Le Canard Enchainé du 14 mai dernier publiait un article, Une Insoumise chez les poutiniste , rendant compte de la présence ostensible, en écharpe tricolore, de la dirigeante de LFI Sophia Chikirou , à la « marche du régiment immortel » du 8 mai à Paris, entre drapeaux russes et « novorossiens » (emblème des terres ukrainiennes du Sud que la Russie veut coloniser), appelant à combattre les « fascistes à l’ancienne promus par l’OTAN » , ce qui fut l’axe du discours de Chikirou (attention le lien vers son discours, dans le texte d’ Arrêt sur Image , est en fait un lien vers l’autre rassemblement, cf. ci-dessous), se terminant sur un vibrant appel à dénoncer les provocations ukrainiennes : pas d’Ukraine dans l’UE, pas d’Ukraine dans l’OTAN.

Or, outre ces informations toutes exactes, le Canard avait fait une boulette, assez facile à faire d’ailleurs et peut-être attendue par Chikirou qu’il avait contactée la veille, en affirmant qu’elle avait participé là à une « marche » dont l’une des organisations appelantes était Solidarité et Progrès, « créée par le complotiste et éternel candidat à l’élection présidentielle Jacques Cheminade » . Précisions que Solidarité et Progrès est l’antenne française d’une sorte de firme mondiale donnée par le milliardaire Lyndon Larouche , source mondiale de théories complotistes fantasmées autour d’un antisémitisme non explicité (le « complot mondial » selon Larouche était le fait de… la reine d’Angleterre !).
Il se trouve que non, Chikirou n’a pas défilé avec Cheminade, car, voyez-vous, il ya eu en fait deux marches, l’une, celle de Chikirou, partie de République à 12h vers le Père Lachaise, l’autre, celle de Cheminade dirons-nous pour simplifier, partie à 14h sur le même trajet.
Dès parution du Canard , les « zinsoumis » les plus proches du Chef ou les plus suivistes sont partis en campagne contre la « Fake New » sur les réseaux sociaux, laissant entendre que la seule marche « poutiniste » était celle où n’était pas Chikirou. Laquelle pouvait passer pour la marche « de gauche », car appelée également par le Comité francilien du Mouvement de la Paix, avec la présence d’un membre de la commission « Paix et Désarmement » d’EELV, Philippe Le Clerre , de la présidente honoraire du MRAP, invitée par le Mouvement de la Paix, Renée Le Mignot . Ces précisions et les suivantes viennent du site Arrêt sur Images (voir ci-après) qui indique également la présence de l’UJFP (Union Juive Française pour la Paix), qui, toutefois, a expliqué à Arrêt sur Images en termes confus avoir sans doute été embarqué dans un truc bizarre à l’insu de leur plein gré.
De fait, tant les images que les slogans sur les reportages disponibles rendent les deux marches totalement indiscernables l’une de l’autre et tout aussi poutinistes, tout aussi rashistes, comme dire les Ukrainiens, ce qui veut dire : tout aussi fascisantes. Les rubans de Saint-Georges, les emblèmes des Cent-Noirs tsaristes antisémites puis des armées blanches, réhabilités par Staline en 1943 et portés par les colons russes et autres tortionnaires du Donbass, étaient légion dans les deux cortèges. Le second cortège était celui de Cheminade ainsi que des amis d’Asselineau et de Philippot, mais il était tout autant truffé de faucilles-marteaux soviétiques que le premier : ces emblèmes ne gênent en rien l’extrême droite quand ils signifient l’impérialisme russe. Sur une photo prise dans le premier cortège, celui de Chikirou, on peut même s’interroger sur le geste d’une participante (voir photo), mais, par présomption d’innocence, on supposera qu’elle faisait signe à un ami aperçu de l’autre côté de la rue. D’après un témoin, une bonne moitié des participants étaient d’ailleurs communs aux deux cortèges – à peine plus de 200 personnes en tout, que l’on se rassure tout de même de ce côté là !, dont les militants staliniens du PRCF.
