
Le journaliste et traducteur Ibrahim Badra lance un énième appel au monde, alors que la famine ravage la bande de Gaza. « Que devrions-nous faire ? Quelqu’un peut-il me répondre ? », écrit-il.
Je veux du pain, pas du sang.
En ces temps de faim et de mort, je demande peu.
Je veux vivre.
Respirer sans l’odeur de la mort ou de la poudre.
Voir un enfant rire, pas hurler. Je veux de l’eau.
Je veux de la nourriture qui n’est pas souillée par le sang.
Ou par la peur.
Comment puis-je les aider ? Devrais-je être un magicien ? Un super-héros ? Que devrais-je faire ? Quelqu’un peut-il me répondre ?
La famine s’est répandue dans la bande de Gaza. Beaucoup s’évanouissent dans les rues en raison de la faim et de la rareté des denrées alimentaires. Que devrions-nous faire ? Gaza est-elle devenue une ville zombie, comme dans les films ? Allons-nous nous manger les uns les autres ?
Que devrions-nous faire ? Quelqu’un peut-il me répondre ?

Le son des pleurs d’enfants ne s’arrête jamais. Ils résonnent à travers les tentes et les rues toute la journée. Tout le monde pleure : les enfants, les mères, les pères, les frères, les sœurs, et même moi. La famine n’a aucune pitié. Elle vole nos vies silencieusement, affaiblit nos corps, et nous laisse seuls face à la mort.
Nos enfants ont perdu leur futur, leurs vies, et même leur droit le plus fondamental : il n’y a plus rien à manger ! Pourquoi tout cela ? Quelle faute avons-nous commise ? Qu’avons-nous fait pour mériter cette cruauté de la part du monde ? Pourquoi personne ne se soucie de nous ?
Que quelqu’un me réponde, juste une fois. Que quelqu’un me rassure, même si c’est un mensonge. Donnez-moi de l’espoir. Donnez-moi une nouvelle lumière qui puisse illuminer nos vies et celle de mon peuple !
Où êtes-vous ? Où est le monde ? Pouvez-vous entendre nos voix ? Êtes-vous sur la même planète ?
J’ai aidé les déplacés et les enfants, en essayant de leur redonner de l’espoir en leur vie, et de les rendre heureux, même pour quelques heures. Nous avons distribué du papier et des crayons de couleur pour qu’ils puissent dessiner et se libérer des énergies négatives à l’intérieur d’eux-mêmes.
Certains ont dessiné des chars et des raids aériens attaquant des enfants qui jouent. D’autres ont dessiné des hangars et des points de distribution d’aide alimentaire tenus par des organisations humanitaires. Un autre a dessiné un vendeur de falafels : c’était un temps le seul repas disponible, mais même lui a disparu, à cause des pénuries. Des enfants ont dessiné l’hiver sous la tente, la souffrance et la peur de se noyer. L’été, nos enfants ont peur à cause de l’intense chaleur sous les tentes. L’hiver, ils ont peur du froid et des risques d’inondation.

Un jour, mon frère est allé au marché, comme à son habitude, lorsqu’un groupe de bandits et de voleurs l’a attaqué, pour prendre son argent et tout ce qu’il pouvait avoir. La guerre a donné du pouvoir aux gangs, aux bandits et aux familles armées qui commettent ces actes contre des civils. Certains collaborent avec l’occupation, comme un homme nommé Abu Shabab, qui a des liens directs avec les occupants et a été fourni par Israël en armes et en véhicules dernier cri.
Même mon peuple m’a trahi. Je suis confus. Puis-je me faire confiance ? Si mon peuple me trahit et collabore avec l’occupation, comment puis-je blâmer le monde ? Je ne sais pas quoi écrire ni penser. À qui puis-je faire confiance ? Qui va entendre nos voix ? Qui va lire ceci ? Puis-je vous faire confiance ?
Pour nous protéger contre les voleurs, et garder notre argent en sécurité, nous avons fabriqué une poche cachée à l’intérieur de nos pantalons.
Plus de 180 enfants sont morts à cause de la malnutrition et de la famine, selon l’Organisation mondiale de la santé, entre mars et mai 2025. Selon le ministère de la santé, quatre enfants sont morts en vingt-quatre heures en juillet 2025. Et selon l’Unicef, 71 enfants sont morts en seulement un mois, entre juin et juillet 2025.
Nous mourons de faim et le monde nous regarde. Que devrions-nous faire ? Comment survivre ? Je veux protéger les enfants de mon pays et mon peuple. Quelqu’un sait-il comment faire ?
Quand je marche dans les rues et que je vois ma ville détruite, mon cœur pleure, mes yeux sont secs et sans larmes. Je me rappelle des immeubles, ma maison, mon université, mon école. J’ai le souvenir des enfants qui se réveillaient à 6 heures pour aller vers leur avenir, se concentrer sur les cours, et rêver.
Mère, je te présente mes excuses, du fond de mon cœur, car j’ai échoué à te protéger contre la fatigue quotidienne, contre l’odeur du feu et de la poudre qu’il faut respirer, difficilement, tous les jours.
Père, je te présente mes excuses pour n’avoir pas trouvé ton traitement à cause de la guerre, et je prie Dieu de pardonner mes défauts.
Je veux que quelqu’un me réponde, même pour me mentir. Car si cette réponse peut nous amener de l’espoir et de la paix, à moi, à ma famille, à mon peuple, à nos enfants, à mon pays et à l’âme des martyrs, alors peu m’importe que cela soit un mensonge.
Nous mourons en silence. Entendez-vous nos pleurs, ou allez-vous attendre que ce soit trop tard pour agir ?
Nous avons besoin de protection, des bombes et de ceux qui profitent de nos douleurs. Gaza ne saigne pas seulement à cause des attaques venues de l’extérieur, mais aussi à cause de la trahison qui la poignarde de l’intérieur.
Et toujours, les enfants dessinent du pain.
Toujours ils attendent.
Toujours, ils espèrent.
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