
Trop occupé pour s’occuper des pauvres
Tout au long de son pontificat qui aura duré 12 ans, le pape François n’aura jamais flanché dans sa volonté de lutter contre la corruption au Vatican. Mais lancer des réformes s’est révélé être un véritable parcours du combattant au regard des affaires qui ont secoué l’État.
Par Alexis Fargeaudoux
Publié le
Le Vatican est un tout petit État rempli de secrets. Le pape François est mort, ce lundi 21 avril dans la matinée, à l’âge de 88 ans. Lors de son pontificat qui aura duré 12 ans, un «scandale» de corruption a secoué le Vatican, ce qui a conduit à l’ouverture d’un procès inédit en 2021. Dans les faits, Giovanni Angelo Becciu, ancien cardinal et proche du souverain pontife, est impliqué dans une affaire de financement opaque, alors qu’il était numéro 2 de la secrétairerie d’État, explique Vanity Fair.
Deux ans auparavant, des doutes ont surgi quand la justice du Vatican s’est penchée sur l’investissement de plus de 150 millions d’euros de la part du dicastère dans un immeuble, à Londres, en 2012. Les chefs d’accusation sont alors détournement de fonds, abus de pouvoir et subornation de témoin. Giovanni Angelo Becciu clame son innocence et s’estime «victime d’un complot», rapporte Le Monde. Or, les faits sont confirmés par le pape François. «On a fait des choses qui n’étaient pas propres», déclarait-il en 2019.
22 millions d’euros saisis sur fond de transferts douteux
Après ce scandale et l’affaire des fuites appelées «Vatileaks» avec notamment des trafics d’influence et des détournements de fonds, le pape François souhaite lancer des réformes pour plus de transparence dans les finances du Vatican. Cette volonté a été marquée par la création d’un secrétariat de l’économie en 2014, puis par la fermeture de 5 000 comptes suspects dans la Banque du Vatican, ainsi que l’encadrement des appels d’offres. Dans le même temps, le Vatican a dû s’adapter aux règles de l’Union européenne en matière de blanchiment d’argent. En effet, en 2010, une enquête du parquet de Rome est ouverte sur la Banque du Vatican. Résultat : 22 millions d’euros sont saisis sur fond de transferts douteux.
Le patrimoine de ce petit État, constitué surtout de nombreux trésors culturels mais aussi d’investissements dans des entreprises ou l’immobilier, attire particulièrement l’attention sur la nature exacte de chaque mouvement d’argent. Néanmoins, lancer des réformes se révèle être une chose ardue au Vatican. Le projet de Jorge Mario Bergoglio, de son vrai nom, a été un combat de tous les instants. Et pour cause, «ses ennemis sont notamment les conservateurs américains qui ne l’aiment pas car il serait trop moderne, trop de gauche», révélait le journaliste italien Gianluigi Nuzzi dans son livre intitulé Jugement dernier.
Pouvoir : Les finances du Vatican, entre scandales et pêchés inavouables
En septembre 2020, lorsque la presse italienne avait révélé le dossier, Giovanni Angelo Becciu a démissionné de ses fonctions, et renoncé à tous ses droits liés au cardinalat. Pour les journalistes, cette décision fut en réalité une sanction appliquée en lien avec l’affaire. Depuis, l’ancien cardinal clame son innocence et s’estime « victime d’un complot », en plus d’être cloué au « pilori médiatique », précise Le Monde. Les faits sont pourtant bien là, et confirmés par le pape François lui-même. « On a fait des choses qui n’étaient pas propres », avait déclaré en 2019 le souverain pontife à la presse, confirmant l’existence d’un « scandale » de corruption au sein du Vatican.