Haut : manif de gauche ! Bas : manif de droite !
Il n’empêche que pendant une semaine, le ton était donné par les tweets de JL Mélenchon dénonçant la fake new, menaçant d’aller en justice, souligne lourdement que l’auteur du billet du Canard travaille aussi à « radio J », et englobant tout naturellement dans son ire Edwy Plenel, qui n’y est en l’occurrence strictement pour rien !
Alors, y avait-il vraiment une marche « poutiniste de droite » et une marche « de gauche » pas poutiniste ? Ou alors, plutôt, des « poutinistes de droite » et des « poutinistes de gauche » ? Soyons clairs : les deux marches, largement poreuses l’une envers l’autre, étaient toutes deux poutinistes de ni-droite-ni-gauche, c’est-à-dire fascisantes.
La marche de Chikirou à laquelle des fragments d’EELV, du Mouvement de la Paix – on va y revenir – du MRAP et de l’UJFP ont été impliqués, était appelée par le « Comité citoyen « le régiment immortel » » dirigé par le président du Conseil de Coordination du Forum des Russes de France , Gueorgui Chepelev , évidemment lié à l’Etat russe. Des querelles obscures ont conduit à la formation d’un deuxième comité russe parisien, tout aussi lié au même Etat, à l’initiative de la seconde marche. Solidarité et Progrès et autres groupes d’extrême droite se sont, peu avant le 8 mai dernier, greffés sur ce second comité, ce qui a permis à la prétendue « gauche » de dénoncer ceux-ci comme d’extrême droite sans que rien ne les distingue vraiment. Du point de vue du FSB, nous avons là une opportune distribution des mêmes œufs dans des paniers pas très différents.
C’est là le point politique clef qui justifie que l’on revienne ici sur ce petit feuilleton : les deux paniers ne diffèrent pas. Les appelants de la marche poutino-chikirienne étaient, nous dit-on, « de gauche » et pas « d’extrême droite ». Dans son édition du 20 mai, le Canard contre-attaque en développant le pedigree de Jean-Yves Gallas , ancien président du Mouvement de la Paix francilien présent au rassemblement « Chikirou » : soutien à l’annexion et à la russification du Donbass depuis 2014 et grand ami de l’antisémite brun-« rouge » belge Michel Collon .
Mais il vaut le coup de dire aussi quelques petits mots du président actuel du « conseil francilien du Mouvement de la Paix » , Jihad Wachill , auteur à ce titre d’une lettre ouverte au Canard Enchainé dans laquelle il se permet de jouer les vertus outragées d’avoir pu être confondues avec la marche de Cheminade, Asselineau et Philippot. Longtemps membre du PCF et employé de mairies communistes, ce personnage a été, ostensiblement, un soutien de Bachar el Assad. En 2018 il séjournait en Syrie et, dans le blog Initiative communiste , faisait l’apologie du Parti Social Nationaliste Syrien, une des milices tortionnaires de Bachar, dont les origines historiques et le drapeau, ci-dessous, ont précisément à voir avec le national-socialisme. Et voilà quel genre d’individus prétendent faire la leçon au Canard et au monde entier en matière d’« antifascisme » !

Voila pourquoi cette affaire, sorte de petit chapitre supplémentaire à La Meute , est importante. Inutile en effet de se rassurer en estimant que « la gauche », dans la manif Poutine/Chikirou, c’était accessoire. Cela ne l’était pas : une députée LFI, le Mouvement dit de la Paix, le MRAP, EELV et l’UJPP étaient aux côtés des partisans du massacre des Ukrainiens et des héritiers des Cent-Noirs antisémites, à leurs côtés et sur la même orientation. A la tête du Mouvement de la Paix francilienne, en particulier, ce ne sont pas des militants de gauche égarés un tantinet campistes que nous avons. C’est la peste brune. La peste est là, dans les rangs d’une partie de « la gauche ». Et l’unité contre la politique antisociale de Macron et contre le RN devra l’extirper , essentiellement.
VP, le 25/05/25.
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