Ils veulent condamner l’antisionisme

Caroline Yadan, François Hollande et Jérôme Guedj veulent condamner l’antisionisme, en se fondant sur l’IHRA (organisation intergouvernementale contre l’antisémitisme fondée en 1988).
Voici deux exemples que l’IHRA juge antisémite :
« L’existence de l’État d’Israël est le fruit d’une entreprise raciste »
« comparaisons entre la politique israélienne contemporaine et celle des nazis »
Selon cette définition, le fondateur d’Israël Tzizling, le grand universitaire Israëlien Sternell, les fondateurs antisionistes du CRIF seraient antisémites ?
Pratiquement toute la définition de l’IHRA est d’une adhésion évidente. Les débats viennent quand elle se confronte aux travaux des historiens, aux témoignages, afin de servir le roman national israélien et l’idéologie sioniste.
Quelques exemples en la matière, et un parallèle ce qui est dit aujourd’hui par rapport à hier.
Signataire de la fondation d’Israël et ministre du 1er gouvernement de Ben Gourion, Tzizling s’est exprimé face à l’horreur de la Nakba en 1948 : « On s’est comporté comme des nazis et tout mon être a été secoué ». Selon la définition de l’IHRA, ces propos sont susceptibles d’être antisémites.
En 1948, Einstein et Arendt jugeaient que les futurs fondateurs du Likoud et leurs actes lors de la Nakba ont une ressemblance avec des « fascistes », « nazis » notamment Begin (PM 1977-1983). En Allemagne, l’opposante juive à Poutine Masha Gessen s’est vu retirer le prix Arendt pour avoir dit exactement pareil de nos jours, en invoquant la définition de l’IHRA.
Grand dirigeant de la résistance juive polonaise et antisioniste jusqu’à sa mort en 2009, Edelman disait : « L’Europe se comporte comme ce promeneur du dimanche qui faisait du manège près du mur du ghetto ». Edelman serait un antisémite selon la définition de l’IHRA ?
En outre, le résistant antisioniste et fondateur du CRIF Najman était aussi antisémite, vu ses propos lors de la création d’Israël ? Son parti Bund, juif et antisioniste, qui a dénoncé avec virulence le sionisme, serait antisémite ? Un parti juif leader de la résistance serait antisémite ?
De plus, Zeev Sternell, le plus grand universitaire Israélien de sa génération, survivant de la Shoah et Prix Israël en 2008, a dit en 2018 : « En Israël pousse un racisme proche du nazisme à ses débuts ». Sternell est aussi susceptible d’être antisémite au regard de la définition de l’IHRA.
Par ailleurs, quand on cite les passages des grandes figures sionistes, comme Herzl, Ruppin, Jobotinsky ou Ahimeir, ils décrivent la fondation d’Israël comme une entreprise « coloniale » avec des propos racistes. Que d’autres sionistes comme Buber ont dénoncé avec contradictions. Si on parle in fine de racisme et de colonisation sur cette fondation, la définition de l’IHRA ne s’oppose pas à considérer cela antisémite.
Récemment, des militants pro-palestiniens ont été accusés d’antisémitisme pour avoir abordé l’État binational. L’État binational a été pensé par l’intellectuel sioniste Martin Buber, immense figure du judaïsme allemand et ennemi des nazis. Buber serait donc un autre antisémite ?
De sorte que les travaux aux sources abondantes du courant des Nouveaux historiens israéliens, tels que Ilan Pappé ou Benny Morris, ne sont-ils pas l’illustration de cette phrase bien souvent : « L’existence de l’État d’Israël est le fruit d’une entreprise raciste » ? Ce serait donc antisémite ?
Pour comprendre le Likoud et Netenyahu, il faut évoquer la tentative d’alliance en 1941 du groupe fasciste Lehi avec Hitler, où son mentor Shamir a été un cadre (PM 1986-1992). Il y a aussi le rôle de secrétaire particulier de son père auprès des fascistes Jobotinsky et Ahimeir, proche de Mussolini, ayant tous les hommages de Shamir et Bengin. Antisémite aussi pour l’INRA ces rapprochements historiques ?
