La découverte du projet d’attentat d’un jeune homme de 18 ans à Saint‑Étienne, inspiré par l’idéologie masculiniste « incel » et mis en examen pour association de malfaiteurs terroriste, marque un tournant lourd de sens : c’est la première fois que le parquet national antiterroriste (PNAT) saisit la justice pour un dossier exclusivement motivé par cette idéologie qui prône la haine des femmes.
Les plateformes numériques : une poudrière idéologique
Les réseaux sociaux – TikTok, Telegram, forums privés – propagent sans frein des discours misogynes et de haine, glorifiant des figures telles qu’Andrew Tate ou des auteurs de massacres motivés par la misogynie, comme Breivik et Tarrant. Andrew Tate est un influenceur masculiniste, également accusé de viols, trafic sexuel et proxénétisme, donnant à son public masculin des stratagèmes pour manipuler des femmes dans le but de les violer ou les exploiter sexuellement. Le rôle des plateformes est central : en facilitant la diffusion de ces contenus, elles génèrent une radicalisation virulente auprès d’adolescent·es en pleine construction identitaire.
Adolescences clivées : garçons vs filles
L’idéologie masculiniste et conservatrice gagne du terrain parmi une partie des jeunes garçons, tandis que les jeunes filles développent des positions progressistes et féministes. Une enquête du Cepremap met en évidence cette divergence.
« Les femmes sont plus féministes, et les hommes plus masculinistes, surtout les jeunes. » note Bérangère Couillard, présidente du Haut Conseil à l’Egalité (HCE). Selon le rapport 2025 du HCE, on observe chez les jeunes hommes une adhésion accrue aux codes masculinistes : 52 % estiment notamment qu’on « s’acharne sur les hommes ».
Le terrorisme masculiniste : une menace à prendre au sérieux
Les attentats masculinistes sont des actes terroristes. Ils relèvent d’une idéologie structurée, violente, haineuse, misogyne, souvent raciste, qui pousse au passage à l’acte contre les femmes et les minorités. À l’image du projet d’attaque déjoué à Saint-Étienne, ou encore des meurtres commis à Toronto, à Plymouth ou en Californie par des hommes se revendiquant du mouvement « incel », ces passages à l’acte obéissent aux mêmes logiques que le terrorisme politique : radicalisation en ligne, glorification de la violence, production de manifestes, et attaques ciblées contre des populations civiles.
Face à cela, il est urgent d’appliquer à la haine misogyne des mécanismes aussi stricts que ceux déployés pour lutter contre les contenus à caractère terroriste en ligne. Le cadre européen de retrait des contenus terroristes en une heure, aujourd’hui en vigueur et inscrit dans le Règlement (UE) 2021/784, doit inspirer une législation équivalente pour les contenus de haine sexiste et les violences sexuelles en ligne. Il s’agit d’appliquer les mêmes principes de nécessité, de proportionnalité et de respect des droits fondamentaux pour protéger les victimes et empêcher la propagation de violences à grande échelle.
Désinformation de l’extrême droite : un détournement raciste de la réalité
Face à la montée des violences sexistes, l’extrême droite tente de désigner de faux coupables en faisant porter la responsabilité de la misogynie sur les hommes racisés, en particulier issus de l’immigration. Cette stratégie de diversion, profondément raciste, vise à masquer la réalité d’une misogynie systémique qui traverse l’ensemble de la société française, indépendamment de l’origine, de la religion ou du milieu social.
Les discours de haine sexiste, la culture du viol, la consommation de pornographie ou les contenus masculinistes sur les réseaux sociaux impactent et influencent l’ensemble de la société, toutes origines confondues. La mobilisation contre le sexisme doit s’ancrer dans une approche féministe et antiraciste, qui dénonce les oppressions croisées et combat les récupérations politiques nauséabondes.
Osez le Féminisme appelle à :
- Mettre en place une procédure d’injonction contraignante : les fournisseurs de services d’hébergement en ligne doivent être légalement tenus de retirer ou bloquer l’accès à tout contenu de haine misogyne dans des délais courts, définis légalement, après notification par l’autorité compétente ;
- Exiger une justification immédiate de la part des plateformes en cas d’impossibilité technique ou opérationnelle d’exécuter cette injonction, afin d’éviter toute inaction injustifiée et garantir la responsabilité des hébergeurs ;
- Imposer des rapports réguliers de transparence sur les mesures prises, les retraits effectués, les taux de modération et les délais de traitement, soumis à l’examen d’une autorité publique indépendante, qui devra pouvoir ordonner des mesures correctives ou contraignantes en cas de défaillance ;
- Assurer une application effective des séances d’EVARS dans l’ensemble des établissements scolaires, avec éducation à l’égalité femmes-hommes, dès la 6ème.
La menace incel montre que le sexisme en ligne est une menace terroriste. Il s’agit d’une idéologie radicale et violente. Pour la combattre, seule une stratégie transversale – discours public, régulation numérique, éducation, solidarité entre mobilisations – permettra de prévenir les attentats et de protéger chacun·e d’entre nous.
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