La tempête sans fin : conflit, pouvoir et survie dans l’État d’Arakan, au Myanmar.

Par aplutsoc le 11 Mai 2025

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Nous publions la traduction de cet article pour répondre à la sollicitation de son auteur.

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L’État d’Arakan est une région aux paysages époustouflants et aux royaumes anciens, mais il est devenu synonyme de l’un des conflits les plus longs et les plus brutaux au monde. La lutte entre les Rakhines, à majorité bouddhiste, et les Rohingyas, musulmans, n’est pas seulement un affrontement ethnique ou sectaire local, mais un microcosme de la guerre civile birmane, où nationalismes concurrents, intérêts géopolitiques et instincts de survie s’entrechoquent.

Cet article explore les origines, l’évolution et les conséquences dévastatrices du conflit d’Arakan, en examinant le rôle des groupes armés, des puissances régionales et des économies parallèles qui entretiennent la violence. Il explore également le coût humain, notamment pour les femmes et les enfants, et évalue la possibilité d’une paix durable dans un pays où la guerre est devenue un mode de vie.

Racines historiques : d’un royaume à une zone de conflit.

La région d’Arakan était autrefois un royaume bouddhiste indépendant, doté d’une riche histoire d’échanges commerciaux et culturels avec le Bengale. Des communautés musulmanes, dont les ancêtres des Rohingyas, y ont vécu pendant des siècles, servant comme commerçants, soldats et administrateurs sous les rois arakanais.

La domination britannique (1824-1948) a exacerbé les tensions ethniques en encourageant la migration des musulmans bengalis pour la main-d’œuvre, modifiant ainsi la démographie de l’Arakan. Après l’indépendance, le gouvernement nationaliste birman a considéré les Rohingyas comme des immigrants illégaux et les a déchus de leur citoyenneté en 1982.

Les violences intercommunautaires de 2012 ont marqué un tournant, avec des affrontements meurtriers entre bouddhistes rakhines et Rohingyas. Les « opérations de nettoyage » menées par l’armée birmane en 2017, dans ce que les Nations Unies ont qualifié d’« exemple classique de nettoyage ethnique », ont forcé plus de 700 000 Rohingyas à se réfugier au Bangladesh. Fondée en 2009, l’Armée d’Arakan (AA) a d’abord combattu aux côtés de l’Armée de l’Indépendance Kachin (KIA) avant de se concentrer sur l’État de Rakhine. Après le coup d’État de 2021 au Myanmar, l’AA a exploité la faiblesse de la junte, s’emparant de vastes territoires et imposant sa propre gouvernance.

Stratégie militaire de l’Armée d’Arakan (AA)

L’Armée d’Arakan est passée d’une tactique de frappes éclair à des offensives de grande envergure, utilisant des drones, de l’artillerie et des armes saisies sur la junte. En 2024, elle contrôlait 60 % de l’État d’Arakan.

L’Armée d’Arakan prétend lutter pour l’autonomie de l’État d’Arakan, mais est accusée d’expulser systématiquement les Rohingyas des territoires conquis. Les massacres de Buthidaung et de Maungdaw font écho aux opérations menées par la junte en 2017.

Manquant désespérément de main-d’œuvre, la junte a contraint les Rohingyas à rejoindre des milices, les dressant contre l’Armée d’Arakan – une tactique qui a exacerbé la haine intercommunautaire.

La résistance rohingya : entre survie et militantisme

L’Armée du salut rohingya de l’Arakan (ARSA), créée en 2016, a lancé des attaques contre des postes de police en 2017, déclenchant la riposte génocidaire de l’armée. Bien qu’affaiblie en 2025, l’ARSA reste active dans les zones frontalières.

L’Organisation de solidarité rohingya (OSR), soutenue par l’Arabie saoudite dans les années 1980, a refait surface ces dernières années, mais manque de soutien populaire. Ses combattants opèrent désormais comme mercenaires pour diverses factions.

Bien qu’ils n’aient pas d’armée, les villageois rohingyas ont organisé des groupes d’autodéfense, utilisant des armes improvisées pour résister aux incursions de l’AA.

La crise humanitaire : un état d’urgence permanent

Plus de 1,2 million de Rohingyas sont des réfugiés, dont 500 000 ont été déplacés depuis 2024. Le Bangladesh refuse toute nouvelle entrée, laissant des milliers de personnes bloquées dans des champs de mines le long de la frontière.

L’armée bangladaise et la junte birmane ont bloqué l’aide alimentaire, provoquant la famine dans le nord de l’État de Rakhine. Médecins Sans Frontières signale des taux alarmants de mortalité infantile due à la malnutrition.

Une enquête de 2025 a révélé que 80 % des réfugiés rohingyas souffraient de syndrome de stress post-traumatique, et que les taux de suicide avaient triplé depuis 2022.

Géopolitique : le jeu des grandes puissances en Arakan

La Chine arme l’AA pour protéger son port de Kyaukphyu, mais soutient publiquement la junte pour maintenir une couverture diplomatique. L’Inde soutient la junte pour contrer l’influence chinoise, mais ferme les yeux sur le trafic de drogue de l’AA vers le Manipur. Le Bangladesh exige le rapatriement des Rohingyas, mais profite de l’économie criminelle des camps, notamment du trafic d’êtres humains.

La guerre de l’ombre : drogue, armes et seigneurs de la guerre.

L’AA finance sa guerre par la production de yaba (méthamphétamine), exportant en contrebande pour 3 milliards de dollars par an vers les pays voisins.

Les armes chinoises et indiennes affluent vers l’État de Rakhine via la Thaïlande et le Manipur, les courtiers prélevant des commissions à chaque passage de frontière.

Des personnalités comme Dil Mohammed dirigent les camps de réfugiés, comme Cox’s Bazar, par la violence, contrôlant la distribution de l’aide et les routes de la drogue.

Quel avenir : L’Arakan connaîtra-t-il un jour la paix ?

Les offres de la Birmanie de reprendre les Rohingyas sont vaines sans garanties de citoyenneté.
L’AA réclame l’autonomie, mais son exclusion des Rohingyas risque d’engendrer un conflit perpétuel.

La Cour pénale internationale et la Cour internationale de justice ont tardé à traduire les auteurs en justice, encourageant ainsi de nouvelles atrocités.

À moins que les puissances mondiales n’interviennent résolument, le cycle de violence en Arakan se poursuivra, laissant une nouvelle génération hériter de ses cicatrices.
L’auteur peut être contacté à l’adresse suivante : rohingyaemergencyresponseteam@gmail.com

Source : https://links.org.au/unending-storm-conflict-power-and-survival-myanmars-arakan-state

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