Si l’Histoire, les sciences sociales contredisent le roman national israélien, elles seront décrétées antisémites ? Ainsi, la chercheuse sioniste Eva Illouz s’est vu exclue du Prix Israël dans cette perspective, accusée par le gouvernement d’être « anti-israeliennne », donc « antisémite ».
Une rhétorique consiste à dire que la CIJ et la CPI sont antisémites, car leurs enquêtes sur un génocide des Palestiniens, un apartheid et d’autres crimes tireraient un trait d’égalité entre Israël et le nazisme (définition de l’IHRA).
Cette rhétorique dangereuse est reprise par une contribution du PS. Elle est signée par Guedj, Asseh, Delga, les alliés de Mayer-Rossignol. Elle refuse l’utilisation des termes « génocide », « apartheid » à Israël, en parlant de l’IHRA. Vallaud soutient cette définition de l’antisémitisme aussi.
Yadan a même discrètement introduit cette définition de l’IHRA dans la proposition de loi de lutte contre l’antisémitisme à l’université. Elle assimile antisémitisme et antisionisme. Peut-être par ignorance des enjeux pour certains, les 13 députés Écolos présents ont voté pour.
Doit-on appliquer une définition de l’antisémitisme de l’IHRA qui considère qu’Einstein, Arendt, les résistants juifs du Bund, le fondateur d’Israël Tzizling, Sternell, tant de chercheurs en sciences sociales, de travaux scientifiques sont antisémites ? L’Histoire, ce qui a été prouvé, serait antisémite ?
Si cette définition de l’IHRA est promulguée, elle prive les Palestiniens de la compréhension et l’étude de leur Histoire. Comment comprendre la Nakba, la colonisation de la Palestine, sans aborder « l’entreprise raciste » au fondement de la création d’Israël et des massacres des sionistes ?
L’historien Benny Morris et d’autres sionistes, même Ben Gourion, Aloni ou Ruth Dayan, ont admis qu’Israël s’est construit en « sacrifiant » les Palestiniens. Morris souligne que c’était une nécessité pour l’avènement de son pays, comme « l’annihilation des Indiens » aux États-Unis. Il faudrait le nier, déclarer ce que les sionistes ont toujours su comme antisémite ?
On me rétorquera que la définition de l’antisémitisme de l’IHRA n’irait pas jusque-là. Selon les pays, c’est tout à fait le cas et invoqué comme tel, le flou des dispositions le permet. C’est ce flou souhaité par la proposition de Caroline Yadan, Jérôme Guedj et François Hollande pour s’en prendre à l’antisionisme ou plus généralement la critique d’Israël.
Prenons un autre passage de la définition de l’antisémitisme de l’IHRA : « le traitement inégalitaire de l’État d’Israël, à qui l’on demande d’adopter des comportements qui ne sont ni attendus ni exigés de tout autre État démocratique ». Qui fixe ce qu’on attend d’un État démocratique ? Il n’existe pas à l’ONU de listes d’États dits démocratiques, il y a un droit international qui s’impose à tous et que ne respecte pas Israël depuis longtemps.
Toutefois, cette partie de la définition de l’antisémitisme de l’IHRA est essentielle actuellement : « l’idée selon laquelle les Juifs seraient collectivement responsables des actions de l’État d’Israël ». Cela devrait donc remettre en cause la propagande du gouvernement d’Israël depuis des décennies, qui nie la judéité de toute personne juive antisioniste ou trop critiques d’Israël.
Somme toute, la gauche refuse l’amalgame entre antisémitisme et antisionisme.
La gauche refuse évidemment les antisémites condamnés qui instrumentalisent la Palestine. Comme Soral, ancien président du bureau du FN et soutien de Jean-Marie Le Pen, qui n’a jamais appartenu à un parti de gauche.
Antoine Trupiano Remille

Peut être une image de 3 personnes et texte qui dit ’L'AMALGAME ANTISIONISME ET ANTISÉMITISME’

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