AFFAIRE PARMENTIER LA DEPUTEE ET SES ECRITS RACISTES

Signalé par Nelpal

Quand Marine Le Pen tirait « un grand coup de chapeau » au journal pétainiste de son amie Caroline Parmentier

Alors que la députée Parmentier n’a jamais renié ses écrits haineux publiés dans « Présent », la leadeuse du RN a parlé, jeudi, d’un journal qui lui a « mené une guerre politique ». En 2013, elle saluait pourtant « la liberté » du quotidien dans un entretien mené par… Caroline Parmentier, qu’elle a ensuite embauchée au parti.

Youmni Kezzouf

« Je ne réponds pas à Mediapart, jamais, depuis vingt ans. » Questionnée jeudi 19 juin, en marge de sa visite du Salon international de l’aéronautique et de l’espace sur les écrits racistes, antisémites et homophobes de la députée Caroline Parmentier, Marine Le Pen a d’abord refusé de s’exprimer.

Relancée par un journaliste du Monde pour savoir si Caroline Parmentier pouvait rester une élue du Rassemblement national (RN) compte tenu de ses déclarations passées, Marine Le Pen a tenté de balayer la question : « Est-ce que sérieusement vous pensez que vous m’apprenez que Présent était à l’opposé de la pensée qui était la mienne ? J’espère que c’est une plaisanterie, vous êtes trop jeunes pour avoir connu le conflit qui m’a opposée à ce journal, qui m’a mené une guerre politique. » En 2013, la même Marine Le Pen avait pourtant salué « la liberté » du quotidien pétainiste dans un entretien mené par son amie, qu’elle a ensuite embauchée au parti.

Jusqu’ici, seul·es quelques député·es RN avaient apporté leur soutien public à leur collègue en répondant à un communiqué posté sur son compte X.

© Vidéo Mediapart

Marine Le Pen était pourtant nettement moins opposée au journal pétainiste Présent il y a quelques années. En décembre 2013, la patronne du Front national (FN) s’entretient alors avec la rédactrice en cheffe du journal, Caroline Parmentier justement, pour répondre aux critiques du camp traditionaliste qui a regretté son absence des manifestations contre le mariage pour tous. Elle en profite pour tirer « un grand coup de chapeau » au quotidien d’extrême droite, qui fêtait alors son 8 000e numéro et « réussit, dit-elle, à exister dans une ambiance d’hostilité à son égard », tout en reconnaissant « quelques moments de friction » avec le journal.

« La liberté de Présent, c’est d’être resté fidèle à lui-même, poursuit Marine Le Pen auprès de son amie. Il s’est choisi une ligne, il a tenu cette ligne. Il ne s’est jamais laissé embarquer dans des querelles de chapelles. C’est en cela qu’il a réussi à exister à travers le temps. » 

La « ligne » de Présent dont parle Marine Le Pen est celle d’un quotidien fondé par des nostalgiques de Charles Maurras et du maréchal Pétain, ouvertement antisémites, racistes et homophobes. Caroline Parmentier, qui n’a jamais renié les écrits exhumés par Mediapart, y a travaillé jusque fin 2018, avant d’être débauchée au RN par Marine Le Pen.

Dans le même entretien de 2013, Marine Le Pen avait aussi donné des gages à La Manif pour tous, assurant qu’elle reviendrait sur la loi Taubira en cas d’accession au pouvoir, car « le mariage doit être réservé à un homme et une femme » et qu’« expliquer à un enfant qu’il est né de deux pères ou deux mères est le pire des mensonges ».

Amies depuis leurs 25 ans

Dix ans plus tard, en octobre 2023, au micro de LCP, la députée du Pas-de-Calais Caroline Parmentier se confie en longueur sur sa proximité avec la cheffe de file du RN, qu’elle accompagne professionnellement depuis 2018… et personnellement depuis bien plus longtemps.

