Le fascisme n’a pas commencé par les camps de concentration

Peut être une image de talon de billet et texte

Lettre ouverte à celles et ceux que cette époque inquiète.

Ce 9 juillet 2025, j’ai reçu une lettre du Préfet de Haute-Loire. Ce n’était pas une invitation au dialogue, ni une demande d’explication. C’était une mise en cause directe. Une intimidation de plus dans le lot des accusations infondées. Une manière sèche, particulièrement inquiétante de me rappeler que le pouvoir veille, qu’il surveille, et qu’il punit.

Je suis accusé — sans procès, sans preuve, sans même un semblant de procédure contradictoire — d’avoir organisé un rassemblement de soutien au peuple palestinien. Rassemblement que je n’ai ni convoqué, et encore moins revendiqué. J’ai, au contraire, dit publiquement que je n’en étais pas l’auteur. Peu importe : la machine préfectorale, elle, a besoin de coupables. Et cette fois, c’est une librairie qui fait les frais de sa rage d’ordre.

Qu’un État se mette à accuser des libraires, à les menacer d’amendes et de prison pour des faits qu’ils n’ont pas commis, cela devrait glacer le sang. Mais nous nous habituons. Nous nous habituons à tout. À ce que des journalistes soient arrêtés, à ce que des manifestations soient interdites, à ce que des mots soient proscrits. Nous nous habituons à la peur. Et j’ai appris, subissant les violence policières, les insultes assermentées et autres abus physiques, qu’il faut toujours conserver sa dignité dans le débat sans jamais céder aux foudres de la brutalité.

Ce courrier n’est pas une erreur. C’est un symptôme. Il dit ce que devient ce pays. Un pays où l’on ne distingue plus un livre d’un pavé, un libraire d’un fauteur de troubles, un soutien humain d’une menace à l’ordre public. Un pays où la liberté d’expression est tolérée à condition de ne déranger personne.

Que reste-t-il alors ? Le soupçon comme méthode. L’intimidation comme langage. La calomnie bureaucratique comme forme de gouvernance.

Une librairie est un lieu où l’on s’autorise à penser, à douter, à chercher. Si ce lieu devient suspect, c’est que le pouvoir a peur de la pensée. S’il cherche à l’éteindre, c’est qu’il n’a plus rien à dire.

Il ne s’agit pas ici de défendre ma petite personne, ni même seulement ma librairie. Il s’agit de refuser que la logique de la terreur feutrée s’installe dans nos villages, dans nos échanges, dans nos gestes solidaires. Il s’agit de dire que nous ne céderons pas. Pas au chantage, pas à la menace, pas à la stratégie de la peur.

Je publie cette lettre pour qu’elle circule, pour qu’elle fasse résonner ce qu’on voudrait taire. Non pour provoquer, mais pour rappeler que la dignité consiste parfois à dire non. À élever la voix. À faire face. Et je ferai face avec une détermination définitive, quoi qu’il en coûte pour ma personne.

Car ce qui se joue ici dépasse de loin un simple courrier préfectoral : c’est une mise en garde adressée à tous ceux qui pensent encore debout. Ne laissons pas passer cela comme une simple formalité. Il s’agit d’une alerte. D’un moment de bascule. Et peut-être, aussi, d’un point de départ.

Victor Cachard
Librairie Le Sabot,
Chambon-sur-Lignon
Juillet 2025
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