
L’ancien chef d’état-major et ex-ministre de la Défense israélien Moshe Ya’alon a vivement critiqué ce jeudi 8 mai la conduite de l’armée israélienne à Gaza, reflétant une prise de position de plus en plus répandue chez les officiers supérieurs en réserve de Tsahal.
Dans une longue interview à la chaîne de télévision de Ynet, le média le plus populaire en Israël, le général Ya’alon a attaqué frontalement le chef d’état-major actuel, le général Eyal Zamir, l’accusant de ne pas avoir empêché l’élargissement de l’opération militaire dans la bande de Gaza, approuvé la semaine dernière par le gouvernement de Benyamin Nétanyahou.
Ya’alon a qualifié la reconquête de Gaza voulue par Nétanyahou d’«ordre manifestement illégal marqué d’un drapeau noir», faisant référence à une célèbre jurisprudence de la Cour suprême israélienne rendant obligatoire pour tout soldat ou fonctionnaire de refuser tout ordre sur lequel flotterait «un drapeau noir enjoignant toute personne de conscience à s’arrêter immédiatement».
«En ne bloquant pas cette décision, il impose à ses soldats d’agir comme des criminels de guerre», a ajouté Ya’alon, appelant les officiers et les soldats, en service actif comme en réserve, à «exercer leur propre jugement éthique».
Il a également estimé que Zamir aurait dû refuser nombre d’autres ordres qu’il a exécutés, comme l’a fait récemment le chef du Shin Bet, Ronen Bar, qui a estimé que les instructions qui lui ont été données par Nétanyahou sont illégales et ne servent que ses intérêts politiques.
«Un gouvernement de ruine»
Ya’alon s’est interrogé sur le contenu réel des décisions présentées au cabinet : «Si ce qui a été approuvé, c’est de vider Gaza de ses habitants, comme le réclament les deux ministres d’extrême droite Smotrich et Ben Gvir, alors c’est un crime de guerre et ceux qui y participent en sont complices.»
L’ancien ministre, qui a fait toute sa carrière politique au sein de la droite sécuritaire israélienne, relie cette stratégie militaire à des considérations politiques internes : prolonger la guerre pour maintenir le gouvernement en place. Selon lui, la fin du conflit entraînerait la fin du mandat de Benyamin Nétanyahou. «Ce gouvernement préfère rester au pouvoir avec l’appui de Smotrich et Ben Gvir, quitte à rater des opportunités diplomatiques majeures, notamment avec les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite.»
«C’est un gouvernement de ruine. Tout le mal causé en dix-neuf mois, et encore aujourd’hui, nous mène à la catastrophe», conclut Ya’alon, appelant à un changement de direction urgent pour «sauver l’Etat d’Israël».
L’interview de Ya’alon, qui fait grand bruit en Israël, intervient alors que les appels à refuser de reprendre la guerre à Gaza se multiplient chez les militaires de réserve, en particulier dans l’aviation, la marine et les renseignements militaires. Selon le quotidien Haaretz, le rappel de dizaines de milliers de réservistes pour reconquérir Gaza, lancé par Zamir la semaine dernière, se heurte à un taux de refus grandissant, reflétant la lassitude générale de la population israélienne face à la guerre ainsi que la montée de l’opposition grandissante aux ordres donnés chez les officiers.
L’éditorial du journal, qui est classé très à gauche, appelait mercredi ses lecteurs à regarder en face les photos des enfants palestiniens morts dans les bombardements israéliens et à en tirer toutes les conséquences que leur dicterait leur conscience.
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