Mardi 13 mai, Emmanuel Macron a occupé une soirée télévisée multi-sujets, et le lendemain François Bayrou a été entendu par la commission parlementaire d’enquête sur le contrôle des violences à l’école (son intitulé exact). Dans les deux cas, faussement cool le mardi soir, énervé, confus et agressif le mercredi, on a une impression de naufrage.
Précisons. Dans le cas de Macron, le président est déjà naufragé, mais il surnage et, profitant de l’arrêt, du côté gauche et du fait de la division, de toute menace réelle depuis janvier 2025, il utilise ses pouvoirs de président de la V° République pour se refaire au moyen de la situation internationale qui lui permet de se mettre en avant. La difficulté est pour lui de « transformer l’essai » à son bénéfice en reprenant l’initiative en politique intérieure. Il a donc pondu une fumisterie – une « convention citoyenne » sur les vacances scolaires ! – tout en évoquant un référendum par ci, un référendum par-là, sans avoir rien décidé ni annoncé au cours de ses monologues et faux dialogues du mardi 13 mai au soir, qui ont à l’évidence lassé les téléspectateurs – beaucoup de monde au début, plus personne à la fin.
Dans le cas de Bayrou, le naufrage s’effectue en direct mais il est déplaisant, car ce monsieur s’avère un piètre personnage près à tenter de faire passer pour folle une enseignante lanceuse d’alerte et à prétendre n’avoir rien su des violences systématiques d’un établissement qu’en tant que notable local il subventionnait abondamment et dont c’était la réputation, où il envoyait ses enfants et dont il était l’allié politique et clérical des dirigeants pendant des décennies. Il est vrai que dure est la réalité : Betharram était la caverne – l’une des cavernes, pas la seule, mais dans les lieux clos du catholicisme elles sont pléthores – des coups, des humiliations et des viols. Bayrou a choisi d’attaquer, de manière totalement brouillonne et désespérée, et donne un piteux et triste spectacle.
Ces messieurs tentent dans leur défense de pitres dangereux, de se servir du fait que l’un des corapporteurs de la commission, Paul Vannier, est à LFI, oubliant que sa corapportrice, Violette Spillebout, est une ci-devant macronienne. Rien de plus grotesque que leur manière de faire croire à un « procès à la soviétique » ! Ce qui les horripile, en réalité, c’est que de telles commissions, comme déjà sur l’affaire Benalla, sont devenues dans ce pays les seules institutions parlementaires dotées d’une quelconque efficacité. Et c’est trop pour eux.
Bayrou en chute libre voudrait bien en finir avec l’existence même du parlement : quand Macron eut sa première idée de génie (de village) d’une « convention citoyenne », il voulut montrer que lui aussi il peut avoir son hochet et lança « l’idée » d’un référendum sur le futur budget 2026 et ses « quarante milliards d’économies pour rembourser la dette [soi-disant] publique » !
Idée de casse-cou qui a fait chuter la confiance de ses propres partisans directs : un Non à tel référendum ne serait-il pas une magnifique victoire démocratique ? Que n’inventerait-t-on donc pas pour finir de tuer l’Assemblée nationale !
Elle a pourtant du mal à ressusciter. Le 5 juin prochain, le groupe PCF utilisera sa niche parlementaire pour soumettre une résolution qui comporterait l’abrogation de la loi Macron sur les retraites. Fort bien. Mais pourquoi pas une loi abrogeant réellement celle-ci ? Une résolution majoritaire aurait certes une forte signification politique, mais ne serait pas contraignante pour l’exécutif, ce serait juste un vœu …
Ainsi, depuis qu’elle existe, cette assemblée à travers ses différents groupes d’opposition et notamment ceux qui, en formant le NFP, y ont la majorité relative, s’est-elle consciencieusement retenue d’abroger la loi retraite de Macron, dont, rappelons-le, Eric Coquerel nous promettait en septembre 2024 que d’ici Noël, ce serait fait !
Le spectacle de Macron et celui de Bayrou montrent un exécutif en déliquescence, capable de s’affaiblir tout seul sans aide extérieure. Le seul point apparemment fort, la politique extérieure de Macron, montre ses limites : pas de rupture avec Trump, dont pas de cessez-le-feu ni en Ukraine ni à Gaza et pas d’aide massive immédiate pour que l’Ukraine résiste à l’offensive que la Russie en pleine fuite en avant militariste risque d’y tenter si ce n’est pas sur la Baltique ; pas de rupture avec Trump, donc pas de coup sur Netanyahou comme le serait le fait d’apporter une escorte armée à l’aide humanitaire à Gaza, mais des phrases et encore des phrases. La puissance moyenne en talonnettes qu’est l’impérialisme français avec son président ne peut en aucun cas prendre la place du combat des peuples contre l’Axe néo-fasciste Trump/Poutine dont Netanyahou est la prolongation.
La division à gauche, entretenue notamment par la fausse radicalité de LFI qui est depuis l’été 2024 la meilleure protection apportée à Macron, étouffe pour l’heure l’irruption des masses qui en finirait avec cet exécutif déliquescent, ouvrirait la crise du régime en imposant la démocratie, et, par cette issue, battrait le RN de la seule manière possible. Les directions syndicales pourraient briser cet étau en appelant par exemple à la grève pour gagner avec manifestation à l’assemblée le 5 juin, mais elles s’en gardent.
Cette fausse stabilité dans l’instabilité peut-elle durer jusqu’aux présidentielles théoriquement prévues en 2027 ? C’est peu probable.
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