
Bilan carbone de la guerre a Gaza….partage de Daniel Tanuro
Au 602ème jour, alors qu’Israël laissait de plus en plus planer la menace d’une attaque sur les installations nucléaires iraniennes, que les perspectives politiques et humanitaires ne s’amélioraient pas dans l’enclave assiégée, et que la police israélienne mettait 20 minutes à intervenir sur les lieux où deux chauffeurs de bus arabes avaient été attaqués par des supporters du club de foot de Jérusalem… une étude venait éclairer un aspect rarement évoqué de la « guerre » : son bilan carbone.
Bien sûr, il y avait déjà un moment que plus grand monde ne se souciait du climat ! D’ailleurs, le seuil symbolique de 1,5 °C de réchauffement planétaire — longtemps au cœur des préoccupations — était en passe d’être franchi dans une relative indifférence.
Vu l’ampleur des dégâts en tous genres que causaient les opérations militaires à Gaza, face auxquelles une large partie des pays occidentaux faisaient également l’autruche, il y avait donc vraiment peu de chances que cette information infléchisse un tant soit peu le cours des choses… et quand bien même le Proche-Orient comptait parmi les régions les plus exposées aux phénomènes météorologiques extrêmes et aux catastrophes climatiques à évolution lente (sécheresse, désertification, chaleurs extrêmes, pénuries d’eau…).
Toutefois, l’étude menée par le Social Science Research Network et publiée par The Guardian, avait le mérite d’amener des chiffres habituellement non comptabilisés dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Par exemple, elle estimait qu’au cours des 15 premiers de destruction de l’enclave (d’octobre 2023 à décembre 2024, soit environ 500 jours) :
• L’empreinte carbone de la « guerre » était déjà plus importante que les émissions annuelles de réchauffement de la planète d’une centaine de pays. Un peu comme si on avait ajouté sur la planète un pays industrialisé de taille moyenne !
• À long terme, le coût climatique de la destruction, du déblaiement et de la reconstruction de Gaza pourrait atteindre 31 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone, soit davantage que les émissions combinées du Costa Rica et de l’Estonie en 2023. Uniquement le transport par camions des débris et de la reconstruction des infrastructures démolies en 15 mois, allait produire plus de 29 millions de tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions générées en 2023 par des pays comme le Zimbabwe ou l’Afghanistan.
• À Gaza, l’énergie solaire générait jusqu’à un quart de l’électricité, ce qui représentait l’une des parts les plus élevées au monde. Mais la plupart des panneaux et l’unique centrale électrique de l’enclave avaient été endommagés ou détruits, laissant désormais reposer la majeur part d’accès à l’électricité sur des générateurs diesel qui avaient déjà émis plus de 130.000 tonnes de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Et puis, ceci :
• Le combustible de soute et les roquettes des milices palestiniennes représentaient environ 3000 tonnes de CO2, soit l’équivalent de 0,2% des émissions directes totales du conflit.
• La fourniture et l’utilisation d’armes, chars et autres munitions par l’armée israélienne réprésentaient environ 50% des émissions directes totales du conflit. Ce n’était guère étonnant : en 2024, les dépenses militaires d’Israël avaient atteint 46,5 milliards de dollars, soit une hausse de 65% par rapport à l’année précédente — la plus forte progression mondiale.
• Près de 30% des gaz à effet de serre provenaient de l’envoi par les États-Unis de 50.000 tonnes d’armes et fournitures militaires à Israël, principalement à bord d’avions-cargos et de navires en provenance de stocks situés en Europe. Un autre 20% était attribué aux missions de reconnaissance et de bombardement des avions israéliens, aux chars et au carburant des véhicules militaires, ainsi qu’au CO2 généré par la fabrication et l’explosion des bombes et des pièces d’artillerie.
Ainsi, l’étude mettait involontairement en lumière l’asymétrie absolue des puissances de feu en présence et le coût écrasant payé par la population de Gaza.
(Voir l’article du Guardian en commentaire)
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