
INTERNATIONAL – Ce G7 s’annonçait éminemment tendu. Donald Trump l’aura finalement rendu caduque. En annonçant son départ de Kananaskis un jour avant la fin du sommet, qui se clôture ce mardi soir (heure canadienne), le président américain aura de nouveau montré son désintérêt profond pour ses partenaires occidentaux et la concertation collective, alors que le conflit entre Israël et l’Iran ne ralentit toujours pas ce mardi 17 juin.
À peine une déclaration commune appelant à la « désescalade » signée par les puissances du G7 – que Donald Trump lui-même reconnaissait à son départ n’avoir pas encore lu, selon le média américain CBS -, et voilà le président américain reparti faire cavalier seul sur le Proche-Orient. Le président américain a ainsi affirmé qu’il devait faire son retour « aussi vite que possible » à Washington. « Dès que je partirai d’ici, nous ferons quelque chose. […] Mais je dois partir d’ici », a-t-il ajouté.
Quel est ce « quelque chose » ? Personne ne sait vraiment. En tout cas, visiblement pas Emmanuel Macron, renvoyé à ses études par Donald Trump d’un très sec « Emmanuel ne comprend jamais rien », alors que le président français avait affirmé plus tôt que son homologue américain avait quitté le Canada pour travailler à un cessez-le-feu entre l’Iran et Israël.
« Entrer ou non dans la mêlée »
Car ce qui semble se jouer aujourd’hui n’est pas l’arrêt des combats entre l’Iran et Israël, loin de là. Le New York Times résume la situation de façon très claire. « Le président Trump est en train de peser une décision cruciale […] : entrer ou non dans la mêlée en aidant Israël à détruire l’installation d’enrichissement nucléaire de Fordo, profondément enterrée, que seul le plus grand “bunker buster” (NLDR : une bombe perforante) des États-Unis, largué par des bombardiers américains B-2, peut atteindre ».
Ce « destructeur de bunker », c’est la bombe GBU-57, dont Israël a besoin pour frapper les sites nucléaires iraniens enfouis dans le sol. Mais plus que cela, la question semble bel et bien de savoir si les États-Unis s’apprêtent à devenir un protagoniste actif de la guerre qu’a déclenché Israël contre l’Iran ce vendredi 13 juin en attaquant ses sites nucléaires.
D’après CBS, qui a pu s’entretenir avec Trump à sa montée dans l’avion présidentiel avant de retourner à Washington, ce dernier a réaffirmé qu’il « n’a pas dit qu’[il] cherchai[t] un cessez-le-feu ». Il a au contraire affirmé vouloir « une véritable fin » au conflit, avec l’Iran qui « renonce totalement » à son programme nucléaire.
Une décision à rebours de ses services de renseignements
Ce choix, qui marquerait une véritable bascule dans le conflit s’il est pris, semble pourtant aller à rebours de la conception des relations internationales de Donald Trump, marquée par un volonté de se désengager des grands conflits mondiaux. N’était-ce pas lui qui affirmait en 2019 qu’« intervenir au Moyen-Orient fut la pire décision de l’histoire des États-Unis » ?
Cette décision irait même dans le sens contraire de sa propre administration, et des faits qu’elle présente. Le 26 mars dernier, le renseignement américain avait affirmé qu’il continuait « d’estimer que l’Iran n’est pas en train de fabriquer une arme nucléaire, et que le dirigeant suprême Khamenei n’a pas autorisé le programme d’armement nucléaire qu’il a suspendu en 2003 ». Un document signé par la directrice du renseignement américain, Tulsi Gabbard, nommée à ce poste pour… son adhésion à la vision trumpiste. « Je me fiche de ce qu’elle a dit », a pourtant assumé Donald Trump à son départ du G7, selon CBS. « Je pense qu’ils étaient très proches de les avoir », a-t-il ajouté à propos de l’arme nucléaire.
Le renseignement américain n’a pourtant pas dévié de position. Selon CNN, qui a pu s’entretenir avec quatre sources proches du dossier, « les services de renseignement américains étaient parvenus à une conclusion différente [que celle d’Israël] : non seulement l’Iran ne cherchait pas activement à se doter d’une arme nucléaire, mais il lui fallait encore jusqu’à trois ans pour être en mesure d’en produire une et de la livrer sur une cible de son choix ». On est bien loin de la menace imminente, nécessitant une intervention immédiate.
Une technique de négociation ?
Toutes ces déclarations bellicistes ne doivent pas non plus faire oublier ce qu’est la méthode Trump : celle de la pression maximaliste sur ses interlocuteurs afin d’obtenir des résultats. Ainsi, il n’est pas à exclure que cette menace d’une implication militaire américaine à grande échelle puisse être utilisée pour faire pression sur Téhéran. Et ce, afin de pousser le régime des Mollahs à céder à une voie diplomatique très favorable à Washington et Tel-Aviv, avec notamment l’abandon du programme nucléaire.
Signe de cette décision encore en suspens, ce lundi encore, Donald Trump évoquait la possibilité de missionner son vice-président J.D. Vance et son émissaire spécial au Proche-Orient Steve Witcoff pour des discussions avec Téhéran. « C’est possible », a-t-il déclaré à bord d’Air Force One, affirmant que « cela dépendra de ce qui se passe à mon retour ». Le tout… en ajoutant qu’il « n’était pas spécialement d’humeur à négocier ».
La question reste aussi de savoir ce qu’il restera bientôt encore à discuter, alors qu’Israël continue à intensifier ses frappes sur l’Iran. Le leadership de Téhéran a déjà été bien ébranlé, avec ce mardi matin encore la mort d’un influent commandant militaire iranien, Ali Shadmani. Depuis le début de l’opération « Rising Lion » vendredi dernier, Benyamin Netanyahu ne cache pas non plus sa volonté d’éliminer l’ayatollah Khamenei, à la tête du pays depuis 1989, voire de renverser le régime des Mollahs.
« Si le président Trump est sincère au sujet de la diplomatie et intéressé par l’arrêt de cette guerre, les prochaines étapes sont conséquentes », a déclaré dans un message sur X ce lundi le ministre des Affaires étrangères iranien, Abbas Araghchi, qui était l’interlocuteur des États-Unis lors des dernières négociations. « Il suffit d’un coup de téléphone de Washington pour museler quelqu’un comme Netanyahou [..] Cela pourrait ouvrir la voie à un retour à la diplomatie », a-t-il ajouté. Au contraire, l’Iran a prévenu que toute participation américaine à une attaque sur leurs installations nucléaires mettrait en péril toute possibilité de discussions. Faut-il encore que cela soit toujours l’envie du président américain, plus que jamais seul aux manettes.
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