Ce procès entre dans le cadre de profondes réformes lancées par le pape François pour plus de transparence dans les finances du Vatican. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Jorge Mario Bergoglio, de son vrai nom, avait été élu en 2013. Sept ans plus tard, le projet est encore en cours. Si le Saint-Père rencontre quelques résistances avec certaines toges, il n’en est pas moins déterminé à faire le ménage. Et ce n’est pas de tout repos : en 2017, il confiait alors que réformer la curie romaine revenait à « nettoyer le Sphinx d’Égypte avec une brosse à dents ». Un travail titanesque, donc, enclenché d’abord par la création d’un secrétariat de l’économie en 2014, puis par la fermeture de 5 000 comptes suspects dans la Banque du Vatican, et l’encadrement des appels d’offres.
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Toutes ces réformes font suite à l’affaire des fuites appelées « Vatileaks », révélées en deux temps. D’abord en 2012 par le biais de centaines de document relatifs à la gestion financière de la cité papale, puis en 2015 avec des documents de la commission chargée de remettre la transparence dans la gestion financière de l’État. Au programme, entre autres : trafic d’influence et de corruption, et mauvaise gestion de la Banque du Vatican. À cela s’ajoute des détournement de fonds, comme celui organisé par Tarcisio Bertone. Dans son ouvrage, le journaliste Emiliano Fittipaldi a révélé comment le cardinal a détourné près de 200 000 euros prévus pour la Fondation de l’Enfant Jésus, qui récolte des dons à destination des enfants malades, pour financer les travaux de son appartement à Rome.
Mais, depuis près de 10 ans, l’étau se resserre autour des activités douteuses opérées dans l’État. Dans la foulée des « Vatileaks », en 2013, l’Italie avait bloqué l’usage de la carte de crédit au Vatican, car des soupçons s’étaient levés sur le manque de transparence financière de la cité. Fait rarissime, la Banque d’Italie avait ordonné à la Deutsche Bank de ne plus alimenter les guichets automatiques, car elle estimait que le contrôle en matière de blanchiment d’argent n’était pas optimal.
Le Vatican a longtemps évolué comme un État à part. Si la monarchie absolue qui le dirige caractérise bien sa singularité, il a dû toutefois s’adapter, notamment aux règles de l’Union européenne en matière de blanchiment d’argent, rappelle Courrier international. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe a enchaîné les traités et les accords bancaires, sans le Vatican et son régime particulier. Au fil des années, les institutions laïques se sont cependant accordées pour considérer l’Église catholique comme une multinationale à part entière. L’impunité qui régnait entre les murs du petit État a officiellement pris fin en 2010 avec l’ouverture d’une enquête du parquet de Rome sur la Banque du Vatican : 22 millions d’euros y avaient été saisis sur fond de transferts douteux. Les comptes ont ainsi été passés au peigne fin et l’institution avait déclaré qu’il fallait traiter et surveiller les affaires de la cité papale comme n’importe quel autre pays.
Il faut dire que les ressources du Vatican sont multiples et leur valeur totale est un véritable mystère. Une bonne partie des revenus de l’État sont issus du tourisme, grâce notamment aux curieux qui foulent les sols des musées, des jardins, de la poste et de la pharmacie du Vatican, ainsi que du service téléphonique. Estimé à environ 10 milliards d’euros, le patrimoine du Vatican est constitué entre autres de nombreux trésors culturels, sculptures et peintures compris, mais aussi de différents investissements dans des entreprises ou l’immobilier. De quoi attirer l’attention sur la nature exacte de chaque mouvement d’argent et pousser à l’enquête.
Toutefois, percer les secrets du Vatican n’est pas chose facile, tout comme lancer des réformes. Dans son ouvrage intitulé Jugement dernier, le journaliste italien Gianluigi Nuzzi, à l’origine des « Vatileaks », revient sur le combat du pape François pour éviter la faillite, et précise qu’il est entouré de bon nombre d’ennemis. « Les gens qui ont intérêt à faire des affaires pas claires et qui s’en foutent de l’Évangile, au sein même de la curie romaine, vont s’unir avec ceux qui critiquent la ligne théologique du pape. Ses ennemis sont notamment les conservateurs américains qui ne l’aiment pas car il serait trop moderne, trop de gauche. » Et d’ajouter : « Le pape continuera parce qu’il n’y a plus de temps. Il faut faire vite. » C’est dit.
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