
Marc de Cacqueray-Valménier, héritier d’une haine décomplexée : anatomie d’un néonazi français
De l’aristocratie aux ratonnades : portrait d’un militant d’extrême droite fasciné par la violence
Il a un nom à rallonge, un visage juvénile, une assurance inquiétante et une haine profondément ancrée dans le regard. Marc de Cacqueray-Valménier est aujourd’hui l’un des visages les plus connus – et redoutés – de l’ultradroite violente en France. Ce samedi 10 mai 2025, il a de nouveau défilé en tête du cortège néofasciste organisé par le Comité du 9-Mai (C9M) à Paris. Une manifestation tolérée, encadrée par la police, malgré ses références explicites à des symboles nazis, ses slogans racistes et la présence d’individus lourdement condamnés pour violences.
Marc n’est pas un militant ordinaire. Il incarne une génération d’extrémistes qui ne se cache plus, qui s’affiche sur les réseaux sociaux, dans les rassemblements, dans les vidéos de propagande. Un militant qui ne se contente pas de paroles ou de drapeaux, mais qui frappe. Qui orchestre. Qui revendique.
Les racines d’un fascisme mondain : une famille entre tradition, intégrisme et extrême droite
Né en 1995 ou 1996, Marc de Cacqueray-Valménier est issu d’une famille catholique très conservatrice, monarchiste et profondément ancrée dans la bourgeoisie française. Le nom “de Cacqueray” n’est pas inconnu : certains de ses proches sont liés à des cercles intégristes, voire à l’Action française. Il aurait étudié dans des écoles privées traditionalistes, proches de la Fraternité Saint-Pie X, où l’enseignement mêle autorité, dogme religieux et rejet du monde moderne. Il n’a pas grandi dans la précarité ou les cités ; il a été élevé dans un cadre structuré, élitiste, avec une vision du monde binaire : l’Occident blanc chrétien contre “les autres”.
C’est dans ce terreau que s’enracine son militantisme. Il entre très jeune dans les milieux nationalistes, d’abord via des cercles proches de Civitas, puis plus radicalement au sein du groupuscule Zouaves Paris, une organisation violente, viriliste et néofasciste, officiellement dissoute par le gouvernement en janvier 2022. Une dissolution largement symbolique, tant les membres – dont lui – ont poursuivi leurs activités sous d’autres bannières.
Un CV judiciaire long comme une marche fasciste
Marc de Cacqueray-Valménier ne se contente pas de discours. Il frappe. Plusieurs fois, méthodiquement.
En décembre 2021, il orchestre l’attaque du meeting d’Éric Zemmour à Villepinte. Alors que des militants de SOS Racisme déploient une banderole dénonçant les propos du candidat d’extrême droite, ils sont violemment agressés. Poings, pieds, insultes racistes : la scène est filmée, diffusée en boucle. C’est un choc. Mais il faudra attendre janvier 2024 pour qu’il soit condamné à 18 mois de prison, dont 9 ferme. Il fait appel, évidemment.
Ce n’est pas tout. En 2020, avec les Zouaves, il participe à l’attaque du bar antifasciste Le Saint-Sauveur, dans le 2e arrondissement de Paris. Bar dégradé, clients intimidés, vitres brisées. Là encore, le tribunal reconnaît la motivation politique et la préméditation.
En 2022, lors du match France-Maroc à Paris, plusieurs militants d’ultradroite s’organisent pour mener une expédition raciste dans la capitale. Vidéos à l’appui, plusieurs suspects sont identifiés – dont Marc. Mais la procédure est annulée pour vice de forme. Le militant repart libre.
Régulièrement, il est également aperçu dans des actions menées contre des associations LGBTQ+, contre des collectifs de soutien aux migrants ou lors de commémorations historiques liées à la Résistance. Son but : harceler, intimider, occuper le terrain. À chaque fois, il agit en bande, souvent masqué, toujours structuré.
Le 10 mai 2025 : quand les néonazis paradent sous les yeux de la République
La scène est surréaliste. Samedi, entre Montparnasse et Port-Royal, plusieurs centaines de militants néofascistes, aux visages fermés, défilent au pas, torse bombé, drapeaux noir et blanc levés. La police encadre la procession, empêche les contre-manifestants de s’approcher. Parmi les chants, on entend des slogans comme “Europe jeunesse révolution” ou des références codées au IIIe Reich. Sur les bras, les tatouages arborent des croix celtiques, des runes SS, parfois même des croix gammées dissimulées.
Et à la tête du cortège : Marc de Cacqueray-Valménier, donnant des ordres, entouré d’un service d’ordre aussi organisé que menaçant. Lorsqu’il s’approche de la rue des Chartreux, lieu de la mort du militant Sébastien Deyzieu – devenu martyre de l’extrême droite – il hésite. Il ne sait plus quelle rue prendre. Ce sont des journalistes qui lui indiquent le bon chemin, presque malgré eux. La scène pourrait être comique si elle n’était pas si dérangeante.
La cérémonie qui suit, dans une cour intérieure privée, ressemble à un véritable culte : gerbes de fleurs, minute de silence, bras tendus parfois à la limite du salut nazi. On y commémore un militant mort en 1994 en fuyant une charge de CRS après une manifestation contre la répression policière… un détournement habile de la mémoire des victimes de violences d’État, cette fois au profit d’un militant fasciste.
Une République passive, une police conciliante, une presse muselée
Le plus glaçant, dans cette affaire, ce n’est pas seulement la persistance de ces cortèges. C’est leur tolérance étatique. Le ministère de l’Intérieur, prompt à interdire une manifestation pro-palestinienne ou un concert de rap, autorise chaque année cette marche néofasciste, prétendument “mémorielle”. Les services de renseignement connaissent tous les noms. Ils savent qui défile, qui organise, qui recrute. Mais la logique semble être celle du laisser-faire, tant que “l’ordre public” est maintenu. Autrement dit : tant que les fascistes ne cassent pas de vitrines, ils peuvent chanter en paix.
Les contre-manifestants, eux, sont rapidement dispersés, tenus à distance, parfois même verbalisés. Les journalistes sont invités à se faire discrets. La scène ressemble plus à un théâtre d’intimidation qu’à une marche autorisée par une démocratie.
Une figure toxique pour la jeunesse radicalisée
Marc de Cacqueray-Valménier n’est pas seulement un agitateur. Il est aussi un modèle pour une partie de la jeunesse fascisante. Il est suivi sur Telegram, ses vidéos circulent dans des groupes Discord, ses actions sont glorifiées dans les sphères d’extrême droite européenne. Il incarne une forme de “style” : discipline, violence légitimée, culture viriliste, nationalisme racial. Il est le “héros” de ceux qui rêvent d’un retour au national-socialisme, dans une France blanche, virile, purifiée.
Et c’est peut-être cela, le plus dangereux : cette capacité à rendre la haine séduisante, à glamouriser la violence, à imposer une figure de chef, jeune, cultivé, structuré, dans un monde où les repères s’effacent.
Quand l’inaction devient complicité
Combien de fois faudra-t-il voir Marc de Cacqueray-Valménier frapper, défiler, commander avant que la République ne réagisse ? Jusqu’où devra aller l’extrême droite radicale pour que les dissolutions soient suivies d’effets concrets ? En autorisant ces manifestations, en laissant ces figures occuper l’espace public, l’État prend le risque de banaliser l’extrémisme violent, de rendre normal ce qui devrait être combattu de toutes ses forces
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