
Gérard Florenson, un camarade qui a sévit un temps dans le 04
15/7/2025
Ce 2 juillet à Bagneux, en région parisienne, répondant à une invitation de Lucie Castets (personnalité “indépendante de gauche” que les députés du Nouveau Front Populaire avaient proposée comme première ministre) les responsables du PS, des Ecologistes et de différentes organisations plus petites issues des différentes crises du PS et de la France Insoumise (1), se sont retrouvées pour discuter. Le sujet de la discussion n´était pas de se préparer à balayer Macron, Bayrou et leur politique réactionnaire par les moyens de la lutte des classes mais de se mettre d´accord sur le sujet brûlant… des élections présidentielles de 2027
Par Gérard Florenson
Illusions électorales et ambitions personnelles
Tous les participants estiment que la “gauche” devraient se retrouver derrière une candidature unique au premier tour, un(e) candidat(e) qui du fait des divisions de la droite et du centre serait qualifié(e) pour le second tour et grâce au “sursaut républicain” battrait celle ou celui du Rassemblement National.
Outre l’hypothèse qu’il n’y aura pas de crise sociale ou politique majeure dans les deux prochaines années – ce qui reste à vérifier compte tenu de la récente conférence de presse du Premier ministre François Bayrou et de tout son cabinet, annonçant en substance un plan d’austérité qui déclare la guerre aux travailleurs – et, donc, que les échéances électorales seront respectées, il y a un certain aveuglement à ne pas prévoir la probable collusion entre une droite de plus en plus réactionnaire et une extrême droite qui cherche à paraître respectable (2). Ou plus exactement la gauche légaliste pense pouvoir rallier les électeurs de la droite dite modérée á une candidature pas trop radicale.
La pré-désignation du ou de la candidate n’en figurait pas au programme de la réunion, on évoque seulement des primaires sans entrer dans le détail, mais c´est bien à cela que tout le monde pense. Les présents bien sûr, dont trois au moins postulent clairement (Lucie Castets, Clémentine Autain et FranÇois Ruffin), le PS pouvant pousser un des siens, mais aussi les absents : le PCF qui est silencieux, LFI pour qui Jean-Luc Melenchon est indiscutable et Raphaël Glucksmann qui pense que ce sont les sondages qui montreront qui est le mieux placé.
Le Nouveau Front Populaire, un couteau sans lame.
Au-delà de la rivalité dérisoire des candidats à la candidature qui se voient déjà à l´Elysée les divisions sont manifestes. Au lendemain du second tour des législatives la direction du PS ainsi que celle des Verts a envisagé sérieusement de prolonger le “front républicain” en répondant à la proposition de Macron de constituer un gouvernement mettant sur la touche le Rassemblement National. Cela s´est très vite avéré impossible car cela signifiait la fin du Nouveau Front Populaire, le projet de Macron excluant les extrêmes, dont LFI tout autant que le RN et ses alliés. Cela impliquait aussi de renoncer à la lutte contre la casse des retraites, la réforme phare de Macron soutenue par les Républicains, dont le poids politique est bien supérieur au nombre de leurs députés ; le PS se serait satisfait d´une “véritable négociation” mais le prix à payer aurait été considérable. En effet la constitution du NFP et son relatif succès avait suscité des espoirs (et des illusions) parmi le “peuple de gauche” bien au-delà du barrage contre un éventuel gouvernement du RN. Prendre la responsabilité de briser cette alliance était impensable.