L’ancienne journaliste du quotidien d’extrême droite Présent est une amie de longue date de la triple candidate à l’élection présidentielle. « Je l’ai tout de suite trouvée sympathique, drôle, grande gueule, fine dans ses analyses politiques », se remémore la journaliste devenue députée, en racontant leur rencontre, dans les années 1990, lors d’une fête du Front national.

« On avait deux ans d’écart, on était toutes les deux divorcées, on avait toutes les deux trois enfants qui avaient les mêmes âges », poursuit l’élue, que Le Monde qualifie de « quasi-sœur » de Marine Le Pen. Louis Aliot, vice-président du parti d’extrême droite et ancien compagnon de la patronne des député·es RN, raconte dans les mêmes colonnes qu’elle est ensuite devenue « une amie » du couple.

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Marine Le Pen et Caroline Parmentier en campagne électorale à La Tour-du-Pin (Isère) le 14 septembre 2021. © Photo Alain Robert / Sipa

Caroline Parmentier évolue pourtant dans des sphères radicales d’ordinaire peu tendres avec Marine Le Pen. Journaliste depuis 1988 à Présent – titre dont elle prendra la rédaction en chef , elle y suit l’actualité du parti d’extrême droite, en plus des questions de police et des informations cinématographiques. Héritier de Charles Maurras et admirateur de Pétain, le quotidien nationaliste, de tendance catholique intégriste, est le tenant d’une ligne qui s’accommode mal des tentatives de « dédiabolisation » de la fille de Jean-Marie Le Pen.

En décembre 2010, Marine Le Pen déclare ainsi, en meeting à Montpellier (Hérault), qu’elle est « opposée à voir revenir dans le FN des groupuscules radicaux, caricaturaux, anachroniques »« Entre les catholiques, les pétainistes et les obsédés de la Shoah, ça ne me paraît pas cohérent », ajoute-t-elle.

Quelques semaines après ce meeting, celle qui prendra la tête du FN un mois plus tard s’explique dans les colonnes de Présent, face à une Caroline Parmentier qui dit s’être « sentie visée » : « On ne peut pas construire un programme politique autour de la problématique de l’avortement, de la place de Pétain dans l’histoire, et de l’influence ou de la non-influence du lobby juif, affirme Marine Le Pen. Je remarque que certains de ces groupuscules ont des obsessions qu’ils veulent imposer au Front national. » Avant de nuancer : « Si, à titre individuel, ces personnes veulent entrer au Front national, ils pensent ce qu’ils veulent. »

En octobre 2023, toujours sur LCP, Caroline Parmentier raconte également comment l’arrivée de Marine Le Pen aux manettes du parti d’extrême droite a entraîné, dans le petit quotidien nationaliste, « une scission entre ceux qui voulaient rester proches de Jean-Marie Le Pen […] et moi, qui voulais que ce soit Marine ». « On s’est bien battus, ça a été ardu, dit-elle. Et je suis devenue rédactrice en chef. » Un an plus tard, en 2012, celle qui vient de perdre sa première élection présidentielle fait la une du journal pétainiste. Elle est présentée comme la « première opposante de France » sous la plume de Caroline Parmentier.

Au carrefour de deux RN

C’est donc cette tenante d’une ligne ultraréactionnaire que Marine Le Pen a débauchée en 2018, après le fiasco du second tour de sa deuxième présidentielle et le départ de Marion Maréchal du parti. « C’est par amitié pour elle que je suis venue », a confirmé Caroline Parmentier sur LCP, qui a abandonné son emploi de journaliste pour devenir attachée de presse de la présidente du RN. Coincée entre sa volonté d’éloigner son parti de certaines outrances incarnées par son père – et par le quotidien Présent – et le besoin de ne pas se couper d’une base radicale, Marine Le Pen trouve en son amie une alliée de choix pour naviguer entre ces deux dynamiques.

