
Texte du Canard Enchaîné : 𝐋’𝐈𝐧𝐬𝐨𝐮𝐦𝐢𝐬𝐞 𝐒𝐨𝐩𝐡𝐢𝐚 𝐂𝐡𝐢𝐤𝐢𝐫𝐨𝐮 𝐧𝐨𝐮𝐬 𝐫𝐞𝐬𝐬𝐞𝐫𝐭 𝐬𝐚 𝐬𝐚𝐥𝐚𝐝𝐞 𝐫𝐮𝐬𝐬𝐞 (publié le 20 mai 2025)
Les démentis offusqués de la députée LFI de Paris n’y changent rien : c’est bel et bien à l’appel d’une association poutinophile et bien peu fréquentable qu’elle a défilé le 8 mai dans la capitale. Députée LFI de Paris, Sophia Chikirou a cru pouvoir claquer le bec du « Canard » après la publication de l’article « Une Insoumise chez les poutinistes ». Le jour même, la parlementaire s’insurgeait sur X, assurant qu’elle n’avait jamais participé à la moindre manifestation pro-Kremlin, le 8 mai à Paris. Et d’ajouter, sur un ton furibard : « Vous auriez pu “enquêter” et vous auriez découvert que deux manifestations différentes, à des heures différentes, [avaient] eu lieu. » Sa diatribe a été reprise illico par son compagnon, Jean-Luc Mélenchon, et par quelques huiles du parti, comme Manuel Bompard et Ersilia Soudais. Mais, puisque Sophia Chikirou et ses amis tiennent tant que ça à mettre les points sur les « i », allons-y !
𝐃𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐞𝐬 𝐛𝐨𝐭𝐭𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐏𝐨𝐮𝐭𝐢𝐧𝐞
Premier constat : s’il y a bien eu deux manifs différentes à deux heures d’intervalle − sur le même parcours reliant la République au Père-Lachaise −, elles étaient toutes deux aussi infréquentables et poutinistes. L’une était organisée à partir de 13 heures par, entre autres, le parti du complotiste et éternel candidat à l’élection présidentielle Jacques Cheminade. L’autre, à 11 heures, s’est élancée à l’appel du Conseil francilien du Mouvement de la paix. Ce groupe local − bien plus radical que la direction nationale du mouvement − passe son temps à dénoncer le soutien occidental à l’Ukraine, tout en reprenant nombre de thèmes de propagande chers au Kremlin. Et c’est à l’invitation de ce Conseil francilien que Sophia Chikirou a rejoint le rassemblement au Père-Lachaise.
Les deux cortèges se sont tenus sous la même dénomination de « Marche du Régiment immortel ». Il s’agit du détournement à des fins de propagande d’une coutume soviétique née dans les années 60, qui voyait des familles de militaires tués au front défiler pour l’anniversaire de la capitulation nazie en brandissant les photos de leurs ancêtres soldats. Comme l’explique l’historienne Galia Ackerman dans « Le Régiment immortel » (Premier Parallèle), Poutine a repris cette tradition pour la transformer en une manifestation de soutien au régime.Présentée comme « un hommage à des combattants alliés et résistants de tous les pays, et aux victimes du nazisme », la manif à laquelle participait Chikirou n’était pourtant accompagnée quasiment que d’emblèmes russes et soviétiques. C’est d’ailleurs devant les couleurs de la Russie claquant au vent que la députée a prononcé un petit laïus inspiré de la doxa poutinienne, dénonçant comme « une provocation » le projet d’adhésion de l’Ukraine à l’Otan et à l’Union européenne.
𝐆𝐚𝐥𝐥𝐚𝐬, 𝐬𝐨𝐧 𝐮𝐧𝐢𝐯𝐞𝐫𝐬 𝐢𝐦𝐩𝐢𝐭𝐨𝐲𝐚𝐛𝐥𝐞
Nombre de participants présents à l’une ou l’autre des manifs arboraient aussi le ruban de Saint-Georges, un colifichet à connotation tsariste que les partisans de Poutine portent ostensiblement dans les manifestations. Yves-Jean Gallas, l’actuel secrétaire et ancien président du Conseil francilien du Mouvement de la paix, ne fait pas mystère de l’idéologie sous-tendant les Marches du Régiment immortel, qu’il organise à Paris depuis… l’invasion de la Crimée par Poutine, en 2014. Le 1er mai, sur le site Internet Portail russe, animé par des nostalgiques de l’URSS, il a tout déballé. Pour lui, les territoires ukrainiens du Donbass revendiqués par Moscou sont russes, et il n’y a qu’une chose à dénoncer : les bombardements menés par l’armée de Kiev.
Au passage, Gallas qualifie l’Otan de « plus grand fauteur de guerre », sans élever de critique contre le camarade Vladimir. Il reprend à son compte de vieilles rengaines complotistes et antisémites, accusant l’Otan d’avoir mis au point « un plan d’encerclement, d’endiguement de la Russie, depuis au moins trente ans ». Avec l’aide, ajoute-t-il, des anciens conseillers des présidents américains, comme « Kissinger, Brzezinski »… sans oublier le milliardaire George Soros, l’une des cibles préférées des discours antijuifs au sein des sphères conspirationnistes.
Gallas se vante encore d’avoir organisé des conférences anti-Otan et pro-Kremlin « avec Michel Collon, d’Investig’action ». Ce propagandiste et complotiste belge présente un joli pedigree : chroniqueur pour Russia Today − chaîne de télé contrôlée par Moscou −, il siège au conseil consultatif de Tele Sur, une chaîne vénézuélienne créée par l’ancien président Hugo Chávez. En mai 2015, il avait affirmé que les frères Kouachi, auteurs des attentats contre « Charlie Hebdo », avaient été armés par… « Fabius et ses amis ».
Par Hervé Liffran et Jérôme Canard
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