Crimée, ce paradis poutinien…

Crimée, ce paradis poutinien… Gloire au nouveau tsar de Russie !
Ce post, ci-dessous, de Evguénia Markon est hautement recommandable. Avec beaucoup de dérision et une belle pointe d’ironie, elle nous donne à comprendre et, en fait à confirmer, sur le mode d’une pierre, deux coups, ce qu’est devenu Le Monde Diplomatique, une annexe des services de propagande russe et, en déconstruction du filtre poutinien avec lequel il nous montre le paradis sur terre que serait devenue la Crimée sous annexion russe, l’infernal envers de réalité qu’est la domination néofasciste qui s’y exerce. Une fois lues ces lignes, à chacun.e de savoir de quel côté de la barricade informative et politique, l’on se place.
Merci Evguénia.
Je me permets de m’arrêter à un détail qui donne un éclairage plus fortement significatif à cet article du Monde Diplomatique qu’analyse Evguénia Markon. C’est à propos de son auteur, un certain Christophe Trontin, qui s’était fendu, en février 2020, d’un très bref compte rendu d’ouvrage sur la Russie de Poutine (1), dont nous pouvons lire ceci : « Depuis l’arrivée au pouvoir de M. Vladimir Poutine, en 1999, a émergé en Russie une « démocratie pilotée au sommet », dont cet ouvrage propose d’analyser un rouage essentiel : le parti Russie unie, situé au centre d’un jeu politique au « pluralisme maîtrisé », auquel des partis d’opposition participent sans prétendre, cependant, à l’exercice des responsabilités. « 
Vous avez bien lu, le régime de Poutine relèverait d’une « démocratie pilotée au sommet ». Ces guillemets montrant qu’il pourrait s’agir d’une citation de l’ouvrage présenté, il n’en reste pas moins que l’on ne voit pas venir l’ombre de la moindre critique de la part du journaliste sur ce qui, allez savoir, pourrait être caractérisé comme une qualification totalement euphémisante du néofascisme à l’oeuvre en Russie. Et que dire de cet exaltant « jeu politique [russe] au « pluralisme maîtrisé », tellement maîtrisé que l’opposition, raisonnable comme on n’en fait plus en Occident, jouissant de la plénitude de ses droits politiques, renonce à disputer au pluraliste maîtrisant l’exercice du pouvoir. C’est l’évidence, au Monde Diplomatique on sait donner leur place aux fabulistes les plus originaux qui nous ouvrent des horizons politiques inédits et inouïs et nous invitent à « reconsidérer « certaines problématiques [comme] non limitées aux démocraties dites avancées : personnalisation de la vie politique, crise du militantisme ou externalisation de la production des idées politiques » ».
Allez, reconnaissons, pour finir, à ce mensuel qui fut de gauche, il y a longtemps, d’avoir conservé une certaine créativité rhétorique dans l’usage des oxymores les plus incroyables qui font revivre des vérités dont nous étions devenus orphelins : une démocratie pilotée au sommet, c’est toujours une démocratie, un pluralisme maîtrisé, c’est toujours un pluralisme. Et vivre en Russie sous Poutine, c’est profiter enfin d’une démocratie et d’un pluralisme politique totalement inédits.
Voilà ce qu’Alexeï Navalny n’avait jamais pu comprendre chez Poutine et que les Ukrainien.ne.s, ces nazi.e.s, ne pourront jamais comprendre ! Et que, grâce au Monde Diplomatique, nous, nous comprenons… Alléluia !
Vite, prenons nos billets pour la Crimée, ce havre de paix introuvable dans notre vilain Occident collectif…
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Evguénia Markon
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On n’est pas bien là avec le Monde Diplo, chaussé de ses plus belles sandales, qui part à la belle saison faire un 😱reportage😱 en zone occupée en Crimée, accompagné d’un article sur les soi-disant « référendums » censés légitimer l’occupation. Allons bronzer en facholand, le Monde Diplo y est tellement bien reçu.
-Allez, on commence en mode bronzage léger sur l’annexion illégale : assassinats, enlèvements, tortures, disparitions, restrictions sévères de la liberté d’expression, de réunion et d’association, fermeture de médias indépendants et harcèlement de journalistes critiques envers les autorités russes ? On ne vous en parlera pas au Diplo car c’est juste quelques gouttes d’eau salée à côté de la plage paradisiaque que le Kremlin veut nous vendre ! L’expulsion et la perte de droits civiques pour ceux qui refusent les passeports russes ? Une simple brise légère, à peine une vaguelette.
