Lundimatin #476 | 19 mai

lundimatin <ecrire@lundi.am>
Voir en ligne
#476 | 19 mai
Pour une politique sauvage
Un lundisoir avec Jean Tible

Professeur de sciences politiques à São Paulo, Jean Tible navigue depuis plusieurs décennies entre la France et le Brésil. Ses recherches portent essentiellement sur cette matière riche et prolifique : la révolte. Il vient de publier Politique sauvage aux éditions Terres de feu, un essai aussi foisonnant qu’enthousiasmant qui propose de reprendre l’histoire de ces 70 dernières années depuis les gestes d’insoumission, de subversion et d’affrontement avec l’ordre des choses. Par ce renversement de perspective, on s’aperçoit que ce sont les bouleversements qui imposent le rythme de l’histoire et qu’il ne s’agit jamais pour le pouvoir que de tenter de l’interrompre. Jean Tible retrace donc 7 décennies de luttes qui se succèdent, se chevauchent, s’entrecroisent, des forêts de l’Amérique du Sud aux ZAD, des quilombos aux favélas, des Black Panthers aux féminismes révolutionnaires. Depuis les grèves, les usines, les campus, les ghettos ou les places occupées, il retisse le fil des évènements jusqu’à rendre palpables leurs résonances. Contre une politique politicienne aussi éreintée qu’impuissante et triste, il révèle cette politique sauvage, joyeuse et ingouvernable qui relie les mille luttes minoritaires, qu’elles soient queer, indigènes, ouvrières ou écologistes. En évoquant le trumpisme, un ami écrivait récemment que « nous avons la contre-révolution que nous méritons », la fascisation en cours n’étant que le contre-coup des révoltes récentes. Antonio Gramsci d’ajouter en 4e de couverture du livre de Jean Tible : « On ne peut prévoir que la lutte. ».

Mourir en direct : Narcoculture, féminicide et spectacle de la mort à l’ère des influenceurs
À propos du meurtre de l’influenceuse mexicaine Valeria Márquez

Le meurtre de l’influenceuse mexicaine Valeria Márquez en plein jour lors d’une émission en direct à Zapopan n’est pas un événement isolé. Il est le symptôme visible d’un ordre contemporain où convergent le crime, la célébrité, la féminité et le spectacle. Au Mexique, pays marqué par la violence structurelle et la narcoculture, la spectacularisation de la mort ne se produit plus seulement dans les médias traditionnels, mais aussi sur l’écran du téléphone portable. Des influenceurs assassinés, des vidéos virales d’exécutions, des célébrités numériques qui disparaissent ou sont exécutées en direct : tout cela témoigne d’un régime de visibilité où la mort a été pleinement intégrée au divertissement et à la punition. Cet article propose une lecture critique du phénomène basée sur une articulation entre féminicide, spectacle, nécropolitique et économie numérique. Traduction d’Alèssi Dell’ Umbria

Regarder un animal mourir
Réflexions post-corrida
Louise ChennevièreLorsque l’on parle de corrida, les avis sont souvent tranchés et les arguments bien codés. Aux progressistes la dénonciation d’un spectacle cruel, inutile et d’un autre âge, aux conservateurs la défense d’une tradition précieuse et vénérable. L’écrivaine Louise Chennevière, à qui l’on doit notamment Comme une chienne et Pour Britney (P.O.L.) s’est rendue pour la première dans une arène. Elle en est ressortie avec ce texte qui propose de bouleverser nos repères quant à la cruauté, les animaux et la mort.
19 mai 2025
Ghassan Salhab

Je fais bouillir et je mange mon cœur

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

« Our name »
Gaza, chronique d’une semaine dernière
par Natacha Samuel6/05
Mon grand père est mort à Auschwitz avec tous les siens ma grand mère est la seule à en être revenue (ses frères ses parents et tous les autres – morts) et je dis : jamais je n’irai vivre dans un pseudo état juif qui en a usurpé le nom je reprends le nom que je chéris et je dis : cet état judéo-chrétien – si quelque chose doit porter ce nom c’est bien lui, peut être même lui seul – n’est pas notre refuge mais le signe de notre défaite, je renonce à tout droit de citoyenneté qui m’y lierait, rien ne m’enverra jamais dans cet état en l’état
Sur l’autisme, la psychose et leurs interprétations sauvages
Le ratage de Pulsion de Sandra Lucbert et Frédéric Lordon
par Olivier BrissonSandra Lucbert et Frédéric Lordon présentent leur livre Pulsion comme un retour à la psychanalyse, relue à travers un prisme spinoziste, pour penser les formes contemporaines de subjectivation. Mais ce retour, sous des allures de radicalité, ressuscite un certain pathologisme sourd aux dires des premiers concernés. Quand il s’agit d’autisme ou de psychose, le discours de Pulsion en reste à des catégories cliniques figées et particulièrement négatives. Ce texte interroge ce retour en arrière théorique et ses effets politiques : comment penser les subjectivités ’hors-normes’ autrement que comme ratées ? Comment réarticuler les outils psychanalytiques à une critique sociale vivante, informée, située ? Et que révèle cette surdité persistante à des voix qui ne s’inscrivent pas dans la grammaire ordinaire du rapport à l’autre ?
du tac au tact
Qu’est-ce que le GAZA CINÉMA ?
[Ciné-tract]Qu’est-ce que le GAZA CINÉMA ?
Rien
Que peut-il ?
Quelque chose
Nous voulons nager dans la Seine et dans les canaux d’Ile-de-France
Un collectif de nageurs et nageuses d’Île-de-France

