
Ce n’était qu’une question de temps. Une nouvelle étude montre que limiter le réchauffement planétaire à +1.5°C est désormais inatteignable.
Cette annonce aura de très lourdes conséquences politiques, économiques et sociales. Nous savions depuis la sortie du rapport du GIEC en août 2021 que tous les scénarios SSP repris par le GIEC anticipaient un dépassement de ce seuil. Pierre Friedlingstein, auteur du groupe 1 du GIEC, disait en fin d’année 2023 qu’il “semble désormais inévitable que nous dépassions l’objectif de 1,5°C de l’Accord de Paris“.
Cette fois-ci, c’est démontré dans une étude impliquant plus de soixante chercheurs, dont des chercheuses et chercheurs du CNRS, de Météo-France, du CEA et de Mercator Ocean International. Ils estiment qu’au rythme actuel des émissions et avec le budget carbone restant, ce seuil serait atteint dans un peu plus de 3 ans. Un échec mondial et collectif. Un échec des gouvernements dont les promesses répétées sont transformées automatiquement en mensonges.
L’objectif +1.5°C enterré
Dans un article s’intitulant “Quand allons-nous dépasser l’objectif +1.5°C ?“, nous expliquions que sauf évènement exceptionnel comme une météorite tuant la quasi totalité de la population humaine, nous allions dépasser ce fameux seuil indiqué dans l’Accord de Paris :

D’après Yann Robiou Du Pont, chercheur à l’Université d’Utrecht, “L’objectif est bien de limiter le changement climatique à 1.5°C. Bien en deçà de 2°C est une limite à ne pas dépasser.”.
Si l’année 2024 dépassait déjà (sur une année) le seuil de +1.5°C à l’échelle mondiale, un jour ou même une année au-dessus de +1,5°C (ou 2°C) ne signifie pas que le monde a dépassé cet objectif de température.
En effet, après avoir utilisé une moyenne mobile de 30 ans dans le rapport spécial 1.5, le GIEC utilise dans son 6e et dernier rapport des moyennes mobiles de 20 ans, approuvées par tous les gouvernements, pour définir la durée de franchissement des seuils de température globale. Lisez notre article sur le sujet pour en savoir plus.
Les émissions de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter en 2024
A l’instar des estimations du Global Carbon Budget 2024 où les émissions de CO2 avaient augmenté de 0,8 % en 2024, cette étude confirme que les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont continué d’augmenter en 2024, battant ainsi le niveau record de 55 milliards de tonnes de CO2eq établi en 2023. Ces émissions proviennent de la consommation d’énergies fossiles et de la déforestation.

Les incertitudes sont de ±8 % pour le CO2-FFI, ±70 % pour le CO2-LULUCF, ±30 % pour le CH4 et les gaz fluorés, et ±60 % pour le N2O, ce qui correspond à un intervalle de confiance de 90 %.
En 2024, le réchauffement dû aux activités humaines atteint 1,36° C. C’est un réchauffement rapide et qui est dans le domaine des possibles, répondant aux hypothèses qui pensent que le réchauffement s’accélère plus qu’attendu.
Chaque semaine, nous filtrons le superflu pour vous offrir l’essentiel, fiable et sourcé
Le budget carbone épuisé en un peu plus de 3 ans ?
Si vous avez lu notre article sur “quand nous allons dépasser l’objectif +1.5°C“, vous savez qu’annoncer une date précise est un exercice risqué.
D’après cette nouvelle étude, à partir du début de l’année 2025, l’estimation du budget carbone résiduel permettant d’avoir une chance sur deux de limiter le réchauffement à 1,5° C n’est plus que de 130 milliards de tonnes de CO2.

Au niveau actuel d’émissions, ce budget serait épuisé en un peu plus de trois ans. Notez que le CO2 n’est pas le seul gaz à effet de serre à participer au réchauffement climatique et que le méthane joue aussi un rôle déterminant. A l’instar de cette étude qui vient tout juste de paraitre, le GIEC en parlait lors de la sortie de son rapport en août 2021 :
Pour limiter le réchauffement, il faudra des actions fortes, rapides et durables de réduction des émissions de CO2, de méthane mais aussi des autres gaz à effet de serre. Cela réduirait non seulement les conséquences du changement climatique mais améliorerait aussi la qualité de l’air.
“La prochaine cible n’est pas +2.°C, mais +1.51°C”
Il faudra suivre lors des prochaines semaines et mois à venir la communication des gouvernements. Les seuils de +1.5°C et de +2°C sont déterminants, certains pays ayant des dégâts irréversibles à cause du réchauffement climatique. Les discussions autour des Pertes et Dommages reprendront de plus belle : qui paiera les conséquences du changement climatique ?
Concernant la communication des gouvernements, il faudra désormais considérer toute promesse de maintenir le réchauffement climatique à +1.5°C comme un mensonge. C’était déjà le cas, mais certains arrivaient encore à parler de croissance verte, de capitaliste vert et durable pour respecter ce seuil.
Il est certain que Donald Trump n’aidera pas à inverser la tendance. Mais ne regarder que ce qu’il se passe aux Etats-Unis serait une erreur. En France, le gouvernement Macron détricote avec minutie des lois environnementales, permet le retour de pesticides interdits, valide des autoroutes inutiles comme l’A69, et nous venons de voir l’Assemblée nationale adopter la loi de simplification, avec, à l’instar de l’annulation des ZFE, plusieurs retours en arrière sur le plan écologique.
En d’autres termes, arrêtons de regarder Trump, il se passe la même chose en France. Agissons là où nous avons les moyens d’agir et d’obtenir des résultats. Une remise en question est urgente et nécessaire, y compris des personnes engagées pour le climat et la préservation de la biodiversité. Si l’écologie bienveillante et positive à la sauce Linkedin n’a pas marché depuis 30 ans, c’est bien qu’il faut essayer d’autres moyens de dialoguer, d’agir, de changer ce système.

Poster un Commentaire