de rock néonazi qui devait clore l’événement.

Des habitués du rassemblement néofasciste C9M

Il y a quelques semaines, c’est une conférence de la Ligue ligérienne qui était interdite par la préfecture de Loire-Atlantique. Elle devait accueillir Jean-Eudes Gannat, figure angevine de l’extrême droite radicale qui prône « la sécession » face à une France « en état de mort cérébrale ». Le groupe de l’intéressé, l’Alvarium, a été dissous en 2021 sur décision du prédécesseur de Bruno Retailleau, Gérald Darmanin. En cause : ses appels « à la violence et à la discrimination » et un « discours de haine assumée », comme le précisait le décret de dissolution.

Malgré cela, le groupuscule de Stanislas Laugier a bravé l’interdiction, permettant à Jean-Eudes Gannat de disserter sur le populisme devant ses sympathisants. « Ils veulent nous bâillonner ? Nous ferons condamner l’État pour excès de pouvoir », annonçait-il alors, après avoir demandé – en vain – à Bruno Retailleau d’intervenir pour autoriser la conférence.

En mai 2024, la Ligue ligérienne avait aussi appelé à participer à la marche du Comité du 9 mai (C9M) à Paris, rassemblement néofasciste qui voit chaque année des centaines de militants cagoulés défiler sous des croix celtiques dans les rues de la capitale en scandant « Europe, Jeunesse, Révolution ». L’an dernier, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, avait pris un arrêté d’interdiction pour « prévenir les risques de désordre et les atteintes à l’ordre public », avant que le tribunal administratif autorise finalement la manifestation.

Les associations qui ont des idées radicales ne sont pas interdites en France. S’il y avait un délit ou des poursuites, la question se poserait.

L’entourage de Bruno Retailleau

En 2023, Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur, avait annoncé avoir « donné comme instruction au préfet de police » de « prendre des interdictions » pour toute demande émanant de « militants d’ultradroite ou d’extrême droite » après le C9M. La manifestation avait été marquée par des intimidations et des menaces proférées à l’encontre de plusieurs journalistes qui couvraient l’événement, dont un photographe de Mediapart.

Le 10 mai, des militants néofascistes venus de toute la France devraient à nouveau converger vers Paris pour la marche du C9M, qui annonce depuis plusieurs semaines l’événement sur les réseaux sociaux. À l’Assemblée nationale, le 18 février, Bruno Retailleau avait assuré que « [s]on bras ne faiblira pas lorsqu’il faudra dissoudre des groupes qui pratiquent la violence, de l’extrême droite comme de l’ultragauche » après une question sur l’attaque d’une projection de film par un groupe néonazi. Contacté, le cabinet du ministre de l’intérieur annonce que la manifestation néofasciste du C9M sera de nouveau interdite cette année.

La Place Beauvau balaye également toutes les questions concernant les révélations de StreetPress sur le fils du directeur de la police nationale, considérant qu’« il n’y a pas de sujet Laugier dans cette affaire ». « Le DGPN n’est pas responsable de ce que pense ou dit son fils de 33 ans, indique l’entourage de Bruno Retailleau. Dans ses fonctions actuelles ou passées, il n’y a jamais eu le moindre soupçon d’impartialité ou d’influence politique sur ses activités. »

Relancé sur l’activité militante de la Ligue ligérienne, qui appelle à participer à des manifestations interdites ou organise des formations avec un groupe visé par une procédure de dissolution, le cabinet minimise : « Les associations qui ont des idées radicales ne sont pas interdites en France. S’il y avait un délit ou des poursuites, la question se poserait. Si la conférence à Nantes avait finalement été autorisée parce qu’il y avait le fils du DGPN, là ça aurait posé souci mais ce n’est pas le cas. » Également sollicitée, la direction de la police nationale n’a pas donné suite.

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