L’ancienne journaliste entreprend alors un chantier de normalisation des rapports de Marine Le Pen avec la presse. Avec un objectif : une « dédiabolisation » cosmétique, qui passe notamment par un changement d’image de la présidente du RN. Elle revendique ainsi d’avoir convaincu les photographes et leurs rédactions d’arrêter de faire « des photos moches » de son amie. « Cela a été bien compris et aujourd’hui je n’ai plus à le faire », se satisfaisait-elle auprès de Mediapart en 2022.

Caroline Parmentier organise également, dès sa prise de fonctions au parti, de nombreux déjeuners avec les patron·nes de presse, afin de tenter d’influer le traitement des rédactions – elle parle de « déshystérisation des rapports ». Elle combat aussi farouchement l’utilisation du qualificatif d’« extrême droite » pour désigner le RN… avec un certain succès.

Aux côtés de Marine Le Pen, c’est encore elle qui organise le boycott de BFMTV à l’été 2020, mécontente du traitement réservé au RN par la chaîne. C’est elle qui déjeune, selon les informations de L’Express, avec les dirigeant·es de la rédaction pour mettre fin à la brouille. Deux ans plus tard, c’est elle toujours qui s’insurge du recrutement par BFMTV d’une ancienne journaliste de « Quotidien » – émission toujours interdite de meetings – pour suivre l’actualité du parti, en remplacement d’un reporteur jugé très proche du mouvement d’extrême droite, comme l’ont raconté Le Monde et Mediapart.

Attachée de presse bis

Lors de la campagne présidentielle de 2022, c’est encore sous l’impulsion de Caroline Parmentier que Marine Le Pen dévoile son amour pour les chats, se met en scène dans son jardin pour les besoins de l’émission « Une ambition intime » sur M6, raconte avec émotion la rupture avec son père sur le plateau de Cyril Hanouna, ou accepte d’être suivie pendant vingt-quatre heures par l’influenceuse Magali Berdah.

Son amie n’en abandonne pas pour autant ses convictions ultraconservatrices. Élue en 2022 députée du Pas-de-Calais, sur la circonscription voisine de celle de Marine Le Pen, Caroline Parmentier s’est à plusieurs reprises mobilisée sur les questions de société, comme lors des débats sur la constitutionnalisation du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en 2022 et 2024.

Celle qui, dans Présent, comparait l’avortement à un « génocide moral, idéologique et même physique », a milité pour que son parti laisse « une liberté de vote et de conscience » aux député·es RN. Lors du vote solennel, Marine Le Pen et la majorité des élu·es de son groupe ont voté pour. Son amie, elle, a préféré s’abstenir.

À l’Assemblée depuis trois ans, propulsée vice-présidente du groupe en 2024, Caroline Parmentier n’a pas non plus abandonné son ancien rôle. Elle continue de choyer certain·es journalistes qui suivent le parti d’extrême droite, avec lesquel·les elle a pris soin d’entretenir de bonnes relations lors de la dernière campagne présidentielle. Alors que les relations presse de Marine Le Pen et Jordan Bardella ont été confiées depuis 2022 à Victor Chabert, ancien journaliste d’Europe 1 et proche du président du RN, la députée reprend même parfois du service.

Lorsque Victor Chabert doit quitter temporairement ses fonctions en pleine campagne européenne pour des raisons de santé, c’est elle qui assure l’intérim des relations presse, en parallèle de son mandat de parlementaire.

Femme de confiance de Marine Le Pen, elle s’occupe également de certains dossiers sensibles et était encore à la manœuvre lors des obsèques privées de Jean-Marie Le Pen à La Trinité-sur-Mer (Morbihan), au mois de janvier. Après avoir exclu de l’église une journaliste du Monde, elle avait chargé la reportrice et son journal sur le plateau de Cyril Hanouna. Le Monde avait déposé une plainte après la vague de cyberharcèlement subie par sa journaliste.

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