
La crise de l’hégémonie libérale est la raison pour laquelle tant de gens se tournent vers l’extrême droite.
Ilya Budraitskis est historien et auteur, professeur à l’Université de Californie à Berkeley, et l’une des voix les plus importantes de la pensée de gauche russe. Cette entrevue le confirme qui, accordant une grande place au régime russe mais pour mieux ouvrir large, déblaie bien des entraves à une réflexion nécessaire à émanciper une gauche internationale en perdition de ses choix de la servitude volontaire. Servitude volontaire qui la débranche de toute dynamique d’aide aux peuples pour échapper, devant la faillite des régimes libéraux virant toujours plus à droite, aux tentations suicidaires dans certains secteurs de tout laisser filer vers l’arrivée au pouvoir des néo ou, comme dit Ilya Budraitskis, post-fascistes.
Parmi les idées pertinentes avancées par notre homme, je retiendrais d’abord ceci, sur la nécessité de donner le primat politique aux logiques de « pouvoir d’en bas », n’est ce pas LFI, à dédier à celles et ceux qui à gauche ne voient pas ou plus de différence entre démocratie et fascisme au nom du fait, au demeurant bien réel, que la première tend à se fasciser : « Nous devons nous concentrer sur la défense de la « démocratie », et non d’une « démocratie » limitée aux institutions démocratiques bourgeoises et à leur fonctionnement. Nous devons combiner la défense de la « démocratie » avec la revendication de l’égalité et de la participation, car c’est là tout le sens de son émergence aux 18e et 19e siècles : la lutte des classes populaires pour l’influence politique et la représentation. Une telle conception de gauche ou socialiste de la démocratie comme « pouvoir d’en bas » peut servir de base commune à une large coalition antifasciste qui rassemble les partis de gauche, les syndicats et les diverses formes d’auto-organisation féministe, antiraciste, écologique et de quartier. Ce sont précisément ces projets que les post-fascistes et les néo-fascistes veulent détruire, car ils contredisent leur idée d’un ordre étatique hiérarchique structuré comme une entreprise capitaliste. »
Quant à la guerre en Ukraine, Ilya Budraitskis met en évidence quelque chose qui échappe trop à gauche : elle est, à maints égards, paradoxalement, la culmination d’un processus interne à la Russie (fantasmant un danger externe – la main de l’OTAN – pour les besoins de la cause) par lequel les élites autour de Poutine, sentant le boulet du mécontentement populaire monter, ont poussé, avant qu’il ne prenne de l’ampleur (1), à fasciser le régime pour casser l’expression de ce mécontentement; le déclenchement de la guerre venant verrouiller cette dérive et justifier la destruction désormais totale des libertés et dominer/ »conformer » les esprits, par la peur de la répression, des assassinats, des tortures… : « Poutine a été une nouvelle fois confronté à un mouvement de protestation démocratique croissant et au mécontentement d’une grande partie de la société russe. Il a également vu dans cette vague de protestation une combinaison de menaces externes et internes. Toutes les révolutions, y compris la révolution russe de 1917, auraient été secrètement contrôlées par les ennemis extérieurs de la Russie. L’Occident aurait empoisonné la société russe avec des idées fausses, libérales ou socialistes. La réponse de Poutine aux nouvelles manifestations a été d’envahir l’Ukraine en février 2022. Pour Poutine, la question ukrainienne n’est pas seulement une question d’intérêts géostratégiques de l’État russe sur la scène mondiale. Il n’était pas seulement préoccupé par la concurrence avec l’OTAN, mais aussi par l’existence de son propre régime. C’est pourquoi l’invasion de l’Ukraine a marqué un tournant. Poutine a utilisé la guerre pour transformer le régime en une dictature répressive. » Cette analyse doit nous amener à mieux cerner le choix qui s’impose pour sortir de cette guerre qui a un ancrage dans un socle politique néo/postfasciste. Ne pas voir cela c’est passer à côté du réel, ce qui est bonus pour le dictateur russe. Et ses alter ego ou partisans internationaux.
(1) « Les manifestations de 2021 en Russie sont des manifestations survenues en soutien au dirigeant de l’opposition Alexeï Navalny, arrêté à son retour en Russie après avoir été empoisonné. Juste avant le début des protestations, Navalny a diffusé le film Un palais pour Poutine : L’Histoire du plus gros pot-de-vin.
Le 23 janvier 2021, près de 100 000 personnes manifestent en Russie contre son arrestation, mais leur nombre diminue nettement dès le week-end suivant, en partie à cause de la répression » (Wikipedia).
Le texte intégral de l’entrevue est ici

inprecor.fr
« La crise de l’hégémonie libérale est la raison pour laquelle tant de gens se tournent vers l’extrême droite. »
Dans cette interview, Ilya Budraitskis, politologue et militant russe en exil, explique les causes de la montée de l’extrême droite, les objectifs poursuivis par les nouveaux fascistes et les leçons que la gauche radicale devrait tirer du 20e siècle dans la lutte contre le fascisme. Enfin, il …
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