Parmi les plus réprimés, les Tatars de Crimée, LE peuple autochtone de la péninsule (et pas les Russes), déporté par Staline en mai 1944, luttent contre l’annexion de la Russie et sont durement réprimés pour cela (arrestations arbitraires et emprisonnements de leaders, militants et journalistes tatars; disparitions forcées et actes d’intimidation; arrestations souvent basées sur des accusations fabriquées, comme le “terrorisme” ou “extrémisme” – j’ai écrit plusieurs posts précédemment sur des tatars qui meurent dans des prisons russes après des faux procès). Le Diplo nous en dit quoi ? Les Tatars auraient été, selon eux, baratinés par les Ukrainiens pour les retourner contre les sécessionnistes pro-russes… Bah ouais, mais bien sûr, les gens « ne savent pas réfléchir par eux-mêmes », c’est bien connu… Les Tatars n’auraient pas d’expérience historique propre de la violence de l’Etat russe pour comprendre qu’attendre de l’occupation russe… Heureusement que les occupants russes sont là pour leur dire quoi penser, et le Diplo pour nous l’expliquer… Petit rappel : avant 2013, les partis sessionnistes faisaient guère que quelques % aux élections en Crimée. Personne n’a jamais demandé l’annexion en Crimée.
On a un copain criméen russophone qui a été arrêté et torturé en 2014 par le FSB car militant anar et écolo, alors qu’il n’était même pas pro-Ukraine, tu comprends la beauté de la péninsule?
– Vous prendrez bien une grande rasade de totale intox sur le développement économique sous domination russe ?! Ouiiii! L’article vante la croissance russe! En fait le nombre de vacanciers a chuté, l’industrie s’est arrêtée, les transports sont restés quasiment inactifs, une crise commerciale a éclaté, et les routes de vente de produits agricoles ont été perdues. Tout le monde se plaint. Comme on dit à l’Est, tout ce qu’annexe la Russie devient la Russie : un pays pauvre, corrompu et pillé. Nulle croissance à l’horizon. Ce n’est pas construire un pont entre Russie et Crimée (grande fierté du Kremlin) qui a donné à manger aux habitants.
-Les petits bisous bisous russophiles, on aime! Les « habitants » cités dans l’article sont enthousiastes : une femme russe vantant la « civilisation » apportée, un Criméen « amusé » par les pénuries, un vacancier ravi, un restaurateur indulgent… Aucun contre-témoignage, pas de voix critiques, ni même de doute exprimé. Tout va bien sous le soleil de la malhonnêteté et du déni !
-On ne vous parlera pas d’écocide non plus hein et des responsabilités de la Russie sur ce dossier. On n’est pas des écolos bobos au Diplo. Marée noire dans le détroit de Kertch, explosion du barrage de Kakhovka en amont, pollution marine et infrastructures endommagées, mines dérivantes, dommages environnementaux considérables et conséquences à long terme sur les écosystèmes de la Crimée? On s’en fout ! On veut aller à la plage !
– Et pour finir, la cerise sur la glace, une allusion à une possible reconnaissance américaine de la Crimée russe, comme si le dossier géopolitique se réglait tranquillement, comme on sirotait un cocktail au bord de la plage. Magnifique.
Vous avez remarqué le visuel pour la diffusion sur les réseaux sociaux ? Une carte postale ensoleillée, parfaite pour une « soft propaganda » journalistique, prestation qui, grâce au Kremlin, inclut voyage et hôtel avec vue sur la mer.
Le fascisme au soleil, c’est tellement cool, vraiment. Sous le parasol du Monde Diplomatique, complice du pire.
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1 Comment

  1. Dire que le Diplo « fut » de gauche, et qu’il ne l’est plus, donc, relève d’une méconnaissance de ce journal étonnante. L’article en question soulève énormément de questions qu’il est important de considérer la tête froide, dans le contexte de la guerre qui s’annonce, avec des équipements détenus par les militaires de tous les camps autrement plus dévastateurs qu’au cours de la seconde guerre mondiale.

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