LA LUTTE DE CLASSE ET L’INTERVENTION MILITAIRE DE L’INDE CONTRE LE PAKISTAN

This handout photograph taken on May 1, 2025 and released by the Pakistan's Inter Service Public Relation (ISPR) shows Pakistan's Army Chief General Syed Asim Munir (Top C) standS on military tank and shout slogans with army troops to witness exercise 'Hammer Strike' a high-intensity field training exercise conducted by Pakistan Army�s Mangla Strike Corps at the Tilla Field Firing Ranges (TFFR) in Jhelum, Punjab province. Nuclear-armed rivals India and Pakistan have exchanged gunfire across their heavily
La plupart des commentateurs gomment un élément essentiel de l’intervention militaire de l’Inde contre le Pakistan, c’est la lutte de classe en cours en Inde (et au Pakistan) qui fait que l’attaque de l’Inde contre le Pakistan est avant tout une attaque du gouvernement indien d’extrême-droite de Modi contre les classes populaires indiennes en révolte en ce moment.
Toute la presse occidentale, sans aucune nuance, surtout pour la presse française qui s’aligne sur la presse indienne aux ordres de Modi, parle d’une attaque qui répondrait à un attentat d’un groupe musulman terroriste soutenu par le Pakistan qui a fait plusieurs dizaines de morts il y a quelques semaines dans l’Etat indien du Jammu et Cachemire. Mais d’une part, le Pakistan a démenti tout lien avec le groupe en question et d’autre part, quasi personne ne connait ce groupe au point que certains en Inde voient dans cet attentat une pure manipulation de Modi, un genre de manipulations dont il est coutumier et sur la base desquelles il a construit son pouvoir et l’a maintenu.
Par contre, ce qui est sûr, c’est que Modi est doublement contesté ces dernières semaines dans toute l’Inde où il doit faire d’une part face à un mouvement de masse qui ne cesse pas depuis plus d’un mois et qui touche tout le monde mais mené par les musulmans et d’autre part tout particulièrement au Jammu et Cachemire où il vient de se prendre une belle claque électorale.
En effet, il y a un peu plus d’un mois, Modi a décidé de modifier la loi WAQF qui codifie depuis des décennies les relations de l’Etat laïc indien avec les groupes religieux du pays. Il a tout simplement décidé de voler les bien communautaires des musulmans, terrains et bâtiments pour les donner à ses amis capitalistes. Ce qui a provoqué immédiatement une révolte des musulmans du pays, mais pas seulement. Les chrétiens et les sikhs craignent en effet que Modi ne s’attaque ensuite à leurs biens, mais surtout, les adivasis, les 200 millions de membres des tribus autochtones qui sont propriétaires d’après la constitution indienne de l’essentiel des forêts indiennes et qui pensent qu’ils vont être les prochains sur la liste, puisqu’ils sont déjà en lutte en nombre d’endroits contre les agro-capitalistes qui tentent de leur prendre leurs forêts. De plus, toutes les organisations politiques d’opposition, comme le parti du Congrès du centre ou les différents partis communistes, ont aussi appelé à se mobiliser avec les musulmans, voyant pour leur part dans la modification de la loi WAQF les premiers pas d’une remise en cause de la laïcité à laquelle Modi tente de s’attaquer depuis longtemps au profit d’une conception extrémiste de l’hindouisme où Modi deviendrait quasiment l’équivalent… d’un dieu.
Cela fait donc depuis début avril qu’un mouvement de masse quotidien touchant pas seulement les musulmans mais tout le pays et toutes ses catégories, dirigé par les musulmans, s’est levé contre Modi et ses modifications de la loi WAQF. Surtout, ce mouvement intervient à un moment où il rappelle à beaucoup une mobilisation semblable en 2019, déjà à partir d’une loi (CAA) contre les musulmans qui avait enclenché un mouvement des femmes musulmanes puis avec elles un mouvement de masse de toutes les femmes pauvres d’Inde, dit de « Shaheen Bagh », qui avait ébranlé le pouvoir de Modi, et qui lui-même, stoppé par le Covid, mais soutenu par les organisations paysannes, avait enclenché ensuite un mouvement des paysans/prolétaires au travers au début des paysannes. Or ce mouvement massif et historique – avec 500 millions de paysans – qui a duré un an en 2020/2021 entraînant toute la population, avait fait reculer Modi et avait été à deux doigts de le renverser. C’est dans le souvenir de tous et tout particulièrement de Modi, d’autant plus que le mouvement paysan de 2020/2021 n’est pas complètement éteint et tente actuellement de redémarrer…. Ce qu’il pourrait faire à l’occasion de cette révolte d’autant que le foyer paysan le plus mobilisé encore aujourd’hui est animé par des sikhs, qui pourraient donc être les prochaines cibles de la loi WAQF.
