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Le billet de blog de Jean-Luc Mélenchon du 14 août 2025 sur le sommet Trump/Poutine du lendemain en Alaska est un modèle de crapulerie, de mensonge et d’ignorance crasse, et mérite à ce titre un petit commentaire, porteur de leçon politique.
D’aucuns auraient encore, peut-être, pu imaginer que J.L. Mélenchon allait dénoncer ce sommet de brigands et aurait appelé à les combattre du point de vue des peuples, ukrainien et palestinien notamment, comme le dit le clair communiqué des autochtones Inuits et Aléoutes d’Alaska. Impossible de faire sérieusement croire que c’est ce qu’il fait là. Pour lui si ce sommet inaugure un monde « cruel », c’est bien mérité pour « l’Europe » et il va falloir que « la France », sous sa direction comme chacun sait, prenne toute sa place dans cette cruauté : tel est son programme.
Ignorance crasse, mensonge et crapulerie se concentrent notamment dans la phrase suivante :
« Les dirigeants de l’Union européenne ont accepté le scénario conclu en 2008 à Budapest en faveur de l’annexion par l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie, véritable déclaration de guerre à la Russie. »
Mensonge : comme l’écrit un camarade qui était alors journaliste ukrainien, « à son avis, qu’est-ce qu’il s’est passé en 2008 au juste ? Pour moi, c’est l’un des points les plus délirants des campistes, parce qu’il se trouve que je couvrais le sommet en tant que journaliste à l’époque, et je me souviens de la plus noire dépression chez les « euroatlantistes » qui m’entouraient. Pendant des mois entiers, ils avaient espéré qu’on leur octroierait un « plan d’actions pour l’adhésion » à l’OTAN, au lieu de quoi on leur a dit un truc gentil genre « oui, il faut absolument qu’on se revoit un de ces jours, peut-être un café après les vacances de Noël ? Je suis débordé en ce moment, et plus tard on déménage à l’étranger, mais tu as raison on doit bien sûr boire un coup éventuellement ». Après quoi, j’ai haussé les épaules, n’étant pas vraiment fan de l’OTAN, et tout le monde est passé à autre chose. »
Lors de ce sommet de l’OTAN, c’est en fait la demande d’adhésion de la Géorgie et celle de l’Ukraine qui ont été ajournées à la Saint-Glinglin. Le mensonge s’élève au niveau de la crapulerie quand Mélenchon écrit « annexion par l’OTAN » : exactement le langage de Poutine and co !
L’ignorance crasse du politicien gaulois borné qui mélange les capitales européennes apparaît, elle, dans sa localisation à « Budapest » (Hongrie), alors que ce sommet de l’OTAN s’est tenu à Bucarest (Roumanie). Y aurait-il là un écho inconscient du mémorandum de Budapest, ce traité international toujours passé sous silence par les menteurs qui prétendent que l’OTAN avait et a pour rôle d’ « annexer » l’Europe orientale, traité par lequel l’Ukraine a cédé son arsenal nucléaire, alors le troisième du monde, à la Russie, sur injonction de l’OTAN et de l’UE confortant la Russie, avec en échange la solennelle garantie de ses frontières ? C’était en 1994 …
Mélenchon poursuit en assenant que Poutine a « gagné la guerre » – c’est clair, c’est là la méthode Coué performative pour que la réalité se conforme à son souhait le plus profond :
« Poutine a gagné la guerre parce que l’Ukraine ne peut la gagner sans un engagement des USA d’une ampleur qui n’est plus à l’ordre du jour. Pour cause de Chine. Les USA ne peuvent donc pas se tirer d’affaires en vainqueurs. Ils devront accepter qu’une nouvelle carte de l’Europe soit dessinée. »
Admirons à nouveau le mensonge sans doute mêlé d’ignorance de cette dernière phrase : les USA seraient soi-disant contraints d’accepter une nouvelle carte de l’Europe, alors que Trump et Vance l’appellent de leurs vœux ! Hé oui, Mélenchon comme tous les campistes poutinien fait aussi le jeu de l’impérialisme américain à l’âge de l’Axe Trump/Poutine !
Poursuivons :
« Pour finir, l’Europe politique y aura donc laissé sa peau. Elle a prouvé qu’elle n’existe pas et n’en a ni la volonté ni les moyens. Plus que jamais ce sera l’Europe allemande. C’est-à-dire le néant. »
Là encore, larmes de crocodiles : qu’il n’y ait aucune forme d’union des peuples européens contre Trump et Poutine est le combat actuel d’un Mélenchon. Une telle union suppose d’autres gouvernements, des gouvernements démocratiques, et se fera nécessairement avec l’Allemagne. Assimiler l’Allemagne au « néant » revient à vouloir – avec Trump et avec Poutine – que l’Europe soit le « néant ».