Mais ce qui unissait tous les partis constituant le NFP était de cantonner la riposte aux attaques du patronat et du gouvernement sur le terrain des institutions et donc de ne pas la porter sur le terrain de la lutte des classes, celui de la reprise des grèves et des manifestations, alors même que beaucoup de leurs électeurs avaient cherché à prendre dans les urnes leur revanche sur la défaite sur la réforme des retraites (3). Pour amuser la galerie il y a eu la “grande campagne démocratique”, pétitions à l´appui, pour exiger de Macron la nomination d´un(e) premier(e) ministre issu du NFP, principale force au parlement et cela, il fallait oser, au nom des “traditions de la Cinquième République”, avec la terrible menace de destituer le Président (4). Ensuite on est passé aux motions de censure à geométrie variable, leur chance dépendant des députés du RN et leur éventuel succès ne débouchant que sur le remplacement d´un gouvernement de droite par un autre, Bayrou à la place de Barnier. Et cela en attendant les prochaines élections, dont la présidentielle qui accapare leur attention.
Condamnés à diviser
Une partie des composantes du NFP entend jouer sur le terrain du “réalisme” et de la respectabilité en pensant coller aux aspirations des électeurs et probablement préparer de futures alliances avec le “centre”. D´autres, dont la France Insoumise, affichent davantage de radicalité en revendiquant “tout le programme du NFP”, mais outre que ce programme n´est en rien anticapitaliste tout le monde se situe sur le terrain des institutions et du jeu parlementaire, avec quelques envolées cocardières pour Jean-Luc Melenchon, apologue de “nos industries nationales” voire de “nos forces armées”. Et bien sûr les élections présidentielles come unique issue.
Mais les fractures sont manifestes sur nombre de questions. Ainsi le PS reprend sans vergogne les accusations d´islamo gauchisme, voire d´antisémitisme, portées contre LFI et se garde de condamner clairement les crimes du gouvernement israélien. Rien de surprenant car la social-démocratie a toujours appuyé le sionisme, le parti travailliste israélien étant membre de l´internationale socialiste, mais cautionner le génocide perpétré contre les Palestiniens en se joignant à la campagne de haine contre celles et ceux qui le dénoncent… En fait le PS cherche un terrain de rencontre avec les prises de position “équibrées” de Macron qui juge un peu excessive la politique de Netanyahou tout en dénonÇant le “terrorisme” du Hamas (5). Mais l´ignominie du PS va au-delà de la question palestinienne. Elle conforte dans tous les domaines l´islamophobie d´État et donc la confusion entre migrants et criminalité.
Autre épisode significatif : on vient de voir Olivier Faure défendre le port de flingues (et leur usage ?) par les policiers municipaux face à une bien modeste demande de leur désarmement avancée par LFI. Il est vrai que les gouvernements “socialistes” ont contribué à élargir les prérogatives de la police en élargissant le droit de tirer aux cas de refus d´optempérer. Nous voyons régulièrement les conséquences de ce blanc-seing octroyé aux flics sous le septennat de FranÇois Hollande (loi du 28 février 2017). Cela interroge sur les limites de la prise position de LFI qui est par ailleurs favorable au renforcement de la police nationale, mais le plus clair est que face à chaque attaque de la droite la prétendue gauche recule, tente de se justifier, de se montrer raisonnable et modérée et donc de se démarquer des propositions un peu radicales.
Le NPA “Anticapitaliste” à la traine du Nouveau Front Populaire
Il a fallu peu de temps pour que les dirigeants du NPA-A, en rupture avec leur propre histoire, succombent aux charmes de l´union de la gauche. Il serait cruel de leur rappeler, au moment où ils viennent de faire adhérer leur parti à leur autoproclamée Quatrième Internationale, cette citation du Programme de Transition dont elle se revendique toujours :
La IV° Internationale jouit dès maintenant de la haine méritée des staliniens, des sociaux-démocrates, des libéraux bourgeois et des fascistes. Elle n’a ni ne peut avoir place dans aucun des Fronts populaires. Elle s’oppose irréductiblement à tous les groupements politiques liés à la bourgeoisie.
Extrait des résolutions du congrès du NPA-A (février 2025) :
L’UNITÉ POLITIQUE ET NOS TÂCHES DANS LES ÉLECTIONS
L’unite politique est un combat permanent et, dans la période dominée par la possibilité de la prise du pouvoir par l’extrême droite, s’étend aux élections pour démontrer la nécessité de l’unite antifasciste á tous les niveaux.
