Nous n’avons jamais été Français — et alors ?

Commentaire de Jean-Mau, en réponse au billet de Blog de Jibril

 15 mai 2025

On ne nous a jamais aimés — seulement tolérés, à condition de nous taire. Alors on a appris à parler autrement : avec le silence des pères, la mémoire des mères, et le feu des ancêtres. Non, nous ne sommes pas Français — et alors ? Ce n’est pas un rejet, c’est une fidélité. À nous-mêmes, à nos morts, à une histoire qu’aucun papier n’efface.

Nous n’avons jamais été Français — et alors ?

On a voulu faire de nous des citoyens sans mémoire, des silhouettes dociles, des prénoms rognés, rabotés, des cheveux lissés pour mieux passer dans les interstices d’une République qui n’a jamais su aimer ces enfants d’ailleurs.

La France a voulu nous fondre dans son moule, lisser nos voix, blanchir nos regards — trop fiers, trop marqués, trop pleins d’une mémoire qu’elle ne voulait pas voir. Mais l’Histoire ne meurt pas. Elle se tait parfois, elle se tapit dans nos veines, dans les gestes de nos mères, dans les colères que nos pères n’ont jamais osé laisser exploser.

Nous n’avons jamais été Français. Et alors ?
Ce n’est ni un aveu, ni une blessure. C’est une ligne droite.
C’est un fait sec, sans larmes ni colère. Une vérité nue, plantée au milieu d’une société qui préfère les identités aplaties aux existences entières.

Ce que je dis là n’est pas un refus d’appartenance, c’est une fidélité à ce que nous sommes.
Nous ne sommes pas une équation à simplifier, ni une erreur à corriger. Nous sommes une présence longue, enracinée, entière. Indomptée.

Nous ne sommes pas des victimes. Nous sommes les porteurs d’une mémoire indestructible.
Les héritiers d’un peuple qui a tenu 132 ans face à l’Empire, sans jamais déposer les armes de sa dignité.
Nous avons en nous le sang de ceux qui ont affronté la puissance coloniale sans trembler.
Nous ne descendons pas de vaincus : nous sommes les fils d’un soulèvement.
Chaque silence de nos parents est un chapitre non écrit de cette victoire inachevée.

On nous regarde comme des anomalies sociologiques, des statistiques inquiétantes, des sujets de débat.
Mais l’anomalie, c’est cette République qui n’a jamais voulu reconnaître ce qu’elle a brisé, ce qu’elle a déplacé, ce qu’elle continue de nier.
L’anomalie, c’est une démocratie qui parle d’universalisme en nous assignant à la marge.
Nous ne sommes pas des corps étrangers : nous sommes les fragments d’une histoire que la France tente encore de censurer.

Nous ne voulons pas être intégrés. Intégrer, c’est diluer. Intégrer, c’est abandonner.
Nous n’avons pas traversé la Méditerranée pour nous dissoudre.
Nous sommes venus avec nos langues, nos rites, nos souvenirs et nos morts.
Nous sommes venus avec notre verticalité.
Nous ne sommes pas un excédent humain à gérer : nous sommes un retour.
Le retour d’une mémoire que l’on croyait enfoui, mais qui marche, parle, aime, élève, et transmet.

La France nous veut reconnaissant. Comme si l’oubli était un dû.
Comme si notre silence était un hommage.
Mais notre simple présence est une insurrection tranquille.
Nos noms sont des totems, des bannières dressées dans ses rues.
Nos voix sont les échos de ceux qu’elle a voulu faire taire.
Nos visages disent ce que la République tait : l’empire est mort, mais son ombre persiste.

Je ne suis pas un Français raté. Je suis un Algérien complet.
Aujourd’hui, je me tiens droit, je parle. Non pour convaincre. Mais pour affirmer. Affirmer que je suis entier. Que je n’ai rien à renier. Que je n’ai rien à quémander.

Je n’ai pas honte de ce que je suis.
J’ai honte pour ceux qui ont tenté de faire de nous des sous-hommes dociles.
Ceux qui ont cru qu’en nous donnant des papiers, ils nous couperaient de nos racines.
Mais ces racines sont profondes. Elles traversent la Méditerranée, les murs, les siècles.
Elles s’enroulent autour de l’Histoire, elles résistent aux politiques, aux lois, aux regards méprisants.

L’Algérie est en nous. Non comme une nostalgie, mais comme une vitalité intacte.
Elle est dans nos silences, nos éclats, nos refus.
Elle est vivante, intransigeante, non négociable.
Elle n’est pas un souvenir : elle est un futur.

Alors non, nous ne sommes pas Français. Et alors ?
Nous sommes bien plus.
Nous sommes la mémoire ardente d’un monde qu’on a voulu effacer.
Nous sommes la continuité d’une civilisation blessée, mais debout.
Nous sommes la diaspora qui écrit, qui crée, qui aime, qui construit.
Et surtout, nous sommes ceux qui, quoi qu’il arrive, restent barbares.


De Jean-Mau, en réponse au billet de Blog de Jibril

MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, face au génocide du peuple palestinien annoncé et en cours depuis 590 jours par les dirigeants israéliens, vous devez cesser de soutenir objectivement ces criminels de guerre. Vous pouvez encore échapper à l’opprobre qui frappe ceux, qui comme Philippe Pétain il y a 100 ans dès la guerre du Riff,
se laissèrent aller à d'impardonnables compromissions.
Il vous faut enfin concevoir que dans la tête d'un nombre certains d’israéliens
d’hui, tous petits ou arrière-petits-enfants de juifs diabolisés par une chrétienté relayée par la majorité des dirigeants nationalistes européens des 2 siècles passés, l’attrait du militarisme nazi aura fini par triompher en une manière "d'Israël über alles".
Monsieur le Président, bougez-vous le cul avant que ce ne soit trop tard.

Percevoir la mesure d’un présent qui obscurcit tous nos avenirs, lire &
partager : Le passé génocidaire de la France en Algérie Par Youssef Girard (International Solidarity Movement – ISM-France – Soutien aux luttes de libération du peuple palestinien

Dans une France postcoloniale structurée par le racisme, seuls les crimes de masse
contre l’homme blanc peuvent être pleinement reconnus comme des crimes contre l’humanité puisque les attributs de l’humanité ne sont pas entièrement reconnus aux non-occidentaux.
En effet, si les crimes d’Hitler sont pleinement reconnus comme tels par la France officielle, c’est avant tout parce que ses victimes sont considérées comme appartenant de plein droit à l’humanité. A l’instar de l’ensemble des peuples non-occidentaux, les Algériens n’ont pas ce privilège. Comme durant la période coloniale, la France officielle continue à traiter les Algériens et l’ensemble des non-occidentaux comme des sous-hommes. Le négationnisme
de la France officielle quant à son histoire coloniale nous rappelle ce qu’Aimé Césaire dénonçait déjà au lendemain de la guerre 1939-1945 dans Discours sur le colonialisme.
Selon lui, les Occidentaux ne reprochent pas à Hitler « le crime en soi, le crime contre l’homme, » « l’humiliation de l’homme en soi, » mais « le crime contre l’homme blanc », c’est-à-dire « d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique. » (23).
Jean-Maurice – 16 mai  2025.    Forcalquier

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