Après l’Europe comme ennemi, Mélenchon concentre son tir contre l’Ukraine, qui pour lui a perdu, doit avoir perdu :
« Mais surtout parce que son système politique tient à un fil. Tout concourt à l’effondrement : avoir interdit les syndicats et les partis d’opposition, avoir maintenu Zelenski en place alors que son mandat présidentiel est fini, avoir tenté de sauver les corrompus qui pillent l’effort de guerre, les désertions massives, tout cela a brisé le lien unissant le système Zelenski à son peuple en guerre. »
Mensonge, ignorance crasse et crapulerie là encore : au moment même ou ces lignes infâmes sont publiées, et où les perroquets répètent les mensonges du Chef, tel Aurélien Taché , sur les « syndicats interdits », les camarades de «Be like we are », l’association syndicale des personnels de santé menée notamment par des femmes, tenaient leur conférence à Odessa malgré les bombes russes – photo ci-dessous communiquée par le camarade Patrick Le Tréhondat, du RESU. Les syndicats existent et combattent en Ukraine et aucun parti politique n’est interdit – les clientèles liées à la Russie n’étaient aps des partis.
Au RESU, nous sommes en contact avec les syndicalistes, les étudiants et les féministes d’Ukraine qui mènent la lutte ET contre l’invasion ET contre la corruption et viennent de réaliser la « révolution des pancartes » qui a bloqué Zelensky à propos de la corruption. Nous sommes, nous, avec eux, parce qu’avec eux nous sommes contre l’invasion !
Se joignant à Poutine, aidant Poutine à faire reprendre son exigence colonialiste par les Etats-Unis, Mélenchon veut la peau de Zelensky (qu’il orthographie Zelenski, à la russe !) :
« Le départ de Zelenski est la condition de l’accord. Tout simplement parce que son mandat est fini et que je ne crois pas la Russie capable de signer quoique ce soit avec quelqu’un bientôt remplacé par un autre qui pourrait tout remettre en cause. »
Non seulement il exige le départ de Zelensky et veut des « élections » sous influence, mais il appelle de ses vœux le déplacement des frontières européennes au profit de la Russie, en accord avec Trump et Vance, tout en signalant au passage à quel point les revendications des nationalités européennes lui sont odieuses, et ce n’est pas nouveau :
« Je note pour mémoire à cette occasion : sur cette base les appétits de bouts d’Ukraine en Pologne et en Hongrie seront rallumés. Dès lors, d’une façon ou d’une autre, la question des frontières va revenir plus forte que jamais. Nous avions proposé une conférence des frontières sous l’égide de l’OSCE en 2016. On me fit le procès stupide de m’accuser de vouloir les changer. J’argumentais qu’elles le feraient sans nous. Et que mieux valait prendre les devants en organisant la discussion que de subir les guerres que ce genre de situation déclenche. On a vu depuis comment l’Ecosse, la Catalogne, la Flandre aujourd’hui belge ont posé un problème. »
Aucun procès ici : Mélenchon confirme que sa position sur les frontières en Europe a toujours été celle de Poutine. Elle est aujourd’hui partagée à Washington.
La place politique qu’assume ici J.L. Mélenchon est celle du digne héritier de ceux qui, en 1956 appelaient à écraser Budapest sous les chars et qui faisaient de même en 1968 contre Prague : stalinisme. Mais cette place, il entend l’assumer au compte du dérisoire impérialisme français :
« Un gouvernement insoumis aura les mains libres pour engager tout autre chose, tout autrement pour que la France puisse déployer son offre de non-alignement altermondialiste. Une tout autre Europe peut être en vue. »
Une Europe aux frontières remodelées par Trump, Vance et Poutine, traitant en prime l’Allemagne de « néant » : dans la vassalisation de l’Europe menée par l’Axe Trump/Poutine, Mélenchon prétend ménager la place de la France, qui serait « non-alignée », ce qui veut dire aujourd’hui : ni contre Poutine, ni contre Trump.
Tout ce billet de J.L. Mélenchon est une trahison consciente du programme du Nouveau Front Populaire sur l’Ukraine et pour une politique étrangère démocratique. Mais il créé en même temps les conditions pour n’être jamais en position de pouvoir pour appliquer ce petit programme de sous-impérialisme en talonnette : cette France « insoumise » et « non-alignée » dans le monde « cruel » et « multipolaire » des Trump et des Poutine serait, beaucoup plus efficacement du point de vue impérialiste français, dirigée par l’union des droites Retailleau/Bardella/Le Pen !
La leçon politique à en tirer en France ?
Que l’unité contre le budget Bayrou, la V° République et l’union des droites, doit se faire et se fera, et qu’elle doit se faire en battant politiquement le principal obstacle, et donc le principal atout du pouvoir en place, qu’est aujourd’hui la direction de LFI avec J.L. Mélenchon au premier chef. Elle se fera, et nous mettrons LFI dans l’unité, parce que dans la défensive se développant en offensive sociale à laquelle elles vont être acculées, les larges masses auront besoin d’unité et de démocratie, et sentent et sentiront instinctivement que le soutien de Mélenchon à Poutine, lié à son autoritarisme, est devenu un obstacle pour se défendre et pour aller de l’avant.
VP.
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