De plus, Modi a cru récemment qu’il pouvait sans problème retirer son statut d’autonomie à l’Etat du Jammu et Cachemire dont il dispose depuis très longtemps. Bien au contraire, Modi l’a payé par une claque électorale magistrale aux dernières élections au Jammu et Cachemire où son parti, le BJP, a reculé comme jamais au profit des partis d’opposition et des partis autonomistes ou indépendantistes et musulmans, y compris dans la partie Jammu de l’Etat qui est majoritairement composé d’hindous. Depuis, Modi n’a eu cesse de tenter de rattraper le terrain perdu et sa perte totale d’autorité dans cet Etat où le gouvernement local lui est très hostile. Et sa tactique est bien sûr comme d’habitude de tenter d’opposer les hindous du Jammu aux musulmans du Cachemire. Or les terroristes qui ont tué un certain nombre de touristes il y a quelques temps au Jammu et Cachemire ont pris bien soin de faire un tri entre les musulmans et les hindous et ont ostensiblement filmé ce tri, tuant les uns et pas les autres.
En attaquant le Pakistan et en visant tout particulièrement les musulmans en bombardant une mosquée, Modi tente de faire d’une pierre trois coups. D’une part il désigne comme toujours les musulmans comme l’ennemi héréditaire des hindous, espérant ainsi obtenir le soutien des hindous qui manquait jusque-là dans sa campagne pour voler les biens communautaires des musulmans, d’autre part il essaie de stopper la mobilisation actuelle en Inde contre la modification de la loi WAQF dirigée par des musulmans en les présentant comme des traitres au pays, des alliés objectifs du Pakistan s’ils continuent, enfin, parce qu’il sait que le Pakistan ripostera et qu’un tuant des cachemiris indiens (ce qui est fait), cela creusera un fossé entre cachemiris indiens et pakistanais qui cherchent actuellement une alliance pour être plus forts ensemble pour exiger un Cachemire indépendant aussi bien de l’Inde que du Pakistan. Modi sait que le Pakistan ripostera, pas seulement parce qu’il est attaqué par l’Inde, mais parce que lui aussi a des problèmes avec son Cachemire, l’Azad Cachemire mais également la région himalayenne voisine de d’Azad Cachemire, le Gilgit Baltistan, tous deux en révolte quasi permanente depuis deux ans, souvent animées par des marxistes, multipliant les grèves générales souvent victorieuses et revendiquant avec de plus en plus d’audace la main mise des classes populaires locales sur les richesses minières de ces régions ce qui entre en écho avec des mobilisations et des revendications semblables dans les provinces du Khyber Pakhtuntkhwa ( région des pachtounes) en quasi sécession laïque dirigée par des marxistes et du Baloutchistan (baloutches) en soulèvement depuis un an, et qui tous deux, font des pas actuellement vers un combat commun, ce qui inquiète le pouvoir puisqu’il ne tient contre ces multiples révoltes que par leurs divisions. Il est sûr que contre l’Inde, mais surtout contre tous ces soulèvements, le Pakistan lèvera le drapeau de l’unité nationale derrière sa croisade musulmane. Sera-t-il suivi, c’est une autre affaire ?
Dans leur guerre entre l’Inde et le Pakistan, il y a de fait une complicité objective entre les deux Etats, contre leurs propres classes populaires en révolte.
C’est pourquoi, s’il y a bien quelque chose qui peut arrêter l’engrenage guerrier dans lequel sont peut-être entrés les deux pays, c’est bien le refus des classes populaires des deux pays, actuellement en pleines mobilisations, d’entrer dans cet engrenage, en amplifiant leur colère actuelle contre leurs dirigeants risquant de mettre à feu et à sang toute la région, et faisant de leurs colères actuelles une véritable révolution. A ce jour, on ne dispose pas encore d’informations sur l’état d’esprit des milieux populaires mais c’est de ce côté-là qu’il faut regarder, par-delà les propagandes bellicistes et nationalistes des dirigeants des deux pays relayés ici par quasi tous les médias.
Jacques Chastaing 7 mai 2025
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