
Tout à l’heure, ce dimanche 17 août 2025, dans le cadre de l’émission 20h30 le dimanche sur France 2, Laurent Delahousse a consacré son grand entretien à Gad Elmaleh, figure de la scène francophone depuis près de trois décennies. Ce format, qui mêle déambulation urbaine et confidences biographiques, s’est une fois encore révélé propice à une parole libre, dense et inattendue.
Révélé par des spectacles devenus cultes tels que Décalages (1997
et L’autre c’est moi (2005), Elmaleh s’est imposé par une maîtrise scénique remarquable et un humour finement ciselé, fondé sur l’observation des travers sociaux. Pourtant, une partie de son public lui reproche aujourd’hui une certaine stagnation thématique, voire un recyclage de ses procédés comiques. Malgré ces critiques, l’artiste conserve une réputation d’exigence et de rigueur, qu’il compare à celle d’un athlète de haut niveau, soucieux de performance et de dépassement.
L’entretien a basculé dans une dimension plus intime lorsque Delahousse a abordé la fascination de l’humoriste pour la figure de Marie, mère de Jésus, et plus largement pour le christianisme. Dans un contexte médiatique français souvent frileux, voire réticent, à aborder les questions religieuses, Elmaleh a affirmé une posture singulière : celle d’un homme en quête de sens, refusant les assignations identitaires. « La communauté juive, comme toutes les communautés, est diverse », a-t-il déclaré, revendiquant le droit de s’approprier ce qui résonne avec ses convictions profondes. Une parole rare, qui tranche avec les discours convenus et révèle une volonté d’autonomie spirituelle face aux injonctions communautaires.
Mais c’est en abordant le conflit israélo-palestinien, et plus précisément les événements du 7 octobre 2023, que l’entretien a pris une tournure véritablement audacieuse. Gad Elmaleh a exprimé son émotion face à l’attaque, mais aussi face aux représailles israéliennes sur Gaza, dénonçant la mort de civils palestiniens, et notamment d’enfants. Dans un climat médiatique où la parole publique est souvent calibrée, aseptisée, et soumise à des pressions multiples, cette prise de position constitue un acte de courage. Pour éclairer sa pensée, Elmaleh a convoqué la figure d’Yitzhak Rabin, ancien Premier ministre israélien et artisan des accords d’Oslo, assassiné en 1995 par un extrémiste juif. Rabin, militaire devenu homme de paix, incarne cette tension entre devoir de défense et aspiration à la réconciliation.
Face à la tentative de Delahousse de recadrer ses propos sous l’étiquette de l’humanisme, Elmaleh a répondu avec une lucidité désarmante : « J’ai atteint un âge où ce que je ressens et dis ne doit pas être freiné par ce qu’on va penser de moi. » Cette phrase, simple en apparence, marque une rupture nette avec la prudence stratégique des figures médiatiques, soucieuses de préserver leur capital d’image. Dans un paysage où le conflit israélo-palestinien est souvent présenté de manière binaire et asymétrique — Israël étant maintenu dans le rôle de victime, même lorsqu’il commet des opérations militaires d’une violence extrême qualifiées de génocide — Elmaleh choisit de ne pas se taire.
Il aurait pu esquiver. Il aurait pu se réfugier dans le flou diplomatique. Mais il a choisi de dire, avec nuance et empathie, ce que beaucoup taisent. En prenant le risque de froisser une partie de son public et de s’attirer les foudres de groupes de pression, Gad Elmaleh rappelle que l’artiste n’est pas seulement un amuseur : il est aussi un témoin, parfois un lanceur d’alerte. Ces quelques mots, prononcés dans un cadre feutré, résonnent comme un acte de résistance. Ils disent plus que bien des discours officiels.
# Arezki Metref
Poster un Commentaire