Le congrès du Parti Socialiste, à Nancy les 13-15 juin, n’est pas important seulement pour le Parti Socialiste. Le fait même qu’il attire l’attention et suscite les commentaires atteste d’un fait : la liquidation du PS, à laquelle conduisait la présidence Hollande, s’est vraiment dessinée, c’est vrai, mais elle n’a pas eu lieu. Macron a été le produit de la présidence Hollande. Dans ce processus, les « vieux partis », PS mais aussi PCF (et même PG !) devaient disparaître, remplacés par les ligues plébiscitaires de Mélenchon, Macron et Le Pen. Mais la lutte des classes a ses pesanteurs et la politique ignore le vide.
Le score microscopique d’Anne Hidalgo (1,7%) en 2022 ne signifiait pas la disparition pure et simple du PS, mais qu’il ne pouvait pas réémerger comme force nationale en s’inscrivant dans la continuité de la présidence Hollande, qui s’était terminée par l’état de siège et la loi El Khomri contre le code du travail, le tout produisant Macron. La base électorale du PS, aux présidentielles de 2022, a voté Mélenchon pour tenter d’éviter un second tour Macron/Le Pen et minimiser le risque Le Pen, mais les élus locaux et les liens sociaux n’avaient pas disparu.
Olivier Faure, de syndic de liquidation, s’est transformé en gardien du squelette amaigri puis finalement en défenseur de l’unité à gauche lors du moment stratégique de la dissolution décidée par Macron le 9 juin 2024. Il a pu en effet jouer ce rôle, dans la formation du NFP puis dans la proposition démocratique et légitime, qui s’est imposée de façon unitaire, de Lucie Castets pour former un gouvernement, parce qu’aux Européennes la question ukrainienne avait placé la liste formée avec Place publique en tête de la gauche. Lors de la dissolution, la poussée d’en bas a alors voulu et imposé une unité dans laquelle le PS, comme parti historiquement constitué, devait retrouver sa place, et qui ne pouvait exister qu’avec sa présence : et c’est ainsi que fut évité l’exécutif Macron/Bardella (dans le même temps, Raphaël Glucksmann s’opposait à la réalisation de l’unité imposée à LFI, avec LFI comme motif).
L’étrangeté de ce congrès est la hargne commune vouée à Olivier Faure par ses droitiers internes et par Mélenchon à l’extérieur. Il est croquignolet de voir les adversaires du NFP, telle Carole Delga ou le toujours condamné car toujours délinquant Jean-Christophe Cambadélis, dauber avec François Hollande contre les soi-disant capitulations d’Olivier Faure devant LFI, alors que LFI a rarement rencontré un tel adversaire véritable lui imposant unité et enveloppement – pour ses raisons propres : exister et faire exister son parti en tant qu’opposition parlementaire.
Les adversaires d’Olivier Faure l’accusent de faire dépérir le PS qui est passé, parait-il, de près de 90 000 cartes en 2018 à guère plus de 30 000 aujourd’hui, mais ses partisans disent qu’en 2018 les non cotisants depuis 3 ans étaient toujours comptés et ont été rayés depuis, et laissent entendre que c’est la campagne Hidalgo , s’inscrivant dans l’héritage hollandais, qui a encore fait fuir du monde et qu’il y a en réalité rebond depuis 2024. Rebond réel, en outre, du MJS (Mouvement des Jeunes Socialistes), où s’est affirmée la jeune dirigeante Emma Rafowicz.
La presse bourgeoise déplore consciencieusement que le PS n’ait finalement pas fini sa « mue », sans vouloir avouer que, dans son cas, comme pour bien d’autres PS comme par exemple en Italie, la mue était la disparition : ainsi, dans Le Figaro, les dirigeants d’un Think Tank néolibéral, l’ « Institut de recherches économiques et fiscales », se lamentent en ces termes :
« Sur le fond des contributions, et en bref, nous trouvons tout ce qui fait l’essence du socialisme, repeint aux couleurs de l’écologisme anticapitaliste et du féminisme woke : l’étatisme, les dépenses multiformes, la fiscalité accrue, la multiplication de nouveaux droits, la planification tous azimuts. C’est 1981 en pire. »
Et de déplorer qu’au lieu d’être réellement « social-démocrate » c’est-à-dire libéral capitaliste, le PS revienne au sens ancien du mot « social-démocrate » : partisan de la construction du socialisme par la voie démocratique, réformiste ! (rappelons au passage qu’encore avant, avant 1914 en fait, « social-démocrate » voulait dire révolutionnaire, et était l’étiquette de Lénine, Trotsky, Luxembourg ou Martov).
Certes, nous sommes vaccinés contre les phrases « social-démocrates » ou réformistes ainsi définies, qui ont abouti au réformisme sans réforme et avec contre-réformes anti-sociales et anti-démocratiques. Mais il n’est pas indifférent de voir que les milieux capitalistes n’ont pas confiance dans le PS actuel parce que du réformisme, même douteux, c’est trop risqué pour eux et cela donne trop prise à la pression d’en bas. Aucune contribution ne préconise de vraies économies budgétaires, déplore notre think tank !
Le message de cet article du Figaro est en effet le suivant : les trois motions de ce congrès sont toutes aussi mauvaises les unes que les autres du point de vue des besoins du capital. Autrement dit, même celle des secteurs voulant préserver au maximum la continuité avec Hollande, la motion Mayer-Rossignol, a dû mettre de l’eau dans son vin fort aigre. Et la motion du « milieu », de Boris Vallaud, ne fait que répéter le même refrain tiède – tiède, certes, mais pas aligné sur la casse des services publics et le renforcement de la V° République …
Sur les résultats du vote interne, je citerai cette bonne synthèse faite par le camarade Jérôme Sulim, ancien militant socialiste adjoint au maire de Saint-Herblain (Loire-Atlantique), aujourd’hui membre de l’Après :
23 000 votants se sont déplacés pour départager Olivier Faure, Nicolas Mayer-Rossignol et Boris Vallaud.
Ce faible nombre de militants et militantes explique le paradoxe suivant : Il reste encore 39% de votants pour approuver une ligne social-libérale portée par N. Mayer Rossignol et Hélène Geoffroy soutenu par un Jérôme Guedj qu’on a connu plus inspiré, alors que cette orientation est repoussée par l’électorat de gauche.
Il est vrai aussi que les tenants de ce positionnement ont pu utiliser un épouvantail bien commode, JLM qui leur a servi sur un plateau le combustible pour nourrir leur ressentiment contre le NFP, et ainsi faire rêver à un retour fantasmé à l’hégémonie du PS sur toute la gauche et l’écologie.
Boris Vallaud et ses soutiens détiennent avec leur 18% les clés de ce congrès face à Olivier Faure (42%) et Nicolas Mayer Rossignol (39%).
Leur responsabilité est grande et ne concerne pas que les équilibres internes au sein du PS.
Selon leur choix, le NFP peut rebondir ou s’épuiser dans des divisions délétères préparant les lendemains qui déchantent.
J’espère qu’ils en auront pleine conscience au moment du choix.
C’est très juste. Le problème n’est pas que Vallaud avec ses 18% soit un « faiseur de roi », une direction collective est tout à fait concevable, mais qu’il fasse pencher la balance pour ou contre l’unité face au RN et à Macron. Enjeu qui le domine largement, et pression qui n’est pas que celle des adhérents, mais des forces sociales majoritaires qui ont absolument besoin d’unité et de démocratie.
VP, le 28/05/2025.
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