La France n’a pas attendu Léon Marchand pour être un pays de nageuses et nageurs. Si la pratique de la natation de masse s’est d’abord développée à partir de la nécessité biopolitique de prévenir les noyades et donc d’apprendre à tous les élèves de primaire à nager, elle s’est sûrement incorporée au goût des français. Chaque année à Paris, ce ne sont pas moins de 7 millions de nageurs qui passent les tourniquets de leur piscine de quartier, athlètes, scolaires et batifoleurs compris. Pourtant, qui s’est déjà aventuré dans un bassin de 25m sur l’heure du midi sait à quel point le plaisir de glisser dans l’eau et de se raffermir l’esprit est contrarié par la sur-affluence et des horaires d’ouverture mesquins (scolaires obligent). Il existe pourtant une solution très simple et à portée qui permettrait de libérer et diffuser les pratiques aquatiques : la nage urbaine. C’est ce que revendique un collectif de nageuses et nageurs franciliens dans cette tribune, délivrer la Seine de l’industrie pour la rendre au bien commun et aux maillots de bain. Mais comme toute revendication minimale et de bon sens dans une époque aussi dégradée, elle implique de tout bouleverser.

« Notre seule éthique est celle de l’efficacité et du résultat »
Une critique anarchiste d’Anti-Tech Resistance
par Nicolas BonanniEn réaction à la dévastation du monde par le capitalisme industriel, une nouvelle organisation écologiste radicale est récemment apparue sur les réseaux sociaux et lors de manifestations ou d’évènements publics : ATR pour Anti-Tech Resistance, milite pour le démantèlement du système technologique. Nicolas Bonanni [1] propose ici une critique des positions politiques et pratiques de cette nouvelle organisation qui, selon lui, dévoie la pensée écologiste et promeut des pratiques militantes à la fois autoritaires et managériales en valorisant une pseudo-« efficacité » qu’ils opposent à l’éthique. S’il s’agit de démanteler la domination technologique, tâche pour le moins urgente et nécessaire, cela ne peut s’envisager, pour lui, que de manière anti-autoritaire et égalitaire.
« Nous avons toujours été en guerre »
À propos d’Idées pour retarder la fin du monde d’Ailton Krenak

Ailton Krenak est ce que les Blancs (les Brésiliens et avec eux les autres Blancs) appellent un « Indien ». Parce que les « découvreurs » espagnols et portugais de l’Amérique, partis chercher une nouvelle route des Indes, avaient cru les avoir trouvées en abordant qui dans les Caraïbes, qui sur les côtes de ce qui allait devenir le Brésil, les gens qu’ils rencontrèrent là-bas étaient forcément des Indiens. Mais « le Brésil n’a jamais existé », affirme Ailton Krenak, « le Brésil est une invention. Elle est née précisément de l’invasion, d’abord par les Portugais, poursuivie par les Hollandais, puis encore par les Français, qui se sont tous passés le mot d’ordre pour ne jamais interrompre cette invasion ». Il faut prêter l’oreille à ces derniers mots : l’invasion se poursuit. Il s’agit d’un génocide – pardon, de dizaines de génocides, puisque l’on parle ici de dizaines de peuples exterminés par le fer et le feu, et aussi par les virus et autres bactéries apportées par les envahisseurs. On commence à le savoir. Ce que le monde blanc n’a pas encore admis, c’est qu’en prolongeant cette invasion et ce cosmocide, il prépare lui-même les conditions de sa propre perte – peut-être aussi celle de ce qu’il nomme « l’humanité », laquelle, pour Krenak, n’existe pas plus que le Brésil.

Le dernier mot
Comment la sortie du « pays d’Égypte » pour le peuple juif, a-t-elle pue enfermer les palestiniens dans ce même « pays d’Égypte » ?
par Mathieu YonMathieu Yon est paysan, chrétien, mystique, syndicaliste et auteur de Notre lien quotidien. Le besoin d’une spiritualité de la terre, livre à propos duquel nous l’avions interviewé dans lundisoir. En plein Covid, il nous avait confié un texte précieux sur l’interdiction des rituels funéraires, intitulé Je ne vous pardonnerai pas, il avait été plus plus de 200 000 fois. Cette semaine, il aborde le débat « sionisme/antisionisme » et dit se sentir dans le film L’ange exterminateur de Luis Bunuel et pose une question à tous : « comment ne pas mourir de honte dans les sépulcres blanchis de nos bonnes consciences ? ».
Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*