A ce titre, l’expérience du Nouveau Front populaire est un acquis. Le NFP a regroupé des partis de gauche, syndicats, associations et a entrainé des dizaines de milliers de militantEs, mais aussi un grand nombre de personnes non organisées ou venant à la politique pour la première fois, et dans laquelle des forces radicales (notamment la FI, mais aussi la CGT, la FSU) étaient centrales. La victoire du NFP face à l’extrême droite aux législatives de 2024 montre que les capacités de résistance et d’entrainement du mouvement ouvrier restent importantes.
Cependant, nous sommes aussi confrontés à ses limites. Notamment, nous nous affrontons à la volonté des principaux partis de gauche (LFI comprise) à maintenir le NFP comme un cartel électoral. Au contraire, nous militons pour que le NFP devienne pleinement un front social et politique qui puisse se porter aussi bien dans la rue, dans les luttes que dans l’arène électorale. Pour cela, nous nous appuyons sur des forces qui mènent globalement la même politique que nous au sein du NFP (Ensemble, GES, GDS…) mais aussi sur l’embryon de coordination nationale constitue autour de l’initiative menée par ≪ les convois de la victoire ≫, la fondation Copernic et les comites NFP qui y participent.
On voit quelques différences avec une orientation marxiste révolutionnaire. Le NFP est valorisé avec une réserve sur sa limitation au terrain électoral (et le qualificatif de “forces radicales” octroyé aux bureaucrates de la FSU et de la CGT) mais aucun bilan critique sur le “front républicain” qui a contribué à sauver les sièges de députés du parti de Macron et même de la droite. Le NPA-A reprend à son compte la “victoire” du NFP, confondant le score en voix du premier tour avec un avantage en nombre de députés, de ce fait il a adhéré à la “campagne démocratique” appelant Macron à “respecter le choix des électeurs”, alors que comme nous le soulignons plus haut il s´agissait justement de cantonner le rejet des politiques patronales et gouvernementales sur le terrain électoral.
Logiquement les dirigeants du NPA-R n’en cherchent pas à converger, pour les luttes et pour les élections, avec des organisations révolutionnaires (LO, Révolution Permanente, NPA-R) et regardent plutôt du côté des petits groupes de la gauche réformiste dite radicale.
Que dire de plus si ce n´est que nous souhaitons que ces camarades, ou tout au moins une partie d´entre eux, se resaisissent ?
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1.- APRES, constitué par des exclus de LFI et vient de tenir son congrès constitutif, rejoint par Ensemble, regroupement qui compte dans ses rangs des scissionnistes de la LCR et du NPA, dont certains sont toujours membres de la Quatrième Internationale (SU) ; DEBOUT, le petit parti de FranÇois Ruffin, autre ancien de LFI qui joue sa propre partition ; GENERATIONS, le parti de Benoît Hamon, ancien candidat du PS aux Présidentielles…
2.- Philippe Poutou en a fait les frais dans la circonscription audoise concédée par le NFP. Au second tour il a recueilli des voix du candidat dissident du PS local et pas grand-chose de plus. Les résultats montrent que la droite dite républicaine a voté en masse pour le député sortant du Rassemblement National.
3.- Une chose est la nature du NFP qui se fixe comme objectif de civiliser un peu le capitalisme, une autre les aspirations de ses électeurs, un électorat majoritairement populaire et jeune qui veut prendre sa revanche sur les défaites accumulées sans attendre les prochaines élections.
4.- Avec un système électoral à la proportionnelle sur un seul tour le RN et ses alliés auraient obtenu le plus grand nombre de sièges. Aurait-il fallu au nom de la démocratie exiger un gouvernement Bardella ?
5.- Cela n’en justifie en rien le “campisme” de LFI qui a toutes les indulgences pour les dirigeants russes et chinois.
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